Mes parents sont chinois, et ils se sont rencontrés à la fac en cours de français en Chine. Ils se sont installés en France pendant leurs études, quittant leurs familles. Ils essayaient de rentrer chaque année dans leur pays d’origine pour voir leurs familles, et ils ont continué avec moi quand je suis née.
Une éducation chinoise ?
Si ma mère essaye d’entretenir mon shanghaien, mes parents m’ont avant tout éduquée selon leurs principes personnels, plutôt que selon ceux transmis par la famille. Il n’y a pas de besoin de revendiquer ou de « provoquer » la culture chinoise ; ils m’ont éduquée selon leurs idées, sans pour autant me les imposer à tout prix. Si je leur demande des détails sur leur enfance, sur leur vie en Chine, ils me les racontent avec plaisir, mais cela reste en quelque sorte leur histoire ; ils me laissent me créer la mienne.
Les seuls liens qu’ils veulent entretenir, sont les voyages annuels en Chine pour y passer les grandes vacances. Ces voyages sont une tradition familiale, notre façon de nous ressourcer. Certains vont à la mer, nous, c’est la Chine ! Et quand on y va, ils me montrent un peu la vie là-bas, ils me font partager tout cela. Et surtout, on voit la famille, leurs parents et leurs frères et sœurs, auxquels ils sont bien sûr très attachés.
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Un mode de famille particulier
J’ai quant à moi un rapport particulier avec cette famille chinoise ; je ne les voyais qu’une fois par an, et les contacts étaient assez rares entre les voyages. Quand j’étais petite, je ne me posais pas la question. Je m’adaptais très vite, je « réapprenais » le shanghaien rapidement chaque été. Mes cousins et cousines étaient plus âgés que moi (je suis la plus jeune), mais ils étaient encore enfants ; on jouait entre nous, et les mamies nous gardaient.
Mais en grandissant, tout le monde est devenu ado puis adulte ; c’était moins facile de nouer des liens, surtout avec la barrière de la langue, parce que je crois que j’ai fait ma crise d’adolescence en arrêtant de parler chinois.
De plus, nous nous voyions sur un autre mode ; je ne sais pas si ce n’est qu’une impression, mais je crois que globalement, à Shanghai, avec le nouveau mode de vie, tout le monde préfère se voir au restaurant plutôt que d’inviter des gens chez soi. En grandissant, on ne s’est donc graduellement vus qu’autour de repas familiaux, au lieu d’aller les uns chez les autres comme avant. C’est alors moins évident de nouer des liens, surtout quand vient l’adolescence, et, dans mon cas, une certaine timidité, même vis à vis de ma propre famille. Devoir me réadapter chaque année, mine de rien, cela me mettait dans une zone de non confort.
Je n’en souffrais pas particulièrement, parce que cela se faisait naturellement. Et au final, cela rejoint l’idée que j’ai de la famille. Pour moi, une famille ce n’est pas forcément être super proches et se voir tout le temps ; c’est être lié par notre parenté, et par une affection, même si elle n’est pas forcément visible.
Mes grands-mères et moi
Quoi qu’il arrive, je suis liée à ma famille. D’ailleurs, je fais des études de cinéma d’animation, et j’ai eu envie de parler de mes grand-mères. Je raconte tout le temps des histoires, et parmi celles qui me trottaient dans la tête, j’ai eu envie de parler d’elles.
J’ai une personnalité très paradoxale, et cela fait écho avec leurs personnalités très marquées. En résumé, ma grand mère maternelle est extrêmement calme, tandis que ma grand-mère paternelle est un peu « fofolle » avec une personnalité très forte – un peu comme la grand-mère de Mulan !
Ce film, je l’ai fait parce que j’avais envie de leur rendre hommage en les montrant à d’autres personnes, mais aussi parce que j’avais envie de faire quelque chose pour elles, en faisant l’effort de parler chinois – ce qui n’a pas été une mince affaire. Cela fait maintenant deux ans et demi que je ne suis pas retournée en Chine et que je ne parle plus du tout chinois. Voilà donc ce que cela a donné :
Mes parents ont été assez touchés par la vidéo, parce que c’est une certaine reconnaissance de ces racines qu’ils m’ont transmises. Quant à mes grand-mères, elles ont avant tout hâte de savoir quand on se revoit !
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En conclusion
Au quotidien, je me sens française, mais je ne renie pas mes origines. En fait, je me pose très peu la question, c’est ancré en moi et je l’intègre. Parfois j’oublie presque que je suis chinoise ; c’est surtout avec le regard des autres que je m’en rappelle ! Par exemple, depuis que je fais des études d’art, beaucoup de gens me demandent si je suis chinoise, et ils me posent des questions sur ma culture. Il y a parfois des choses auxquelles je ne sais pas répondre, parce que je ne connais pas tout sur la Chine, mais j’essaye de les renseigner au mieux.
Pour autant, mes racines chinoises sont une richesse, une plus-value. Le fait d’aller en Chine, et d’avoir un recul sur la différence de cultures, c’est une richesse. Je pense qu’une fois qu’on connaît ce recul-là, on arrive à avoir plus de recul dans sa propre vie en général – que ce soit dans l’appréciation des choses ou la tolérance, même si ce n’est pas toujours évident.
Vous pouvez en voir plus sur le travail de Romy sur son tumblr !
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Les Commentaires
C'est marrant, je ne parle pas du tout chinois mais j'ai tout de même remarqué le petit accent "français" de la madmoizelle
(Enfin, je n'ai pas bien suivi, on parle à la fois de "chinois" (donc a priori du mandarin) et de "shangayen" dans le témoignage, du coup je ne sais pas quelle langue elle parle dans la vidéo.)