Dans un article publié le 6 octobre, le magazine L’Équipe relaie la parole de plusieurs joueuses d’échec au sujet de la culture sexiste qui gangrène leur milieu, et la violence qui y fleurit, parfois dans l’indifférence la plus totale. Une libération de la parole qui fait suite à la publication, le 3 août dernier, d’une lettre ouverte par le collectif Nous, joueuses d’échecs, qui dénonçait alors sur X (ancien Twitter) les violences sexistes et sexuelles subies.
Une première prise de parole en février 2023
La libération de la parole dans le milieu aurait notamment été amorcée par l’affaire Jennifer Shahade, retrace L’Équipe. En février dernier, la double championne des États-Unis, alors en charge du programme de développement des échecs féminins de la Fédération américaine, révélait avoir été agressée à deux reprises, dix et neuf ans plus tôt, par le Grand Maître Alejandro Ramirez.
Suite à ces révélations, une enquête du Wall Street Journal était revenue sur les faits, relayant les témoignages de plusieurs joueuses (dont certaines mineures) qui affirmaient avoir aussi été victimes de Ramirez. Ce dernier avait finalement quitté son club, avant d’être suspendu par sa fédération.
C’est dans le sillage de cette première salve de témoignages que ce serait constitué le collectif français Nous, joueuses d’échecs.
Autre point de bascule, une affaire mettant en cause, en juin dernier, un entraîneur de l’équipe de France Jeunes, qui aurait eu des relations sexuelles avec deux de ses élèves mineures. S’en est suivi le déclenchement du dispositif gouvernemental Signal-Sports, assorti automatiquement de l’ouverture d’une enquête au pénal.
Du sexisme ordinaire aux violences sexistes et sexuelles
« On finit par ne plus relever les violences sexistes parce qu’on baigne dedans » déplore à nos confrères de L’Équipe Mathilde Congiu, cinq fois Championne de France. Le quotidien décrit en effet un milieu des « échecs gangrenés par une masculinité toxique profondément ancrée ».
Ce climat serait alimenté par la sous-représentation des joueuses dans les compétitions, mais aussi les grandes différences d’âge opposant parfois des adolescentes à des cinquantenaires peu gênés de se fendre de remarques misogynes, ou de commenter « womanchess » (« échec de femme » en français), quand leur adversaire échoue.
Les témoignantes rapportent à L’Équipe le sexisme ordinaire qui règne en maître au sein de la discipline, donnant crédit aux rumeurs à leur sujet et aux blagues machistes reçues à gogo. Et, dans certains cas, un harcèlement ciblé, allant jusqu’aux insultes ou aux menaces de mort.
Interrogée, la fédération assure faire de la lutte contre ce sexisme une priorité, à travers « l’amélioration du circuit de signalement », un travail de « prévention » et de « sensibilisation auprès des clubs », « l’accompagnement des victimes déclarées », la « formation des encadrants » et la « féminisation des instances ». Mais, à en croire les témoignages révélés par nos confrères, le chemin reste long.
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