Quand on dit « foi en l’humanité » on pense souvent à des histoires mignonnes. Des repas gratuits pour des SDF, un homme qui retrouve celui qui lui a sauvé la vie ou la réponse magnifique d’une jeune femme moquée sur Internet.
Bien sûr, ces histoires me tirent des larmes (comme l’épluchage d’un oignon, d’ailleurs), mais ce qui me fait vraiment plaisir c’est d’observer les fandoms. Grâce à Internet, je découvre des gens assez fous d’Harry Potter, de Game of Thrones ou de Louis la Brocante pour en débattre des heures et écrire des pages et des pages de fanfiction. Quand je vois tout ça je me dis que oui, l’humanité a des raisons d’exister.
La passion
La première raison pour laquelle j’adore les fans est presque un pléonasme : ils sont passionnés. Certes, me direz-vous, au lieu de débattre sur Tumblr ils pourraient chercher un remède au cancer. La vérité est qu’à la place, la plupart des gens vont plutôt jouer à Candy Crush (je suis #old et j’assume).
Soyons un peu romantiques : aimer est la plus belle capacité de l’être humain. Aimer au sens large, aimer ses amis et aimer les livres, aimer les soirées au vin blanc sous les étoiles et les levers de soleil. Je parle de ressentir quelque chose.
De manière évidente, certaines œuvres et histoires font ressentir tellement de choses à leur public qu’il y pense encore des heures, des jours, des mois après. Dans un monde où l’on consomme tout rapidement, c’est presque un miracle. Et c’est beau.
La créativité
Conséquence directe de la passion : la créativité. La fanfiction est peut-être l’un des genres littéraires les plus répandus, les plus accessibles. Certes, elle est souvent considérée comme de la sous-littérature, et certains auteurs refusent même que leur univers soit utilisé ainsi (je vous annonce avec douleur que c’est le cas de Robin Hobb). Mais combien de jeunes et de moins jeunes ont découvert le plaisir d’écrire par son biais ?
Les « fanworks » existent également dans d’autres domaines : dessins, musique, fausses bande-annonces… Ils sont parfois médiocres, parfois merveilleux — j’ai lu des fanfictions meilleures que bien des romans publiés.
Mais leur qualité en elle-même ne devrait guère avoir d’importance. Savoir que des milliers de personnes ont décidé de créer quelque chose au lieu de se contenter de consommer ce qu’on leur donne suffit à me mettre en joie.
L’intelligence
Si les fandoms me donnent tant de foi en l’humanité c’est surtout pour une qualité un peu moins attendue : on trouve, dans ces discussions, beaucoup d’intelligence et de réflexion.
Tout d’abord, les échanges pointus entre fans ne peuvent exister que grâce à une connaissance approfondie des œuvres en question. Moi qui n’arrive jamais à me rappeler du nom des personnages secondaires, voir des gens connaître toute leur biographie m’émerveille.
Les membres d’un fandom sont capables d’analyser un personnage en invoquant toutes les petites scènes où il apparaît. De violents affrontements peuvent avoir lieu autour d’une Sansa mal-aimée ou du comportement critiquable de l’adulé Tyrion.
Les fans amènent aussi leurs propres connaissances, leurs propres valeurs. Ainsi une bonne partie des fandoms de Tumblr est engagée contre les oppressions, ce qui donnera des réflexions poussées sur la représentation du handicap dans Harry Potter, par exemple (car bien des fans sont aussi capables d’être très critiques envers leur œuvre favorite, et ça, c’est beau).
L’appropriation
Mais au final ce qui est le plus beau, mêlant passion, créativité et intelligence, n’est-ce pas l’idée même du fandom, l’appropriation d’une œuvre par ses lecteurs/spectateurs ? Ce phénomène qui se produit naturellement lorsqu’une histoire entre en relation avec son public, Internet lui a donné une toute autre échelle.
Plusieurs blogs proposent de partager des « headcanons », les interprétations que l’on fait de personnages ou d’univers (le « canon » étant ce qui est « officiel », le « headcanon » est ce qui n’est officiel que dans la tête de la personne qui lit/regarde.)
Pour certaines minorités mal représentées dans les médias, c’est notamment l’occasion de regagner une visibilité (par exemple Hermione est parfois imaginée noire, car si elle est simplement décrite comme brune il n’est pas précisé qu’elle est blanche dans les livres).
Quand on était mômes, on faisait nos univers dans nos coins. Avec Internet on s’est mis à se parler les uns aux autres, à se regrouper selon nos passions et à faire de la magie en agitant tout ça. Alors les mauvais jours, quand le ciel est un peu trop gris et les gens un peu trop cons, ça fait drôlement plaisir à voir.
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