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femme portant un hijab de sport avec un ballon de foot
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« Nous voulons que le droit de chacune à faire du sport soit respecté » : les Hijabeuses organisent un entraînement au siège de la FFF

Après un an de campagne pour les Hijabeuses, les femmes musulmanes qui portent le voile sont toujours interdites de compétition officielle de foot en France. Pour faire valoir leurs droits, elles ont investi le hall de la Fédération Française de Football.

Ce vendredi 23 juillet, elles étaient une vingtaine dans le hall du siège de la Fédération Française de Football. Les Hijabeuses et leurs alliées, en tenues de sport et sur l’air de l’hymne de la Ligue des Champions, ont organisé un petit entraînement et des prises de parole dans ce lieu symbolique.

Inès, membre du comité directeur des Hijabeuses, a pris le temps de nous parler des objectifs de cette action, mais aussi du bilan qu’elle dresse d’une année de campagne contre une injustice qui perdure.

Un an de campagne, et un interdit qui perdure

Car en France, malgré l’autorisation du couvre-chef sur les terrains de football par la FIFA en 2014, il est toujours interdit, pour les femmes qui portent le foulard, de jouer lors des matchs de compétition officielle.

C’est pour lutter contre cette « exception culturelle », qui n’a pour conséquence que d’exclure certaines femmes des terrains, que l’association Alliance Citoyenne a lancé il y a un an la campagne Les Hijabeuses. Quand on l’interroge sur ses objectifs, la réponse d’Inès est limpide :

« Cette campagne a vraiment pour objectif de faire évoluer les mentalités, et de lutter pour un football plus inclusif : il faut en faire un sport pour toutes les femmes sans distinction ! Nous voulons que le droit de chacune à faire du sport soit respecté. »

Une campagne qui s’ancre sur le long terme

La campagne nationale compte aujourd’hui environ 170 membres, et bien plus de soutiens. Leur force, Inès l’affirme, réside dans la diversité de celles qui la composent :

« Dans nos rangs, il y a des femmes musulmanes, des femmes non-musulmanes, des femmes de toutes origines et tous les milieux… Nous sommes à l’image de notre message : nous prônons la diversité, la tolérance et l’entraide pour avancer ensemble. »

Mais la puissance de la campagne se trouve aussi dans sa capacité à multiplier les modes d’action, sans jamais cesser de mettre la voix des premières concernées au premier plan.

Car pour les Hijabeuses, il n’est pas seulement question de verbaliser l’injustice à laquelle elles sont confrontées. Il est aussi capital de proposer des solutions, pensées pour être appliquées main dans la main avec les institutions.

Elles travaillent donc avec la sociologue et chercheuse Haïfa Tlili, dans une démarche de recherche-action centrée sur leur mobilisation. Pour la sportive, c’est un atout indéniable :

« Ce que nous voulons, c’est créer du changement sur le long terme. Pour cela, il faut snous positionner sur différents axes, être capable de penser les enjeux auxquels nous faisons face dans toute leur complexité… Haïfa Tlili, à nos côtés, est dans une logique de recherche-action, pour nous aider à trouver des solutions.

Les Hijabeuses, c’est une rencontre entre la recherche scientifique et les revendications des femmes qui portent le foulard. Ça dépasse le simple cadre du football, ou de nos vies personnelles : c’est un enjeu de société. »

Des modes d’action divers

Dans le cadre de la campagne et de la recherche-action d’Haïfa Tlili, les Hijabeuses ont donc rencontré tour à tour des juristes, des spécialistes des droits humains, des leaders institutionnels dans le monde du football…

L’idée ? Transformer les difficultés qu’elles rencontrent sur le terrain en plaidoyers, grâce à la maîtrise du droit. Le tout, dans une démarche bienveillante. Inès raconte :

« Nous sommes dans un processus d’empowerment, on essaie de changer cette situation par et pour nous-mêmes. Moi, je voulais maîtriser le droit, mes droits. Ce qui se passe va à l’encontre de mes droits : je suis légitime à demander qu’on me laisse jouer avec mon hijab de sport homologué. »

Cette formation au lobbying n’est pas le seul domaine d’action des Hijabeuses.

En une année de pandémie, la campagne compte six matchs organisés avec des équipes solidaires à leur cause, trois webinaires, une couverture médiatique d’envergure, et des messages de soutien par centaines.

Plus récemment, les Hijabeuses ont aussi organisé avec succès le tournoi Football Pour Toutes.

« Dans le cadre de la Football People Week créée par l’ONG Farenetwork, qui fait partie de nos soutiens, nous avons mis en avant le football inclusif avec… un tournoi !

Seize équipes au total et une grande diversité de femmes se sont rassemblées autour du foot. Après le succès de cette action, nous avons décidé de passer… à l’action. »

Une action à la FFF pour ouvrir enfin le dialogue

Au cours de leur année de campagne, les Hijabeuses ont été en contact à plusieurs reprises avec des cadres de la Fédération Française de Football. Mais malgré la volonté de nouer le dialogue qui les caractérise, les réponses reçues n’ont pas montré de perspectives de changement. Ines raconte :

« Nous avons été reçues sur place une première fois, avant de continuer les échanges par mail avec un interlocuteur différent. Mais la réponse qu’on nous a donnée repoussait la question sans date précise : “Le calendrier actuel de la FFF ne permet pas de mobiliser tous ses acteurs pour traiter la question”. »

Pourtant, pour les joueuses de football qui portent le foulard, il y a urgence : ce sont elles qui seront, encore une année de plus, privées de compétition sportive si le règlement français ne change pas. Alors les Hijabeuses ont décidées de se faire entendre d’une nouvelle manière.

