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Source : Wikimedia Commons / Jeanne Menjoulet
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#NousToutes : « Féminicides, ou l’insupportable omission de l’État »

Le 2 janvier 2024, M. Dupond-Moretti, ministre de la Justice, annonce 94 féminicides en 2023. 94 femmes tuées, c’est beaucoup trop. Et pourtant, c’est encore loin de la réalité.

En effet, pour faire son décompte, l’État n’admet qu’une définition réductrice du terme féminicide et qui ne correspond pas à la réalité de terrain. Il ne recense que les féminicides commis par un conjoint ou ex-conjoint, s’éloignant donc de la définition donnée par l’Organisation mondiale de la Santé.  Celle-ci inclut « tout meurtre de filles ou de femmes au simple motif qu’elles sont des femmes ». Les différentes catégories de féminicides y sont répertoriées et dépassent largement celles du gouvernement. « La violence est sous l’influence de plusieurs facteurs opérant à quatre niveaux : individuel, relationnel/familial, communautaire, et sociétal ou structurel ».

L’Inter Orga Féminicides, dont #NousToutes fait partie, recense au moins 134 féminicides en 2023, soit 40 de plus que l’État. Cette différence s’explique par un décompte qui se veut exhaustif et au plus proche de la réalité. Nous prenons en compte l’ensemble des éléments de la définition de l’OMS et pas seulement ceux choisis par le gouvernement.

Nous y incluons deux catégories en plus, que le gouvernement a sciemment décidé de laisser de côté : les féminicides familiaux (commis par un père ou un fils par exemple) ainsi que les féminicides sociaux, qui interviennent dans le cadre amical, professionnel ou autres. Nous avons recensé au moins 97 féminicides conjugaux, soit 3 de plus que l’État, 17 féminicides familiaux et 20 féminicides sociaux pour la seule année 2023. Comme nous pouvons le voir, le féminicide, tel qu’envisagé par le ministre de la Justice, n’est pas représentatif : les meurtres conjugaux ne sont en réalité que la partie émergée de l’iceberg.

Le refus du gouvernement de comptabiliser les 40 autres féminicides commis en 2023 témoigne de sa négligence, de son mépris face à la question des violences de genre ainsi que de son manque de détermination pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Il fait le choix de fermer les yeux sur la nature même des féminicides : des crimes de possession. Parce que oui, encore aujourd’hui, les hommes s’imaginent pouvoir posséder les femmes.

#NousToutes

Dès lors, que fait Emmanuel Macron de sa « grande cause du quinquennat » ? En 2017, il affirmait vouloir lutter contre les violences sexistes et sexuelles… l’a-t-il déjà oublié ? Où en sont les négociations pour inscrire la notion de féminicide dans le Code Pénal ? Nous sommes fatiguées d’attendre.

En ignorant les 40 autres femmes tuées en raison de leur genre en 2023, le gouvernement se rend complice de ces meurtres. Refuser de nommer et de définir le féminicide pour ce qu’il est, c’est-à-dire, le meurtre ou le suicide forcé d’une femme ou d’une fille en raison de son genre, c’est sciemment laisser les femmes mourir. 

Tuer sa mère, c’est un féminicide. Tuer une travailleuse du sexe, c’est un féminicide. Tuer sa voisine, ou même une simple inconnue, c’est un féminicide. Tuer une femme parce qu’elle est une femme, c’est un féminicide. Ne laissons pas le gouvernement invisibiliser nos mortes pour cacher son inaction.

Le décompte #NousToutes recense depuis 2019 tous ces meurtres misogynes, sur des femmes, parce qu’elles sont des femmes, grâce à l’action de bénévoles qui se relaient tous les jours. Contrairement au chiffre global publié une fois par an par le ministère de la Justice, nous étudions les circonstances de chacune de ces mortes. Nous publions leurs prénoms, leurs âges ainsi que leurs histoires. Les mesures essentielles pour lutter contre les féminicides sont pourtant connues : déploiement massif des ordonnances de protection, formation des forces de l’ordre au recueil de la parole des victimes, ainsi que le financement des associations et création de places d’hébergement.

L’État refuse de les déployer.

En 2023, nous avons recensé 153 tentatives de féminicides, or, nous savons qu’en réalité, il y en a bien plus. Tant que l’État ne proposera pas de politiques publiques à la hauteur, le nombre de meurtres ne diminuera pas. Les féminicides ne sont pas une fatalité, l’État refuse juste de les combattre. 

A nos sœurs assassinées, nous ne vous oublierons jamais.

Nous apportons notre soutien à toutes les victimes, à leurs familles, ainsi qu’à leurs proches.

Nous vous croyons, 

Vous n’êtes pas seules,

#NousToutes.

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