Un vent de révolte souffle sur le cinéma français. À l’heure où ce dernier traverse une crise importante, les professionnels du secteur ont mis les bouchées doubles pour passer à l’action.
Le 6 octobre 2022, une grande partie du milieu s’est réunie à l’Institut du monde arabe, à Paris. Dans une salle de 400 places pleine à craquer, réalisateurs, producteurs, acteurs, exploitants, distributeurs, critiques, spectateurs et étudiants se sont exprimés lors de cette journée de réflexion et d’appel à des États généraux du cinéma.
« Tirer un signal d’alarme »
« Il est temps de tirer un signal d’alarme, au nom de l’amour du cinéma. » a déclaré avec fermeté la productrice Judith Lou Lévy (Atlantique, Zombi Child) dans l’auditorium de l’Institut du monde arabe.
Ce signal d’alarme extraordinaire a commencé à retentir le 17 mai 2022. Près de 300 personnalités issues du monde du cinéma signaient une tribune intitulée « Les choix politiques de nos institutions fragilisent gravement le cinéma », lançant un appel à des États Généraux du Cinéma français.
Réuni le 6 octobre, le collectif a voulu réaffirmer l’importance d’un équilibre entre art et industrie, résister à la concurrence des plateformes de streaming et aux logiques néolibérales imposées au cinéma par les pouvoirs publics. Jack Lang (ancien ministre de la Culture), Agnès Jaoui, Arthur Harari, Saïd Ben Saïd et des centaines d’autres professionnels étaient présents.
Les pouvoirs publics demeuraient les grands absents. « Le ministère de la culture de Rima Abdul Malak et le CNC ont été conviés, mais ils n’ont pas répondu présents », ont constaté les participants tout au long de cette journée d’appel.
« Il faut faire revenir les spectateurs dans les salles »
Depuis quelques mois, les salles de cinéma connaissent une baisse importante de fréquentation. En septembre, les salles obscures ont réalisé 7,32 millions d’entrées, chiffre le plus bas depuis les années 1980 (sans compter 2020).
Dans l’auditorium, le constat est sans appel : « Nous sommes à un moment crucial et dans un temps d’urgence. Nous tous, réalisateurs, acteurs, producteurs, exploitants, distributeurs, spectateurs, souhaitons retrousser nos manches collectivement. Il faut faire revenir les spectateurs dans les salles » a expliqué le producteur Etienne Ollagnier.
Tout au long de l’après-midi, les professionnels ont énuméré et analysé les causes ayant provoqué cette crise. Parmi les raisons évoquées, on cite évidemment la pandémie, ayant entraîné la fermeture des salles pendant presque un an. Considéré comme « non-essentiel » par le gouvernement, les salles ont également subi la concurrence accrue des plateformes.
Pour Gautier Brusse, exploitant, les inégalités de genre qui gangrènent le cinéma ont également participé à cette fracture avec le public. « L’affaire Polanski, le fiasco des César les inégalités entre les hommes et les femmes… Tous ces facteurs crééent un désamour des spectateurs envers les salles. »
Une dérive de la mission du CNC
L’enjeu de cette manifestation exceptionnelle était de montrer que, malgré les discours officiels, « l’évolution de notre politique culturelle fait peser une grave menace sur le cinéma français ». Dans leur texte de présentation, les signataires des États généraux ont pointé du doigt les dérives des politiques menées par le CNC, dont le patron, Dominique Boutonnat, proche d’Emmanuel Macron, est actuellement jugé pour agressions sexuelles :
« Le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée a pour mission fondatrice de défendre, promouvoir et développer le cinéma en France, dans son pluralisme de formes. Nous constatons une dérive de cette mission, qui va en s’accélérant.
Le champ des arts et de la culture, jusqu’alors protégé des logiques de rentabilité, se trouve désormais fragilisé et de plus en plus exposé aux assauts du marché, au sein même des institutions pourtant chargées de le défendre. »
Si cette première manifestation visait à interpeller les pouvoirs publics, d’autres journées seront organisées, afin d’établir un dialogue et de proposer des solutions pour sortir de cette période morose. Il ne reste plus qu’à espérer que le CNC et le Ministère de la Culture finiront pas répondre présents.
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Crédit de l’image à la Une : © Unsplash / Karen Zhao.
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