Tu étais là au début de ma vie, astre bienveillant au-dessus des prairies, des vignes et des plages de mon enfance. Tu éclairais mes jours, et je pensais qu’une nuit était tout ce qui pouvait me séparer de toi. Jusqu’à ce que, parvenue à cet âge où plus rien d’autre qu’un départ ne peut assouvir la soif d’aventure, je prenne mon envol et m’éloigne vers de plus vertes contrées.
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À présent loin de ma terre de sudiste, où tu fais don de ta présence aux habitant•e•s à peu près 364 jours par an et que le vent, ton plus fidèle allié, balaie ces vains nuages qui te portent ombrage, je comprends que je te tenais pour acquis pendant toutes ces années.
Et que les vertes contrées sont vertes pour une raison.
Même sans toi j’irais bien (au soleil)
J’ai beaucoup bougé mais, va savoir par quel absurde esprit de contradiction, dans mes déménagements, j’ai toujours choisi les régions les plus humides des pays les plus pluvieux. Si tu regardes, bon, le nord de l’Angleterre et la Galice, par exemple, c’est pas exactement aride. J’ai même acheté mes premiers pulls à Sheffield, quand j’ai compris, à la douzième pneumonie, que tu ne reviendrais pas.
Une métaphore. (Le dauphin c’est moi.)
Bon, j’exagère : tu étais là. Il paraît qu’il aurait fait beaucoup plus sombre si ça n’avait pas été le cas. Mais comme tu me paraissais loin ! Et le vent de Sheffield, loin de chasser les nuages, balayait ces opportuns comme on étale la crasse pour faire croire qu’il n’y en a plus.
Pour autant, j’étais bien dans ces pays. Oui, je l’avoue : j’ai su être heureuse sans toi. Je… J’ai appris. Et même encore aujourd’hui, désormais installée à Paris, je pleure moins souvent le nez collé aux fenêtres, tandis que la « bruine » (ou « déluge », comme on dit dans mon pays) d’hiver s’abat sur la ville. Je suis une sudiste, mais j’ai appris à maîtriser les effets du manque du soleil, pour des raisons sociales évidentes.
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Non, ne pars pas ! Ça ne veut pas dire que je n’ai plus besoin de toi ! Nous nous sommes endurcies, moi et ma peau que tu rendais jadis si brune (quand je jouais à poil dans la boue toute la journée, d’après maman). J’accepte l’idée que l’hiver, ça peut vouloir dire moins de 20°C en moyenne, et ma peau accueille la pâleur qui suit ton absence avec l’abnégation digne des plus grandes tragédiennes.
« Mais à qui elle parle ? »
Mais pas longtemps. Au fond de moi sommeillent encore les écailles de ma véritable nature : je suis un lézard. Au bout de plusieurs jours de pluie, de grisaille, je n’aspire plus qu’à la douce chaleur réconfortante – fût-elle fugitive – de tes rayons sur mon épiderme frileux. Et vient le moment, alors, où je crève les silences de mes soupirs tandis que je regarde l’obscurité par la fenêtre.
Je cherche le soleil (au milieu de la nuit)
Et ce n’est même plus tant une question de chaleur, que de lumière. Je peux endurer tout un hiver à Paris (ne serait-ce que parce que j’ai connu l’hiver à Londres ou le brouillard givrant de Dijon), et au fond, ne pas crever de froid. Je ne suis pas si frileuse. Je suis même – tiens-toi bien – une sudiste qui aime la neige !
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Mais je ne te trahis point, car à mes yeux les plus beaux hivers sont ces journées d’une beauté glaciale, lorsque la température est négative mais que tu illumines un ciel immaculé par-dessus la glace et le givre. Oh, oui ! Les écharpes que j’endure alors ! (Mais pas les bonnets, faut pas déconner.)
Et puis la grisaille toujours revient, et les jours s’enchaînent sans que tu parviennes à te créer un passage dans les blocs de nuages ventripotents. Alors, c’est la déprime. C’est le ras-le-bol. C’est l’hibernation.
Sache que je n’ai jamais passé plusieurs jours de pluie sans m’enquérir de ton bien-être (« C’est super chouette ici, mais il revient quand, le soleil ? ») Je me souviendrai toute ma vie de cet Anglais qui m’a répondue, sous un ciel aux multiples nuances de gris : « Ben quoi, il a fait super beau aujourd’hui ! »… et de la découverte de l’hibernation qui a suivi.
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Oui, j’ai beau m’être éloignée, je fais toujours partie de celles et ceux qui trouvent tout plus beau sous le soleil ! Ces individus qui fonctionnent à l’énergie solaire, et dont le moral tombe à plat lorsque leur batterie à UV fait de même. Et si je ne me force pas à mettre le nez dehors, je peux passer mes journées planquée au fond de mon nid.
Par refus. Par déni. J’étais portée par la conviction que l’été reviendrait, et toi avec. Mais lorsque les jours sombres semblent s’enchaîner à l’infini, si tu ne reviens plus jamais, à quoi bon ? J’hiberne avec panache, farouche Antigone drapée de sa couette et du Nutella sur le nez face à la fatalité des longs frimas.
Et lorsqu’on me fout dehors, je m’exclame, outragée, que le monde est stone, et cherche le soleil au milieu de la nuit.
J’ai attrapé un coup d’soleil (un coup d’amour un coup d’je t’aime)
On me reproche, souvent, de m’abandonner à cet amour impossible. Tu es un soleil, je suis une mortelle combustible, et je ne veux plus souffrir. Cependant, si je dois être le moucheron attiré par ta lumière, je serai ce moucheron auquel sa maman a appris à ne pas finir en barbecue d’insectes.
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Oui, Prince des Lumières, je connais ta part d’ombre ! Je sais que tes rayons sont chargés d’UV que ma peau, quand bien même elle s’est assombrie avec le temps sous tes fréquents baisers, ne saurait souffrir à l’excès. Je m’en protège, de ces baisers, lorsqu’ils se changent en morsures, car la sudiste n’est pas étrangère à l’existence et aux bienfaits de la crème solaire.
Salut toi.
D’ailleurs, je me contente souvent de te savoir là. M’allonger sous ta chaleur et te laisser me cuire comme du bacon ne m’intéresse pas : ta lumière et tes douces caresses me suffisent. Trop s’enivrer de toi, on le sait, mène beaucoup plus vite à la folie que le vide de ton absence. Comme l’a prouvé ma chère collègue, aujourd’hui, en déclamant des vers à ton intention :
Un cas d’insolation typique, comme intoxiquée par les promesses de ton amour, auquel je ne saurai malgré tout me laisser aller…
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