“La bomba latina”, “la femme de Tony Parker”, la “fashionista au fessier bombé”… Eva Longoria a beau être une femme d’affaires accomplie – actrice, productrice, entrepreneuse dans la mode et la restauration – posséder un diplôme scientifique en kinésiologie et une maîtrise en “Chicana/o Studies” (études sur la communauté Mexicaine – Américaine) achevée pendant ses années sur les plateaux de Desperate Housewives, elle est constamment ramenée à son physique ou à son ex-mari célèbre, avec une dose de fétichisation raciste en prime. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre une carrière exceptionnelle et d’investir des domaines où, en tant que femme et personne racisée, elle n’est doublement pas la bienvenue.
Eva Longoria aime se jouer des clichés. De passage au Festival de Cannes, fief des cinéastes masculins et des “actrices muses”, la star a rempli son rôle d’égérie L’Oréal en foulant le tapis rouge dans de somptueuses tenues, tout en discutant avec Andie McDowell du sexisme dans le cinéma. Lors de la conférence Kering Women in Motion, elle constate :
« Un homme blanc peut réaliser un film avec un budget de 200 millions de dollars, échouer et en obtenir un autre. Moi j’ai une seule chance, en travaillant deux fois plus dur, deux fois plus vite et avec deux fois moins d’argent ».
Latino excellence
Sorti le 9 juin sur Disney +, son premier film, la comédie Flamin’ Hot, raconte l’histoire vraie d’une latino excellence, soit un parcours d’élévation sociale qui prouve que les personnes d’origine latinx sont capables d’exceller, quelque soit le domaine.
Dans les années 80 en Californie, Richard Montañez (Jesse Garcia), un américain d’origine mexicaine est engagé comme agent d’entretien dans l’entreprise Frito-Lay. Il ne sait ni lire, ni écrire, mais va réussir à convaincre le CEO de l’entreprise de créer une saveur pimentée pour ses Cheetos, ouvrant la marque au marché latino-américain.
De facture classique mais efficace, le film, narré en voix-off par le héros sur un mode scorsesien, explore avec humour et justesse des thèmes chers à Eva Longoria : le racisme envers les personnes latinx, l’élévation sociale par l’entrepreneuriat, la solidarité communautaire et l’importance du noyau familial.
Eva Longoria souhaitait rendre hommage à la génération de ses parents mexicains. Au New Yorker, elle confiait :
J’adore avoir pu définir à quoi ressemble un héros dans un film. Il ressemble à mon père. Il ressemble à mon oncle. Il ressemble à tous les hommes avec qui j’ai grandi dans mon quartier.
Et il ressemble aussi à Eva Longoria, elle-même un modèle de réussite du rêve américain :
Je savais qui était Richard. Je suis Richard Montañez. On a douté de mes capacités et on m’a dit: ‘Ce travail n’est pas pour toi’, ‘Les idées ne viennent pas de personnes comme toi’, ‘Les femmes comme toi ne devraient pas faire ce travail’.
Si le grand public la connaît pour son rôle dans Les Feux de l’amour (2001-2003) puis pour son incarnation de la pétillante Gaby Solis dans Desperate Housewives (2004-2012), qui fait d’elle une star, Eva Longoria a acquis des compétences diverses dans l’industrie. En 2011, elle produit The Harvest, un documentaire sur le travail agricole des enfants en Amérique, puis Devious Maid (2013-2016), une série centrée sur des femmes de ménage latina et Grand Hotel (2019).
Dès 2010, elle réalise des courts-métrages, puis des épisodes de séries (Jane the virgin, Why women kill, Black-ish) et des documentaires, dont le remarqué La Guerra Civil en 2022, sur la rivalité entre deux boxeurs Mexicain et Américain-Mexicain. L’histoire de Flamin’ Hot réunissait son goût pour le genre de la comédie familiale, ainsi qu’une connaissance intime de l’expérience Mexicaine – Américaine.
Changer le système de l’intérieur
Anecdote qui illustre bien le manque d’opportunités au cinéma pour la minorité hispanique : on n’avait pas vu une réalisatrice latina aux commandes d’un film de studio américain depuis 20 ans ! Qu’à cela ne tienne : Eva Longoria recrute des chef·fe·s de départements latinx à tous les postes de son film. Depuis longtemps, elle s’implique dans des projets caritatifs comme UnidosUS (défense des droits des personnes latino-américaines) ou One (lutte contre l’extrême pauvreté).
En 2012, elle crée la Fondation Eva Longoria, qui vient en aide aux filles et femmes latina par l’éducation ou l’entreprenariat. Dans les colonnes du New Yorker, elle explique :
“Les gens pensent que notre problème numéro 1 est l’immigration. C’est faux. Nous nous soucions de l’économie. Nous nous soucions de l’emploi et nous sommes des créateurs d’emplois. […] Les talents sont là, il faut maintenant leur offrir des opportunités.”
Fervente démocrate, Eva Longoria a soutenu Barack Obama, Hillary Clinton et Joe Biden lors des dernières élections américaines. Elle n’hésite pas à s’exprimer sur des sujets comme les droits reproductifs des femmes ou à dénoncer les lois anti-immigration dans son pays. Les médias texans lui demandent régulièrement si elle souhaiterait briguer un mandat de sénatrice dans le futur.
En attendant, la star continue de s’engager, notamment contre le harcèlement de rue dans plusieurs spots L’Oréal. Cette année, elle a aussi produit et animé la série docu “Eva Longoria: A la recherche du Mexique”, centrée sur les traditions culinaires mexicaines. Quelque soit la forme que prendront ses futurs projets, une chose est sûre, Eva Longoria continuera de faire entendre sa voix.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Mais sinon l'article est très intéressant ! Je serai curieuse de voir son documentaire culinaire