« Si tu aimes les enfants, ne les mets pas au monde », peut-on entendre dès les premières minutes du reportage de France 2 Envoyé Spécial intitulé Je ne veux pas d’enfant.
Les journalistes donnent cyniquement rendez-vous à l’un des témoins dans un square pour enfants. Entouré de bambins qui jouent, le jeune homme, qui a souhaité rester anonyme, ne fléchit pas : à 27 ans, il entreprend une vasectomie pour ne pas risquer de devenir papa.
On les appelle les childfree, et non pas les childless, car s’ils et elles n’ont pas d’enfant, c’est avant tout par choix. Ce mouvement formulé aux États-Unis dans les années 1970 a pris de l’ampleur de chaque côté de l’Atlantique, si bien qu’aujourd’hui, près de 5% des Français et Françaises ne veulent pas de progéniture.
Certains et certaines childfree vont jusqu’à s’assurer de ne pas procréer par accident en se faisant stériliser. Une décision 100% personnelle qui provoque pourtant de vives réactions d’incompréhension collective, notamment de la part des générations précédentes, pour lesquelles la parentalité est souvent une évidence, plus qu’un choix.
Mais derrière cette décision « radicale », il y a un choix mûrement réfléchi loin des clichés. Les témoins interrogés ne sont pas des « célibataires endurcis et aigris », mais des jeunes hommes en couple qui se soucient de l’avenir de la planète ou des femmes qui souhaitent se consacrer à leur carrière et à leur passion.
Le choix de la contraception définitive
Rendez-vous chez l’un des rares chirurgiens qui pratique la stérilisation à visée contraceptive chez les jeunes. Car même si la loi l’autorise depuis 2001, peu de médecins acceptent de réaliser cette opération sur les moins de 30 ans sans enfant.
Dans le bloc, le docteur explique de nouveau l’intervention à son jeune patient qui va subir une vasectomie :
« C’est une intervention définitive, même s’il est possible de réparer les canaux, ça reste très compliqué ».
Une anesthésie locale plus tard et voilà le jeune homme anonyme hors de l’hôpital, complètement stérilisé… et soulagé !
Puis zoom sur la clinique Jules Verne de Nantes où un protocole a été créé spécifiquement pour ce genre de demandes — en moyenne quatre par mois dans cet établissement.
Ici, des soignants et non-soignants se réunissent régulièrement pour accompagner les jeunes personnes qui souhaitent se stériliser et délibérer autour de leurs cas. Autour de la table, le collège débat, non sans clichés, sur le bon fondement des requêtes de childfree.
« Tu vas regretter »
« Je suis une femme donc je devrais me reproduire », voilà le genre de stéréotype qui énerve Daphné, une agente de sécurité issue d’une famille nombreuse et précaire. La vingtenaire ne veut pas reproduire le schéma de ses parents et envisage une contraception définitive pour se débarrasser du stress d’une potentielle grossesse issue de ses rapports sexuels.
75% des Français et Françaises jugent l’avenir effrayant, et 39% hésiteraient à avoir des enfants dans le monde de demain.
Une conviction grandissante, qui suscite pourtant toujours autant de débats et d’incompréhensions. À tel point qu’un des childfree du reportage, qui entreprend une vasectomie à 27 ans, témoigne le visage flouté, sa famille n’étant pas au courant de sa démarche :
« Ils savent que je ne veux pas d’enfant, mais ne savent pas que ma décision est définitive. »
« Les soignants sont là pour guérir, pas pour interrompre une fonction », « Vous n’allez pas regretter ? », « Avez-vous eu une enfance heureuse ? », « Êtes-vous libre dans votre décision ? »… Même du côté de la clinique de Nantes, les délibérations sont, certes légitimes, mais parfois un poil culpabilisantes et le potentiel regret des futurs patients est dans toutes les bouches.
Le collège se réunit pour traiter du cas d’une jeune femme de 19 ans qui dit ne pas aimer les enfants et ne pas en vouloir. Les uns et les autres pèsent le pour et le contre pour savoir s’ils vont accéder à sa requête : sa volonté de ne pas procréer est entre les mains d’inconnus rassemblés dans une salle de réunion.
Petite note positive : d’après le groupe, de plus en plus jeunes adaptent leur manière de vivre à un avenir très noir et anxiogène et prennent à bras-le-corps « leur propre corps ».
Car ce choix est loin d’être pris par-dessus la jambe par les concernés et concernées. Ce n’est pas une lubie passagère et les raisons d’une telle décision sont souvent mûrement identifiées.
« Peut-être que je veux un enfant, mais est-ce que l’enfant sera heureux ? », déclare Florent, menuisier. Son ami Gauthier, qui partage les mêmes convictions que lui, montre à la caméra un graphique de l’AFP qui indique les actions pouvant réduire l’empreinte écologique par ordre d’importance. Eh bien figurez-vous que l’acte le plus écologique qu’on puisse faire serait d’avoir un enfant en moins !
« Je suis plus écolo que la moyenne, même en roulant sur ma moto », lance-t-il.
Selon un article de France Culture :
« Nous sommes 7,7 milliards d’habitants sur Terre et un récent rapport de l’ONU envisage deux milliards d’habitants supplémentaires en 2050. L’évolution des populations interroge au moment où l’écologie devient une préoccupation majeure. »
Les Millennials ont grandi avec la perspective d’un avenir instable et effrayant, teinté par les crises sanitaires, politiques et écologiques. « Je n’ai pas envie que mes enfants grandissent dans un monde pourri », révèle Florent. Conscients qu’ils ne peuvent pas changer la donne mondiale à leur échelle, Florent et Gauthier estiment au moins accomplir leur part du marché.
« À ceux qui me disent que je ne veux pas d’enfant parce que je ne sais pas le bonheur que c’est, je leur réponds qu’ils vont en avoir un et qu’ils ne savent pas le malheur qu’ils vont peut-être lui transmettre. »
Si le couple ne souhaite pas mettre au monde un enfant, il n’est néanmoins pas contre l’adoption ou devenir une famille d’accueil — « On ne veut pas FAIRE un enfant », précisent-ils.
L’avenir de la planète n’est pas la seule raison évoquée par les childfree du reportage. Un autre témoin resté anonyme voit dans la parentalité une contrainte pour les projets associatifs qu’il envisage avec sa partenaire. Daphné, elle, voit dans la maternité trop de contraintes et de responsabilités, et veut consacrer sa vie à sa passion de la montagne et du voyage.
« Pour moi, ne pas avoir d’enfant, c’est la liberté », conclut-elle.
Quelles que soient les raisons (réchauffement climatique, convictions politiques, pas envie de sacrifier son temps) , finalement, le choix de mettre au monde un autre être vivant nous appartient. Il serait bon que chacun et chacune l’accepte.
Je ne veut pas d’enfant est disponible en replay
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Crédit photo : capture d’écran du reportage Je ne veux pas d’enfant
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