Pour beaucoup de femmes, la découverte du film de Claire Simon a été une surprise amère. Sorti le 4 octobre, ce documentaire de 2h48 se déroulant à l’hôpital est présenté par sa réalisatrice comme « l’épopée des corps féminins, dans leur diversité, leur singularité, leur beauté tout au long des étapes sur le chemin de la vie. » Si le film s’annonce comme féministe, plusieurs spectatrices ont pourtant noté un problème majeur.
Emile Daraï aperçu dans le film
Notre Corps nous plonge dans les dédales de l’hôpital Tenon, un établissement parisien comprenant un service entièrement dédié aux pathologies féminines, des accouchements aux transitions de genre en passant par des IVG. Les silhouettes d’infirmières, de médecins portant des masques chirurgicaux défilent. Or, l’un d’eux a particulièrement retenu l’attention des spectatrices. Sur X (anciennement Twitter), la réalisatrice de documentaires Nina Faure (@NinaFaure) pose la question :
« Je suis allée voir au cinéma Notre corps de Claire Simon et je suis sortie du film avec un doute, est-ce que le service où il a été tourné est celui du gynécologue Emile Daraï ? Après recherches, il s’avère que c’est bien le cas, or le professeur Daraï est actuellement accusé de viol et violences volontaires par 32 femmes au pénal. »
Une anonymisation qui pose question
Dans son thread sur le réseau social, Nina Faure poursuit :
« Il n’est pas très facilement reconnaissable, il porte un masque chirurgical, son nom n’est pas cité. Mais peut-on présenter ce film aux spectateurs et spectatrices sans leur donner l’information des plaintes en cours ? »
De fait, dans le film, le nom d’Emile Daraï n’est jamais cité. Il apparait comme un médecin parmi d’autres, dans un film donnant à voir un corps médical soudé et entièrement dévoué à la santé et au bien-être des femmes.
Comme le souligne Nina Faure, ce choix est plus que problématique. En septembre 2021, le professeur Émile Daraï a été accusé de viols et de violences par des patientes. Plusieurs ont déposé plainte. L’enquête ayant suivi rassemble vingt témoignages de patientes et fait état de gestes brutaux et d’une absence de prise en compte du consentement et de la douleur pendant les consultations gynécologiques. Le 24 novembre 2022, le médecin a été mis en examen pour violences volontaires sur au moins 32 patientes. En février 2023, France Info annonçait que le médecin était de nouveau autorisé à exercer en consultations publiques et privées.
Emile Daraï, un « professeur tournesol », un « génie »
Le 7 novembre, le collectif Stop aux Violences Obstétricales & Gynécologiques (StopVOG) a rendu publique une lettre envoyée deux semaines plus tôt à la production MadisonFilms et restée sans réponse. Sonia Bisch et Caroline Sahuquet y soulignent que le film « silencie les victimes et réhabilite le Pr Émile Daraï de Tenon, mis en examen pour 32 plaintes au pénal ».
Dans la foulée de Nina faure, les autrices de la lettre expriment aussi leur étonnement quant à la façon dont Émile Daraï est évoqué par la réalisatrice Claire Simon en interview. Dans Le Petit Bulletin, cette dernière décrit le médecin comme « le professeur Tournesol ». Le qualifiant de « génie », elle le loue également pour sa « bienveillance ». Pareillement, dans les colonnes de Télérama, la réalisatrice confie que « le film a provoqué à titre personnel une totale réhabilitation des médecins ». Sur X (anciennement Twitter), Nina Faure pose la question : Émile Daraï « avait-il conscience que le film pouvait servir de ré-habilitation ? » et poursuit :
Qu’il soit présent dans un film intitulé « Notre corps » fait partie de la continuité de cette violence exercée en toute impunité, et j’espère que la parole des victimes pourra être entendue.
Sollicitée par Madmoizelle, la distribution du film a assuré que le film de Claire Simon avait été tourné avant qu’Emile Daraï ne soit mis en examen. « Ni Claire Simon, ni la productrice n’étaient au courant », assure le distributeur du film.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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