C’est lors de l’échographie des 6 mois que ma mère a découvert que mon urètre était mal implantée sur ma vessie. Une anomalie à l’origine de reflux, de douleurs et d’infections urinaires.
À ma naissance, après 6 mois d’antibiotiques en post partum, il a finalement été décidé d’une micro-chirurgie. Je n’ai alors que 6 mois.
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« L’opération est un échec »
Aujourd’hui, je ne sais pas si cette décision a été pertinente, mais je sais que mes parents ont fait au mieux, avec les moyens et les connaissances de l’époque (on parle de l’année 1988). Factuellement, l’opération est un échec et mon rein gauche est foutu, enfin, il ne fonctionne plus qu’entre 1 et 5/100.
Cela donnera toutefois une anecdote savoureuse aux repas de famille, le chirurgien ayant refermé mon bas-ventre en faisant sa signature… Je suis en quelque sorte « son œuvre d’art », mais alors pas de bol, c’est raté !
Dès 6 mois de vie, mon corps apprend donc à fonctionner avec un seul rein, le droit devient hypertrophique pour compenser et la vie reprend son cours. En soit, l’histoire pourrait s’arrêter là, car on peut très bien vivre avec un seul rein. Bien entendu, j’ai eu des visites de contrôle pendant longtemps, toutes plus gênantes les unes que les autres (la notion de respect du jeune malade dans les années 1990, de consentement n’est pas encore au point) ; cela étant, je me retrouve à 20 ans sans difficultés majeures, mais c’est à cet âge que la maladie se rappelle à moi.
Alors que je fais un contrôle lors de ma 3eme année d’études, le médecin me découvre une tension très haute : je monte à 19/12, à 20 ans ! Un cardiologue se met dans la boucle, et lors d’une journée d’hospitalisation et de tests en tout genre, on me lâche un laconique « Il faut faire du sport, perdre du poids ». Merci, mais j’en fais, et je ne suis pas réellement en surpoids.
Ces deux conseils sont certainement l’apanage des médecins à court d’arguments et sans doute de talent, je les aurai eus un nombre de fois incalculable. Je repars tout de même avec un traitement au long cours.
À 25 ans, après un évènement traumatique, je fais une grosse décompensation, je me réveille un matin avec la tête gonflée. Je vais en urgence consulter mon médecin local (j’habite au Havre à l’époque) qui me préconise une prise de sang pour vérifier « au cas où » la fonction rénale. Ce « au cas où » aura sauvé mon unique rein ! Il m’appelle le soir même : mon rein est en train de lâcher, direction les urgences. Je suis en insuffisance rénale ++, mon rein n’évacue plus les déchets, ce qui explique l’œdème.
Je suis alors perfusée, hospitalisée. Le corps médical est dans l’incompréhension, je suis jeune, ce genre de cas est rare ; tellement rare que l’on me demande à plusieurs reprises si je ne suis pas tout simplement consommatrice de cocaïne…
Après une semaine de tests, d’hydratation, de surveillance, le diagnostic de ma maladie tombe enfin : j’ai une dysplasie fibromusculaire. Mes artères se rétrécissent, c’est une malformation évolutive ; celle du rein est alors rétrécie de 80%, le cœur compense en faisant de l’hypertension. Le remède à ce stade reste simple : le geste chirurgical, soit la dilatation par ballonnet (on introduit au niveau du rétrécissement un petit ballonnet que l’on gonfle et qui est censé donner sa nouvelle forme à l’artère).
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« Vous avez intérêt à faire rapidement des enfants »
Alors que je sors sous contrôle renforcé de l’hôpital, on prévoit ma prochaine hospitalisation pour une dilatation à Rouen. Un séjour cette fois-ci de 3 jours qui se terminera par une phrase qui rythmera ma vie et mes choix de la prochaine décennie : « vous avez intérêt à faire rapidement des enfants, on n’a aucun contrôle sur cette maladie, les grossesses seront à risque ++ ».
Le ton est donné, 25 ans, des médicaments à vie, une maladie dégénérative qui impliquerait un suivi continu, une ou des grossesses complexes à venir. Pour moi qui étais alors convaincue de vouloir quatre enfants, le ton était donné !
