Madmoizelle. Plus de six ans après l’émergence du mouvement #MeToo, quel est votre regard sur l’évolution des violences de genre ? Qu’en est-il de la mobilisation ?
Jessica Suzes. Six ans après et le constat n’est que mitigé bien malheureusement. Le gouvernement continue de nous mépriser, des mesures paillettes, des mesures de communication, voilà ce qu’ils ont été capables de nous proposer. Notre colère, quant à elle, grandit encore plus, à chaque féminicide, à chaque témoignage de viol, d’agression sexuelle, notre colère viscérale s’accroît.
De plus en plus de militantes nous rejoignent. Cela montre que la mobilisation n’est pas près de s’éteindre et c’est ce qui est positif.
Le nombre de féminicides ne baisse malheureusement pas d’année en année. Cette réalité, couplée au contexte social et économique anxiogène, peut être assez décourageante. Comment ne pas perdre espoir, et surtout, volonté, dans cette lutte ?
Il est difficile de ne pas perdre espoir, vraiment. Le burn out militant nous atteint tous·tes. C’est triste. Parfois, nous avons l’impression de nager dans le vent, à contre-courant. Nous sommes épuisé·es. Ce qui nous maintient, ce sont les petites victoires. Les milliers de commentaires de remerciements, les témoignages de personnes qui nous disent à quel point nous avons participé à leur changement de vie.
Ce sont ces instants, où l’on se dit au fond de nous « voilà pourquoi je fais ce que je fais et pour rien au monde je ne m’arrêterais même quitte à y passer ma vie entière, je la donnerais à la lutte pour tous·tes. »
Les moments de joie avec les sœurs de luttes nous remplissent de bonheur, un très bon carburant pour tenir jour après jour.
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L’égalité femmes-hommes avait été érigée grande cause du quinquennat par Emmanuel Macron. On voit pourtant dans des chiffres récents que, non seulement ce n’est pas le cas, mais qu’en plus, les femmes sont en première ligne dans la grande précarité. Que penser de la tournure que prennent les choses ?
Nous avons peur : la dernière réforme du RSA, les réformes de la loi anti-immigration tout ce qui se passe et effrayant. Nous n’avons jamais eu un gouvernement si classiste et méprisant.
Les femmes, mais surtout les mères isolées, sont encore une fois de plus mises à terre. Délaissées, jetées à leur propre sort.
On peut se demander s’ils ont idée de ce que ça fait de devoir élever des enfants seules ? Ont-ils la moindre idée de la honte et de la culpabilité que ces femmes portent déjà en elles en permanence, sans parler de l’épuisement et la souffrance…
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Dans le dernier ouvrage #NousToutes « De la colère à la lutte », vous écrivez avoir été déçues par le peu de décisions politiques déclenchées par l’après-MeToo, qui a pourtant été fédérateur… Que faut-il, pour que tout cela se décoince ? Si même les mobilisations d’ampleur ne font pas bouger les choses…
Il nous faut 2,6 milliards d’euros, former les enfants, les jeunes ados à la non-violences et au consentement. Ce n’est pas compliqué.
Enfin, et malgré tout, pourquoi est-il primordial d’aller manifester ce samedi ?
Il faut venir parce qu’il est important de montrer plus que jamais que la rue nous appartient, que nous sommes nombreuses et déterminées. La peur va changer de camp et ça commence maintenant, tous·tes ensemble le 25 novembre 2023.
*#NousToutes, de la colère à la lutte, manifeste
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :
- Le 3919 et le site gouvernemental Arrêtons les violences
- Notre article pratique Mon copain m’a frappée : comment réagir, que faire quand on est victime de violences dans son couple ?
- L’association En avant toute(s) et son tchat d’aide disponible sur Comment on s’aime ?
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