Le grand public a de plus en plus conscience des enjeux écologiques, qui concernent notamment l’industrie de la mode, particulièrement polluante. Si les marques multiplient les opérations de communication pour parler des efforts fournis afin de moins polluer, entre 2000 et 2014, la production mondiale de vêtements a été multipliée par deux. Si bien que cette industrie est responsable de 2 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, soit l’équivalent du secteur aérien.
« Comment s’habiller sans détruire la planète ? » demande Blast à Julia Faure
Face à ce constat, le média Blast a mené une passionnante interview vidéo de Julia Faure (que Madmoizelle avait reçu dans le podcast « Matières Premières », autour des cuirs). Elle est la co-fondatrice de la marque Loom, qui vise à produire moins mais mieux. On pourrait la taxer d’être à la fois juge et parti, mais c’est au contraire ce qui lui permet de tenir un discours depuis le cœur du problème qu’elle regarde droit dans les yeux. Et ce pour mieux tenter de le résoudre avec d’autres acteurs du secteur qui composent En Mode Climat.
« Plus on produit, plus on pollue »
Cette interview regroupe plusieurs constats alarmants, questions clés et pistes de solutions pour l’industrie de la mode, ce qui en fait une excellente synthèse, accessible et éclairante. De ces 50 minutes, on pourrait surtout retenir ce que martèle Julia Faure : « Ce qui pollue vraiment, c’est le volume de vêtements produits et consommés chaque année ». Car produire, c’est polluer. Qu’importe qu’il s’agisse de coton certifié bio, de polyester recyclé, ou de lin bien français, le calcul reste le même : plus on produit, plus on pollue.
Comme le rappelle Julia Faure dans cette interview éclairante pour Blast, « l’industrie textile ne doit pas réduire de 10 ou 20% ses émissions de gaz à effet de serre, mais les diviser par 3 si l’on veut respecter les objectifs de l‘accord de Paris (c’est-à-dire les conditions pour rester sous les 1,5 degré de réchauffement climatique) ». Pour cela, si l’on veut que l’industrie textile pollue moins, il faut qu’elle produise moins, plutôt que d’adopter des mesures cosmétiques d’amélioration de ses pratiques comme améliorer l’éclairage de ses boutiques par des LED.
On est encore bien loin de l’idéal du recyclage et de mode circulaire
Cette vidéo évoque également la façon dont l’industrie textile pollue la biodiversité en amont (à coups de pesticides dans les champs de culture de matières premières, et surtout par les processus de transformation de celle-ci, de teinture, etc), et en aval (quand on se débarrasse de vêtements dans des bornes de tri et qu’ils finissent pour la majeure partie à se dégrader dans des décharges à ciel ouvert). La journaliste de Blast Paloma Moritz, et la co-fondatrice de Loom, Julia Faure, décryptent également la notion de responsabilité élargie des producteurs : comment on pourrait obliger les marques à mieux assurer une meilleure fin de vie à leurs produits.
Elles évoquent aussi combien on reste loin de l’idéal du recyclage. Dans les faits, à peine 1 % des vêtements produits le sont à partir de vêtements recyclés, tant cela reste compliqué aujourd’hui. Et recycler des vêtements pour en faire de nouveaux pollue énormément, en réalité. Quand bien même on parviendrait à faire du neuf avec du vieux à hauteur de 40 % de vêtements recyclés, cela ne réduirait que de 6% les émissions de CO2, d’après une étude de la fondation Ellen MacArthur, citée par Julia Faure. L’idéal d’une mode circulaire n’est donc clairement pas pour demain.
Que peut faire l’industrie de la mode pour polluer moins ? Les pistes de solutions
En Mode Climat, le collectif d’acteurs du secteur qui veulent le révolutionner, propose 3 leviers d’action principaux : réduire le volume de vêtements neufs mis sur le marché, relocaliser, et réparer/réemployer. Cela pourrait notamment passer par des mesures gouvernementales qui préviendraient la prime au vice (car dans l’état actuel des choses, plus une marque produit dans des pays qui paient peu et sans loi pour protéger la biodiversité, moins ça lui coûtera cher, bien plus abordable que les marques qui voudraient faire les choses de façon plus éthique).
D’autres pistes de solutions proposées par En Mode Climat peuvent résider dans la mise en place d’un indice de réparabilité (on pourrait taxer davantage les vêtements difficiles à réparer que ceux plus faciles). Un indice de durabilité émotionnelle (pénaliser les marques qui incitent à surconsommer par des techniques marketing agressives type promotions pléthoriques, et donc à jeter trop facilement). Ou encore la prise en compte dans le futur affichage environnemental (équivalent du nutriscore sur les emballages de nourriture) de l’impact de l’ensemble du volume de vêtements produits par une marque, et non d’une pièce seule. Car, prise isolément, la production d’un t-shirt en 100 % coton certifié bio peut paraître peu polluante. Cependant, dès lors que l’on considère que l’on en produit plusieurs dizaines de milliers par an, cela remet les choses en perspectives.
Pour mieux se rendre compte des volumes, rappelons que les mastodontes Zara et H&M proposent chacun environ 10 000 références en vente à la fois sur leur eshop, Asos environ 100 000, et Shein 500 000. Oui, c’est aussi colossal qu’inquiétant.
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Crédit photo de Une : Nur Aziz de la part de Ziez Studio via Canva.
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