« Aux côtés de nos alliées, nous nous sommes rendues à l’intérieur de la FFF, dans les locaux. Quelques semaines plus tôt, nous avions envoyé un courrier à la Fédération, pour les prévenir de notre présence, qui était resté sans réponse. »

Par cet action, les Hijabeuses ne cherchaient pas seulement à se rendre visible. Elles cherchaient aussi à pouvoir rencontrer des décisionnaires de la Fédération Française de Football, et à faire évoluer les règlementations. Leur mot d’ordre : ne pas quitter les lieux tant qu’elles n’auraient pas été reçues.

Les réponses de la FFF

« Nous étions une vingtaine environ, en tenues de sport, et nous avons organisé un entraînement à l’intérieur du hall : nous avons installé nos plots, nous sommes échauffées avec des passements de jambes, des jongles… Le tout, dans une ambiance joyeuse et festive !

Nous voulons être considérées avant tout comme des sportives, et c’est pour cela que notre action nous montrait dans notre pratique. Mais il y a aussi eu des moments de prise de parole, pour rappeler pourquoi nous étions là et célébrer tout le travail que nous avons accompli pendant un an. »

Après un moment de patience, l’équipe négociatrice des Hijabeuses a pu être reçue par deux directeurs de la Fédération, pendant que l’évènement dans le hall suivait son cours. D’après Inès, les personnes avec mesquelles les citoyennes ont pu échanger ne sont pas décisionnaires, mais ont au moins pu leur promettre deux choses.

« Nous avons été reçues par deux responsables, auxquels il a fallu expliquer pourquoi nous étions présentes, et expliquer nos revendications : modifier les statuts de la FFF, pour que toutes les femmes puissent accéder aux terrains de foot, y compris en compétition.

Cet échange a débouché sur deux promesses. En premier lieu, celle de faire remonter nos demandes auprès des décideurs, pour engager un véritable travail de fond sur la question. En second lieu, l’envoi d’un courrier explicatif des positions de la FFF. Car à ce jour, les arguments légaux mis en avant pour justifier cette interdiction de jouer avec un hijab de sport ne sont pas valables. »

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Extrait de la lettre ouverte des Hijabeuses au président de la Fédération Française de Football

Une posture juridique qui ne tient pas

En effet, les explications avancées par la Fédération Française de Football pour justifier de cet interdit national sont loin d’être satisfaisantes.

La sécurité et l’hygiène, utilisées pour empêcher les hijabs sur les terrains, sont des arguments bien obsolètes : il existe aujourd’hui des hijabs de sport homologués, et utilisés lors de compétitions internationales.

L’institution met aussi parfois en avant le principe de laïcité. Cet argument, comme l’explique Inès, est infondé :

« Le principe de laïcité nous garanti le droit à une liberté de conscience, il est infondé de vouloir nous empêcher de jouer au football pour cet argument. D’autant plus que le 9 juin 2021, un amendement a été voté pour autoriser le port du couvre-chef sportif.

On parle aussi de principe de neutralité, mais en tant que joueuses, nous n’y sommes pas soumises. Le droit nous donne la possibilité de jouer avec un hijab de sport homologué ! »

Elle abonde par ailleurs :

« Dans une période où la Fédération Française de Football lance un plan de féminisation du football, nous demandons à y être inclues.

Aujourd’hui, de nombreuses femmes qui pratiquent le football dans des clubs ont envie de participer aux compétitions, aux matchs. Elles sont motivées, elles s’entraînent, mais elles ne sont pourtant pas considérées comme des sportives. Tant qu’il n’y aura pas d’évolution, elles seront encore exclues des terrains. »

Le sport pour toutes, sans exception

En 2021, en France, il n’est pas normal que des femmes soient dans l’obligation de choisir entre être en accord avec leurs croyances ou pouvoir rentrer sur un terrain de foot. Remettre ce droit en question, c’est remettre en question des piliers fondamentaux de notre société.

« On parle de droit à la pratique sportive pour toutes : ça ne concerne pas que les femmes musulmanes, ça concerne les droits de l’homme.

Nous savons que nous sommes légitimes, et nous en sommes convaincues. C’est pour cela que l’on continuera à se battre pour faire en sorte que les joueuses de football soient sélectionnées pour leurs qualités, leur potentiel, et non ce qu’elles portent. »

Un changement social qui doit s’inscrire dans la durée, les Hijabeuses en sont conscientes : pour elles, ce n’est pas un sprint, c’est un marathon. Car lutter pour ces changements se fait aussi par la déconstruction des préjugés autour des femmes musulmanes, par la construction de possibilités inclusives au sein de l’éco-système du football, en accord avec les institutions et les responsables, et par le respect du droit et de la liberté de conscience.

Pour autant, les membres de la campagne ne sont pas inquiètes. Inès l’affirme :

« On a envie que la société prenne conscience de nos réalités. On sait que le changement ne vient pas immédiatement, que ce sujet cristallise beaucoup d’enjeux, mais c’est maintenant qu’on doit se mobiliser. Les concernées doivent se mettre en avant, prendre la parole, et trouver des solutions avec toutes les parties prenantes !

Le football est un sport qui fédère, qui rassemble les gens sur les terrains sans prendre compte du genre, de la couleur de peau, des religions : il rassemble, c’est toute sa puissance et la force de ses valeurs. Exprimons les ! »

Crédit photo : RF Studio / Pexels

À lire aussi : La France accepte enfin le foulard ! Mais celui des modeuses, pas des musulmanes


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