Cette semaine, le podcast hebdomadaire Le seul avis qui compte, dans lequel Kalindi chronique sa mauvaise humeur ciné, s’attaque aux cinéphiles trop snobs pour avoir aimé le nouvel épisode de Scream. L’article ci-dessous est la retranscription du podcast.
Je sais pas si je vous l’ai déjà dit, mais je peux pas blairer mon esthéticienne. Ce qui est problématique parce qu’elle est la seule à pouvoir me faire passer d’Emmanuel Chain à Penélope Cruz.
Pourquoi je la déteste ? Déjà parce qu’elle dit jamais bonjour et moi j’aime les gens polis, ensuite parce qu’elle me propose toujours de m’épiler le menton alors que je suis venue pour les sourcils.
Et quand je lui dis que j’en ai pas besoin, elle me répond : « euh… vous êtes sûre ? »
Du coup après j’ai l’impression d’être une femme à barbe alors que je croyais juste être une femme à mono-sourcil. Ce qui crée un complexe chez moi que j’avais pas avant.
Donc cette dame, j’aimerais bien qu’elle se cantonne à ce que je lui ai demandé : faire de mon crin facial un envol de libellule, c’est tout.
Stop au snobisme vis à vis des sous-genres populaires de l’horreur
Eh ben voyez, c’est pareil avec le cinéma.
Si je vais voir un slasher, c’est pour aller voir un slasher, pas pour me faire entendre dire que je ferais mieux de regarder un film conceptuel et social biélorusse sur un coude qui fait une dépression nerveuse.
Pourtant, quand je suis allée voir Scream, mardi matin, j’ai entendu en sortant tout un tas de critiques du type « mouais, je sais pas, j’ai trouvé ça mainstream quoi, ça raconte pas grand chose de notre société actuelle ».
Mais Michel, tu vas voir Scream, tu t’attendais à quoi ?
Scream c’est un slasher. Ça veut dire qu’un gars masqué va éventrer, éviscérer, égorger ou s’il est de bonne humeur, simplement poignarder des adolescents. Ça n’est pas fin, ça ne dénonce ni le réchauffement climatique ni le traitement réservé aux migrants par les gouvernements, ça n’est ni sur-esthétisé ni naturaliste, et ça n’est pas en noir et blanc. C’est simplement Scream, un divertissement grand public devant lequel on sursaute en gloussant.
Et c’est très bien comme ça.
Je trouve regrettable cette tendance à vouloir absolument confronter les sous-genres de l’horreur entre eux pour n’en élire finalement qu’un qui vaille vraiment le coup, comme si seuls les films estampillés « intello » méritaient notre attention.
C’est une vision archi-élitiste du cinéma, et c’est justement ce que dénonce Scream dans son développement, en blaguant sur son identité : le nouvel opus d’une saga dégueulasse et drôle, qui ne se regarde pas le nombril.
Horreur populaire vs Elevated Horror
En dépit de la mode, passionnante au demeurant hein, de l’« elevated horror », ce genre qu’on traduirait en Français par « horreur à messages » dont font partie les Hérédité, Midsommar, Mister Babadook, The Witch, It Follows, The Lighthouse et autres Grave, je pense qu’il est important de conserver des formes d’horreur plus populaires, et de ne pas les dénigrer, sous peine de tomber dans un snobisme mortifère et un poil classiste.
Alors comprenez moi bien, j’adore Jordan Peele, j’adore Ari Aster, j’adore Jennifer Kent, Robert Eggers et Julia Ducournau, dont le travail est non seulement visuellement splendide mais aussi dénonciateur des grandes tares de nos sociétés modernes, mais il n’y a pas que l’elevated horror dans la vie, il y a aussi le kif de la peur primaire, celui qui ne se nourrit d’aucune justification, qui se contente d’être trash, gore, violent etc.
Karim Debbache, un youtubeur ciné que j’adore a dit un jour dans une vidéo :
Il y a les gens qui aiment les films. Et il y a les gens qui aiment les films qu’ils aiment.
Et je trouve que c’est mieux, en toute modestie, d’être comme moi, et d’« aimer les films », peu importe qu’ils soient intello ou franchement crétinus.
Alors faisons un peu l’apologie de Scream, pour réparer les injustices commises par les crotales snobs qui répandent leur venin sur Twitter.
Scream, un pitch semblable aux épisodes précédents
Scream, qui pourrait être appelé Scream 5 parce qu’il est le cinquième opus de la franchise mais qui s’appelle finalement simplement Scream, comme s’il était un objet culturel à lui tout seul, indépendant des films d’avant, est d’après ses personnages eux-mêmes un requel, une sorte de fusion entre reboot et sequel.
Ça se passe à Woodboro, comme d’habitude, où Tara, une jeune femme qui adooooooore le film Mister Babadook, reçoit un coup de fil mystérieux d’un type à la voix chelou.
Moi j’aurais raccroché, craignant que ce soit encore ma mère ou un agent de l’URSSAF, mais Tara, qui est plus polie que moi (et a manifestement payé son dernier trimestre), reste au téléphone et joue à un jeu morbide que lui impose son interlocuteur.
Ensuite, un gars masqué rentre chez elle et la poignarde violemment. Mais par un miracle comme il n’en existe que dans les films d’horreur, Tara survit. Sa sœur et sa bande sont alors la cible de crimes horribles, perpétrés par Ghostface.
Une chose est sûre, le meurtrier fait partie de la bande. La question que se pose tout le monde du coup c’est : qui est ce trou du cul ? La meuf fan de films d’horreur ? Son frère ? La copine gothique ? Le petit copain ? Le flic ?
Ce pitch, vous vous en serez rendu compte, est à peu près le même que tous les autres de la saga. Sauf que ce volet a un petit quelque chose en plus : il est archi méta et rend un véritable hommage à la culture horror geek.
Scream, un kif méta
Dedans, on parle de la bisbille entre horreur populaire et elevated horror en confrontant les différents goûts des protagonistes dont certains adorent Scream et d’autres préfèrent Hérédité, comme si le film avait prédit les conversations des gens à la sortie du cinéma, et on élabore un guide pour survivre dans un film d’horreur avec des préceptes comme « ne pas descendre seul à la cave comme un connard » ou « ne faire confiance à aucun de ses amis ».
Si vous vous intéressez à l’histoire du cinéma horrifique, ce volet est vraiment fait pour vous, et distille des dizaines de références aux films des années 70 à 90 pour évoquer la mutation qui s’opère à l’intérieur même du genre.
Autant de clins d’œil qui permettent à Scream de se moquer de lui-même en assumant d’être un bon gros divertissement, à des années lumières d’un The Lighthouse ou un It Follows.
Et cette auto-dérision, eh bien elle est délicieuse !
Couplez à cela un casting de jeunes actrices talentueuses dont Melissa Barrera et Jenna Ortega ET des comédiennes iconiques comme Neve Campbell ou Courteney Cox et vous obtenez un objet drôle, pas prise de tête et brillamment interprété.
Bon, je ferme les yeux sur le troisième acte qui est résolument décevant, parce que ça m’arrange, et je vous conseille mille fois d’aller voir Scream au cinéma !
En revanche, je vous conseille de ne JAMAIS aller voir mon esthéticienne.
Le seul avis qui compte est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Kalindi Ramphul. Réalisation et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Mymy Haegel. Direction de la rédaction : Mélanie Wanga. Direction générale : Marine Normand.
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Les Commentaires
Franchement, il est le second dans mon classement. Bel hommage au premier volet de Scream.