Si je fais le bilan 10 ans après, j’ai effectivement eu 2 autres dilatations rénales, le corps médical ne sait plus quoi faire de « mon cas » car la malformation rénale persiste et met régulièrement mon corps à l’épreuve (sans compter que l’artère rénale est de plus en plus fragilisée et qu’il y a risque de rupture). Je suis actuellement suivie par un centre parisien spécialisé dans ce type de maladie, bien que j’habite en province (parfois, il faut savoir faire des kilomètres pour se sentir bien entouré).
Je ne sais pas si je devrais subir de nouveau un geste ou quand il faudra passer à une étape plus radicale (greffe, dialyse…).
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« On n’en parle pas assez, mais être malade prend du temps ! »
J’ai effectivement mené deux grossesses très compliquées dont j’ai eu du mal à me remettre physiquement et psychologiquement : on parle de prématurité, d’IMG (interruption médicale de grossesse) potentielle, de pré-eclampsie…. Je ne pourrai pas en mener une troisième en l’état (mon artère étant à 80% rétrécie). Je suis sous médicaments, mon traitement (qui était de l’ordre de 15 cachets/jour) a pu être diminué, car je fais du sport, ne travaille pas à temps plein et plus dans un cadre stressant (l’hypertension est multifactorielle, j’ai choisi d’agir sur les facteurs que je pouvais contrôler).
J’ai aujourd’hui, en plus de l’artère rénale, une artère du cœur à surveiller (elle se dilate à l’inverse du rein), et une rétinopathie de stade 1 (mes yeux ont mal toléré les variations trop importantes de tension des dernières années).
J’ai ce qu’on appelle un handicap invisible, quand on me voit, on ne le remarque pas, mais mon corps souffre et se fatigue plus vite.
J’ai fait une demande AAH (allocation adulte handicapé) en décembre dernier, qui a été acceptée et me permet de chercher un emploi à temps partiel ou mi-temps. On n’en parle pas assez, mais être malade prend du temps !
J’ai un suivi régulier avec un cardiologue, un néphrologue, un angiologue, un pneumologue, un ophtalmologue…
« Faire les deuils de tout ce que la maladie ne permet plus d’envisager »
Le plus dur dans cette fichue DFM (abréviation de dysplasie fibromusculaire) est certainement le manque de recul sur l’évolution de la maladie. Impossible de prévoir quelle artère va flancher, ni quand. Alors il faut surveiller : les digestives, les carotides, la rénale, les cérébrales (…).
La vie devient une succession d’examens, d’analyses de sang, d’ECBU avec un objectif : arriver à prévenir et contrecarrer un anévrysme, un accident vasculaire…
Il faut apprendre à faire les deuils de tout ce que la maladie ne permet plus d’envisager : un troisième enfant, un investissement immobilier avec une assurance non délirante (les banques ne se battent pas pour des profils comme le mien), un statut indépendant (trop risqué de se couper d’une belle protection sociale), faire des sports de combat (trop risqué avec un rein).
Il faut également apprendre à inclure toutes ses contraintes de suivi dans le choix d’un emploi. Évidemment j’ai une reconnaissance travailleuse handicapée, mais évidemment aussi, le regard de l’employeur change immédiatement quand je lui annonce cela lors d’un entretien d’embauche.
Il y a toujours cet avant et cet après l’annonce fatidique. Après la curiosité, viennent rapidement les questions d’ordre organisationnel : comment la maladie va-t-elle affecter le fonctionnement du service… C’est souvent à cette étape que ma candidature pêche.
Enfin, il faut apprendre à vivre avec des moments de tension constante, sans être forcément bien épaulé. On a beau avoir des amis, un conjoint, on se retrouve seul. Ma maladie chronique est invisible ; elle n’est pas bruyante, mon corps ne change pas extérieurement, ce qui fait que mon entourage peut rapidement l’oublier.
Malheureusement, cette peur qui parfois m’envahit la nuit face à mon avenir et celui de mes enfants est bien réelle.
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