En milieu de semaine, j’ai relayé une nouvelle photo de Jude Law en costume, incarnant Dumbledore jeune dans Les Animaux Fantastiques 2.
J’ai titré Et voilà, Dumbledore est devenu BG car, sans mentir, le personnage qui a toujours été ce vieux sage a bien rajeuni et, bah, il est BG. Ça, ok.
Par contre, comme accroche Facebook de l’article, j’ai écrit « Albus, j’te suce ». Parce que j’aime les rimes, ainsi que l’humour.
Et ça ne vous a pas toutes et tous fait rire. En soi, c’est normal, on ne peut pas faire rire tout le monde.
Sauf que comme plusieurs commentaires déploraient cette phrase, je me suis dit qu’il fallait quand même que je l’explique. Et là, j’ai commencé à cogiter…
Est-ce grave de sexualiser un personnage ?
Certains commentaires m’ont rappelé que Dumbledore est homosexuel, donc je vais pas trop le sucer.
Sauf que, écoutez, il est aussi :
- Mort
- Tout à fait imaginaire
Mes chances étaient donc TRÈS MINCES DÈS LE DÉPART.
Et quand je dis « j’te suce », je me dis que ce n’est pas grave, parce que ce n’est pas une vraie personne que je sexualise.
Je ne dirais pas « Jude Law j’te suce », parce que même s’il ne me lira probablement jamais, je ne serais pas à l’aise de parler aussi crûment d’un homme qui existe dans la vraie vie.
Du coup, voilà, en soi, je ne trouve pas ça MAL de sexualiser un personnage (adulte) de fiction, puisque… il n’existe pas. Ça ne peut pas le blesser.
Mais aurais-je vraiment agi ainsi avec n’importe quel personnage fictif ?
Est-ce grave de sexualiser un homme ?
J’ai cherché un exemple de personnage féminin qui a un peu vécu la même « transition » que papy Dumbledore VS Albus le BG.
J’ai abouti à Tante May, la tata de Peter Parker, alias Spider-Man.
Au cinéma, elle a toujours été représentée sous les traits d’une femme très âgée, douce et frêle, pas du tout sexualisée. Mais dans le récent Spider-Man Homecoming…
La tante May est jouée par Marisa Tomei, actrice de 53 ans tout à fait dans les canons de beauté, et se fait gentiment draguer par Tony Stark.
J’avais suivi ce choix d’actrice qui avait fait couler beaucoup d’encre, mais si je suis honnête avec moi-même, je dois bien l’avouer…
Jamais je n’aurais écrit « Tante May, je veux te baiser ».
Ce qui n’a rien à voir avec mon orientation sexuelle ; il y a des femmes que je trouve éminemment désirables, surtout dans la fiction. Simplement, je me sentirais mal de les « traiter » ainsi, de les réduire à ça
.
Car les personnages féminins sont très souvent, trop souvent sexualisés sans que ça n’ait le moindre intérêt scénaristique.
Tout personnage féminin risque de se retrouver star de fan-arts pornographiques mis en ligne sur Internet — beaucoup plus que les personnages masculins.
Dès lors, j’ai l’impression que ses nuances, son humanité, ses qualités autres que séductrices sont niées. Que cette femme est réduite à un objet sexuel.
Je comprends que cela arrive bien moins souvent aux personnages masculins. Mais est-ce une raison pour m’y mettre ?
Sexualiser un Dumbledore complexe, réaliste, tourmenté, et le réduire à un « Albus, j’te suce », était-ce une bonne idée ?
Encore une fois, à la base, ce n’était qu’une blague, une rime qui sonne bien appuyant le fait que le Dumbledore de Jude Law est séduisant.
Mais si cette blague ne serait pas sortie de mes doigts au sujet d’un personnage féminin, est-elle pertinente dès qu’elle vise un homme à barbe ?
Ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse
On pourrait arguer que bon, les hommes sont privilégiés dans la société, ne sont pas réifiés comme le sont les femmes. Leur corps leur appartient davantage, leur sexualité aussi.
Mais ça ne veut pas dire que tout est rose pour autant.
Des acteurs d’Hollywood dénoncent de plus en plus les standards de beauté quasi-inhumains, les montagnes de muscles qu’on leur demande de devenir, et les complexes que cela peut créer.
Les hommes étant mal à l’aise dans leur corps et/ou leur sexualité ont accès à beaucoup moins de contenus « anti-complexes » que les femmes.
Il est important à mes yeux de ne pas reproduire sur d’autres ce que je n’aimerais pas qu’on me fasse.
Et clairement, un article disant « Mymy touche-moi le zizi », ça ne me ferait pas spécialement plaisir.
Si on vivait dans un monde égalitaire, peut-être que je pourrais dire « Albus j’te suce », et « Tante May je veux te baiser », pour la blague, parce que le sexe ne serait plus utilisé pour dégrader des gens, parce que le désir n’a rien de sale.
Dans le monde actuel, je n’écrirais pas « Tante May je veux te baiser ». Alors peut-être que pour atteindre l’égalité, je devrais aussi remballer mes « Albus j’te suce ».
Honnêtement, je n’ai pas la réponse définitive.
Je ne sais pas si je ne devrais plus faire ce genre de vannes, ou si je devrais les faire mais avec les deux genres, ma réflexion est en cours.
Et comme je vous aime bien, et que c’est de vous qu’elle est née, j’ai voulu vous la faire partager, cette réflexion.
J’ai envie d’en parler avec vous, de lire vos échanges dans les commentaires, car c’est grâce au débat, aux critiques constructives et bienveillantes que j’ai beaucoup appris… et que je continue à apprendre, la preuve !
À lire aussi : Je suis féministe, mais… c’est pas toujours évident
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Les Commentaires
Le poème en question : https://www.poetica.fr/poeme-169/guillaume-apollinaire-con-large-comme-un-estuaire/
Pour vous donner une idée, il parle même de menstrues de façon cool et détente. Je vois pas pourquoi plus de 50 ans après on est encore chochote sur le vocabulaire...