Depuis qu’il existe une allocation pour les parents qui arrêtent de travailler après la naissance d’un enfant, les mères sont celles qui y ont recours dans la quasi-totalité des cas (plus de 98% en moyenne).
Pour rééquilibrer la situation, la loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, votée en 2014, a réformé l’allocation versée en cas de congé parental en créant la PreParE (Prestation partagée d’éducation de l’enfant) avec un double objectif :
- Encourager les pères à prendre un congé parental, afin de mieux partager les tâches parentales et domestiques entre parents.
- Encourager les mères à retourner plus vite sur le marché du travail afin de réduire les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.
Une réforme pour « forcer » les couples à partager le congé parental
Voilà comment les modalités de versement de l’allocation ont été transformées :
- Avant la réforme, les parents devaient se partager 6 mois d’indemnisation suite à la naissance de leur premier enfant, après la réforme, chaque parent a le droit à 6 mois d’indemnisation.
- Dans le cas du deuxième enfant, et des suivants, un seul et même parent avait le droit à trois ans d’indemnisation jusqu’en 2014. Depuis la réforme, un parent peut prendre au maximum deux ans, la dernière année devant être prise par l’autre parent.
Ce fonctionnement qui « force » les parents à se partager le congé parental pour en bénéficier au maximum s’inspire des pays scandinaves et de l’Islande, avec un détail qui diffère tout de même… Le montant de l’indemnisation versée en France n’a pas changé avec la réforme de 2014. Il reste faible et forfaitaire, autour d’un tiers du SMIC pour un congé à temps plein.
Alors, la réforme de 2014 a-t-elle porté ses fruits ? Les pères se sont-ils rués en masse sur le congé parental ? Suspens quasi nul et pas besoin de roulements de tambour… C’est un gros fail !
Pourquoi les pères français ne prennent-ils pas de congé parental ?
D’après un article d’Hélène Périvier et Grégory Verdugo, paru dans l’OFCE Policy Brief début avril et intitulé : « Cinq ans après la réforme du congé parental (PreParE), les objectifs sont-ils atteints ? », le constat est sans appel :
« Le recours des pères à l’allocation de congé parental n’a presque pas augmenté »
Pour le congé à taux plein, le recours des pères est passé de 0,5% avant la réforme à 0,8% après. (Youhouhou) Et pour le congé à taux partiel, le recours des pères d’un premier enfant est passé de 0,7% à 0,9%, et de 1% à 1,8% pour les darons ayant deux enfants ou plus.
On est loin, très loin, de l’objectif affiché au moment du vote de la loi des 25% de pères bénéficiant de l’allocation de congé parental. Et bien loin aussi de la situation observée en Allemagne depuis la réforme de l’Elterngeld en 2007 : 32 % des papas allemands prennent aujourd’hui un congé parental contre moins de 3 % avant la réforme.
Alors, comment expliquer cet échec de la réforme ? Pourquoi les pères français ne prennent-ils pas plus souvent de congés parentaux ? Est-ce que c’est juste parce que ce sont de gros nullos misogynes qui n’ont pas envie de passer du temps avec leurs mouflets
? C’est ce que nous allons voir !
Un congé parental pas assez indemnisé pour être attractif
La première piste d’explication est d’abord à chercher du côté du montant de l’indemnisation. Contrairement aux pays scandinaves ou à l’Allemagne, l’allocation versée dans le cadre d’un congé parental en France est forfaitaire et relativement basse : 398,79 € en cas de cessation totale d’activité, soit un tiers du SMIC environ.
Or, on le sait, les hommes sont en moyenne mieux payés que les femmes. Il y a donc de nombreux couples hétérosexuels dans lesquels le père a le plus gros salaire. La perte de revenus est donc plus importante si c’est lui qui prend un congé parental, et les couples n’ont pas toujours la capacité ou l’envie d’encaisser cette chute du niveau de vie. Financièrement, ça a plus de sens que le membre du couple avec le plus bas salaire (la mère, donc) s’arrête de travailler.
Une des pistes pour encourager les papas à rester à la maison après une naissance pourrait donc être de calculer l’indemnisation versée pendant le congé parental en proportion du salaire passé. C’est ce qui s’est passé en Allemagne avec la réforme de 2007 : l’allocation forfaitaire peu attractive a été remplacée par une allocation proportionnelle à la rémunération passée (67 %, assortie d’un plafond).
Les pères ne demandent pas les indemnités auxquelles ils ont droit !
Selon les deux économistes qui ont rédigé l’article bilan sur la réforme du congé parental, cette piste ne sera toutefois probablement pas suffisante… En effet, certains pères qui ont le droit à cette allocation ne la réclament même pas !
« Nous estimons que 70 % des pères (contre seulement 25 % des mères) qui travaillent à temps partiel renoncent à percevoir l’allocation de congé parental à laquelle ils ont droit. […]
Ce non-recours important des pères travaillant à temps partiel relativement à celui des mères suggère un effet genré du congé parental : les pères ne demandent pas cette allocation soit parce qu’ils supposent qu’ils n’y ont pas droit, soit parce qu’ils estiment que le congé parental est une affaire de femme ou encore parce que dans leur environnement professionnel leurs collègues masculins n’y recourent pas, ce qui les dissuade de le faire. »
Hélène Périvier et Grégory Verdugo précisent ensuite qu’il est possible qu’au fil des années l’information autour de ce droit se diffuse et que le recours des pères augmente, mais que pour l’instant, une telle dynamique n’apparaît pas.
