Ceci est un témoignage personnel, qui retrace la façon le selfie est devenu une part intégrante de mon univers, au même titre que le café et les pistolets lasers.
Analyse d’un déclic narcissique
Comme j’ai été nulle et pas du tout connectée à l’Internet pendant des années, je n’ai découvert le terme « selfie » que lorsque celui-ci a été élu « mot de l’année » par le dictionnaire anglais Oxford en 2013 (et ouais, carrément) (mais maintenant que j’y réfléchis, peut-être que je connaissais pas car c’était juste pas vraiment utilisé avant, j’en sais rien).
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À cette période-là, je n’avais pas encore accès à la caméra inversée sur le téléphone et je n’éprouvais pas non plus d’envie spécifique de voir constamment ma tête.
Mais l’année passant, et mon manque de confiance en mon apparence s’atténuant avec la fin de l’adolescence (une super période que je vais vraiment regretter) (non), j’ai commencé, lentement mais sûrement, à me prendre en photo.
Je l’ai d’abord fait pour moi, pour voir à quoi ressemblaient mes coiffures et mon maquillage à travers un objectif. Puis j’ai mis des filtres (Mayfair toi-même tu sais), et j’ai partagé les photos sur Instagram, sur Twitter et sur Tumblr. J’étais contente, j’avais des likes.
J’étais contente parce que je trouvais ces clichés jolis, mais surtout je ME trouvais jolie dessus. Et avec Snapchat, j’ai appris à aimer ma gueule sans artifices, à aimer faire des grimaces et à les envoyer à mes potes. Je ne prends plus de selfies essentiellement pour être canon dessus (même si ça fait toujours plaisir), mais plus parce que c’est cool de voir sa tête et de penser que « Ah bah ça va, même démaquillée et au réveil, je suis chou » !
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Ce qu’en pensent les autres
Évidemment, être narcissique et l’assumer, ce n’est jamais bien vu. Je ne compte plus le nombre de paires d’yeux qui se lèvent au ciel quand j’incline mon téléphone pour avoir un meilleur angle de prise de vue…
Une pote m’a même dit qu’au début de notre amitié me voir agir ainsi avait changé son opinion à mon propos. Elle m’avait trouvée « bête ».
Pourquoi bête ? Parce que j’avais l’air superficielle. Car à ses yeux, désormais, je me souciais surtout de mon apparence. Tout simplement parce que, pour elle, se prendre en photo en souriant, « en minaudant » diraient les plus cruels, c’est superficiel. C’est pour plaire. C’est destiné aux autres.
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Alors que non : la plupart de mes selfies, ils sont pour moi ! Je me trouve jolie et j’ai envie d’immortaliser cet instant de grâce à l’aide des merveilles de la technologie moderne.
Cette fille n’est pas la seule à penser comme ça et, à moins que mon entourage ne soit pas aussi cool que je me le figure, je pense que je peux faire de son cas une généralité.
Je ne vais pas ressortir le désormais célèbre titre d’article que n’importe quel mensuel de psychologie a un jour fait sur « Comment le selfie renforce l’ego des adolescents » (sérieux, arrêtez d’écrire là-dessus, on a compris), mais plutôt me demander pourquoi ça saoule tellement de gens.
En quoi ce geste a priori anodin peut-il suffisamment déranger quelqu’un pour que, ne pouvant plus se retenir, il fasse une remarque désobligeante ? Est-ce que ce trop-plein de confiance en soi effraie ? Les autres se sentent-ils agressés, ont-ils l’impression que les selfies sont une attaque contre eux ? En quoi bien s’aimer reviendrait forcément à les dévaloriser ?
Serait-ce une peur de notre société capitaliste de ne plus parvenir à nous vendre des produits en ciblant nos complexes, si justement on n’en a plus ?
Pourquoi je m’en fous
Mais malgré tout cela, malgré toutes ces critiques, je ne me suis jamais autant photographiée et surtout, je ne me suis jamais autant kiffée.
Car personnellement, je trouve ça carrément cool qu’une génération à qui on balance sans cesse des images irréalistes d’idéaux physiques et esthétiques décide de s’aimer, de se prendre en photo, de partager ces clichés avec le monde, et qu’elle reçoive de l’amour en retour !
Je propose de terminer cette ode par une citation de Mohandas Karamchand Gandhi :
« Kiffe-toi à fond les ballons et prends des milliers de selfies, car c’est cool les gens qui s’aiment. »
(On me dit dans l’oreillette que Gandhi n’aurait pas dit ça, je m’excuse donc.)
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Les Commentaires
J'ai une apprentie au travail qui en est accro, pas une journée sans une photo d'elle sur instagram. En soit ça ne regarde qu'elle, mais le problème c'est que le 2/3 de ses photos sont prises au boulot !! Je trouve ça vraiment irrespectueux, surtout que moi je me gène quand je dois répondre à mes texto.