Le congé parental pour les pères : un frein pour la carrière ?
Si les pères ne prennent pas de congé parental, c’est peut-être aussi par peur de pénaliser leur carrière. Si aucun autre père de son entreprise n’a pris de congé parental, comment sera-t-on perçu si l’on fait ce choix-là ? Est-ce qu’on ne risque pas d’être placardisé à son retour de congé ? Voire de perdre son emploi ou de ne pas être prolongé pour les pères en CDD ou en intérim. Attendez, un peu comme… les mères, vous voulez dire ?
De nombreux pères renoncent déjà à prendre leur congé paternité de quatre semaines, alors s’arrêter plusieurs mois…
Quelles que soient les raisons qui dissuadent les pères d’y avoir recours, les économistes qui ont réalisé l’étude sur la réforme du congé parental estiment en tout cas qu’une « réforme plus ambitieuse » est nécessaire si l’on veut que les pères soient plus nombreux à prendre un congé parental.
« Une indemnisation calculée en proportion du salaire passé, comme c’est le cas dans les pays nordiques ou en Allemagne, est une voie à retenir. Mais cela ne suffira probablement pas. En effet, le non-recours des pères travaillant à temps partiel suggère que le niveau d’indemnisation du congé n’est pas le seul facteur déterminant. Une campagne d’information et de sensibilisation pour contrer l’association du congé parental aux mères pourrait permettre de réduire le biais de genre qui affecte ce dispositif et accroître le recours des pères. »
Bon, bah, y’a plus qu’à hein… Et si le gouvernement a besoin d’aide pour bosser sur cette campagne, qu’il n’hésite pas ! On a deux-trois idées chez Daronne.
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Les Commentaires
Quand ma fille est née j'ai enchainé avec avec un congé parental total après le congé maternité.
J'ai repris le boulot quand elle a eu 8 mois, donc j'ai pu me rendre compte de la différence avec 400 euros restant à charge pour la nounou, on habite en ile de france.
Eh bien en congé parental en plus de la PREPARE de 398 euros, et la PAJE de 184 euros, on avait droit à 214 euros d'APL car locataires (beaucoup de personnes ignorent qu'on a souvent droit aux APL avec le congé parental quand on est locataire car les revenus de celui qui prend un congé parental total sont gelés, c'est à dire mis à zéro... donc à moins d'avoir un conjoint qui gagne 2500 euros par mois, ça fait une aide supplémentaire).
J'avais fait les calculs et les simulations pendant la grossesse histoire de savoir si c'était faisable ou non. Eh bien on s'en sortait bien mieux quand j'étais en congé à la maison que quand j'ai repris le travail... entre mes frais d'essence à 150 euros, les 400 euros de nounou, la moitié du loyer (800 euros en tout), la moitié des courses, le lait pour la petite, les produits de soins, les frais médicaux, internet, téléphone, la mutuelle, l'assurance voiture, les frais bancaires... ben j'étais à zéro tous les mois voire parfois à découvert, j'ai même demandé l'aide d'une collègue une fois car plus de carburant pour rentrer chez moi et j'avais pas pu faire le plein en venant avant le travail car plus assez de sous sur le compte...
Du coup pour mon fils la question ne s'est pas posée j'ai pris un congé parental total aussi... avec 400 euros d'APL, 171 euros de PAJE, 398 euros de PREPARE et 131 euros d'allocations familiales... le lait me coute un bras car il ne supporte pas le lait de vache, mais on est quand même gagnant haut la main... ce qui plombe le budget c'est le montant des frais de garde... 800 euros de frais de garde si j'avais pas pris mon congé (car enfants d'âge rapprochés) c'est 2/3 de mon salaire et je me serais retrouvée plus que dans dans le rouge, alors que si je reste chez moi j'ai encore de l'argent sur le compte à la fin du mois... y a pas photo !
Bébé 3 arrive dans moins de 2 semaines et ça se fera de la même façon... je comprends pas qu'il y aie aussi peu de personnes qui se renseignent vraiment correctement pour voir à quoi ils auraient le droit, et ce que serait leur budget en congé parental et en activité totale avec les frais de garde qui sont juste exhorbitants !
D'ailleurs mon mari compte prendre 2 ans de congé parental pour le dernier bébé, car j'aimerai bien voir autre chose que la maison, besoin d'une vie sociale et de revoir mes collègues aussi... différence de salaire de 300 euros, monsieur est à 1700, eh bien il s'en fout de perdre des sous, car au final quand on calcule tous nos droits et qu'on fait la différence perte de salaire en congé et reste à vivre une fois les frais de garde enlevés bah autant garder nos bambins nous même... après pour ceux qui ont des gros salaires je peux comprendre que la différence est trop grande, mais ceux qui peuvent se le permettre devrait pas se gêner et mieux se renseigner... ça ne fait plaisir à aucun parent de laisser son bébé de moins de 3 mois à une inconnue le temps de sa journée de travail !
Mais en effet je trouve que les administrations ne renseignent pas assez sur les droits... quand il s'agit pour nous de payer on nous informe très vite, quand c'est à nous que doit revenir l'argent ils sont tout de suite moins bavards !