Pour mémoire, la culture du viol est cet environnement social et médiatique qui enjoint les filles à « se comporter comme des filles » et les garçons à « se comporter comme des garçons », c’est-à-dire à se conformer aux stéréotypes de leur genre : pour les filles, ceux de la féminité (douceur, calme, patience, séduction passive) et pour les garçons, ceux de la virilité (force, puissance, charisme, séduction active).
Le problème, (l’un d’entre eux, tout du moins) est que dans la séduction par exemple, ces stéréotypes conduisent les unes à ne pas oser refuser, les autres à se passer d’un consentement clairement exprimé pour initier un rapport sexuel.
Or un rapport sexuel non consenti est un viol.
À lire aussi : Culture du viol, consentement et « zone grise » : des concepts imaginaires ?
Dans ce poème intitulé Sons, Rudy Francisco et Terisa Siagatonu reviennent sur l’affaire Steubenville : deux adolescents avaient violé une camarade de classe inconsciente, mais ils avaient d’abord été protégés par la communauté malgré une plainte de la famille de la jeune fille.
C’étaient « des garçons bien », vous comprenez. Et la fille était ivre morte, alors bon… (alors NON, hein.)
L’affaire a été rendue publique sur Internet, et sous la pression populaire, les deux garçons ont finalement été poursuivis, jugés et condamnés.
Mais leur condamnation a déclenché une vague d’émotion nationale : les médias pleuraient leurs futures carrières sportives sérieusement compromises… Tant et si bien qu’on aurait pu oublier que la véritable victime de l’histoire, c’était la jeune fille.
À lire aussi : Steubenville : de nouvelles mises en examen
L’incrédulité de tous les soutiens des deux jeunes hommes laisse songeur. Toute l’empathie exprimée à leur égard témoigne de l’incompréhension des gens, devant cette histoire. Comment « des garçons bien » (« good boys ») ont pu se rendre coupables de viol ?
Il ne faut pourtant pas chercher la réponse bien loin : la culture du viol enseigne aux filles et aux garçons la conduite à tenir dans la séduction et les relations intimes. Pour s’en affranchir, il n’y a pas trente-six solutions : il faut reprendre en main, activement, l’éducation de nos fils. Ne pas violer, ça s’apprend, et il devient urgent de l’enseigner, car comme le souligne les auteurs de À Nos Fils, si nous n’assumons pas cette responsabilité, la culture du viol se chargera de faire l’éducation de nos fils.
À lire aussi : « Tu es un garçon. Ne frappe jamais une femme »
Sons
« À Nos Fils »
– Traduction libre
« Lorsqu’il s’agit de parentalité, nous n’hésitons pas à affirmer que nous voudrions élever tous les garçons. Je voudrais être mère de tous les fils.
Si « être un homme » m’a appris quoi que ce soit, c’est qu’être père est censé être un sport de contact, mais beaucoup déclarent forfait avant même d’être entrés sur le terrain.
Si « être une femme » m’a appris quoi que ce soit, c’est que peu importe combien je me sens forte, mon existence me voue à ne jamais sortir vainqueur.
Lorsque l’État de l’Ohio a condamné deux garçons de 16 ans pour avoir violé une fille de seize ans…
Les deux garçons ont éclaté en sanglots juste après le verdict. Toutes les chaînes d’information les ont réconfortés, eux, et pas leur victime, la fille qu’ils ont violée. CNN faisait le deuil de leurs futures carrières dans le football
Ils n’ont rien dit du cimetière en chantier dans le corps de cette fille, rien du cimetière dans lequel elle ensevelira sa confiance en les hommes.
La culture du viol est le pire professeur, et nos enfants en sont les élèves assidus.
Elle enseigne aux femmes qu’il est de leur responsabilité de ne pas être violées.
Elle enseigne aux hommes qu’il faut bien que jeunesse se passe, que les garçons seront toujours « des garçons ».
Elle nous enseigne qu’une jupe courte et un sourire sont une invitation, une excuse. Elle nous enseigne que ce n’est pas grave, tant que personne n’intervient pour venir en aide à la victime… et voilà, voilà pourquoi je veux éduquer tous les garçons moi-même.
Parce que des moments comme ce verdict rendent insupportable l’écho de ma propre colère J’ai peur d’en parler à voix haute De notre responsabilité, lorsque notre premier réflexe pour assurer la justice est de faire davantage confiance à la police qu’à nos propres enfants, de les laisser partir en prison plutôt que de leur montrer le chemin du foyer, d’utiliser les maisons de correction pour mineurs comme une garderie.
Notre responsabilité, alors que nous nous réjouissons de jeter un autre garçon noir en cage, persuadés que la prison lui apprendra à respecter les femmes mieux que nous n’aurions pu le faire, si nous n’avions pas baissé les bras.
La prison ne répare pas les personnes brisées, la prison les brise davantage Jusqu’à ce qu’il n’en reste que des débris, des éclats de miroir qui blessent tout leur entourage.
Et l’on s’étonne de voir nos reflets dans leurs erreurs. Mais où, et de qui les ont-ils apprises ?
Que je sois maudite si j’affirmais n’être capable d’aimer quelqu’un que s’il s’est retrouvé sous la lame d’un couteau Devant le canon d’un fusil Et ne pas avoir assez d’amour pour contourner et envelopper celui qui tient l’arme
Et demander, où a-t-il appris ça ? Qui lui a appris à en user ainsi ?
Je ne vous demande pas de plaindre qui que ce soit, et je ne vais pas m’excuser pour mon ressenti sur un problème aussi complexe que celui-ci, aussi complexe que nous-mêmes. Je dis simplement qu’un jour, je vais être parent, et j’aurai un fils.
Et si je ne l’élève pas au sein d’une communauté qui m’aide à lui enseigner comment se défaire du sexisme Du patriarcat Des stéréotypes dangereux de la virilité
Si je ne lui enseigne pas ceci, la culture du viol deviendra son professeur, lorsque j’aurais détourné le regard… Et ces leçons valent bien celles d’un policier véreux Celles d’un récidiviste rencontré en prison Celles d’un délinquant sexuel Mari violent. Cas désespérés, chiens en cage. Il vaut autant que le prochain garçon noir, sanglotant à la barre des témoins Présentant ses excuses à la fille qu’il a violée, Jurant qu’il n’en n’a jamais eu l’intention Jurant que sa mère l’a élevé comme « un gentil garçon », un mec bien. Espérant que quelqu’un, dans ce tribunal, lui pardonnera. Pour ce qu’il doit encore apprendre. »
À lire aussi : « Les vrais conseils sur le sexe », un slam indispensable
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Bien sûr qu'on préfère cette réaction, mais nous sommes d'accord que l'idéal aurait été de dire que ce n'est pas bien de frapper les gens en général... Et personnellement en y réfléchissant même le "les faire rire" me dérange, comme si un garçon ne devrait avoir que cette attitude(que j'ai associé là à de la séduction pour cet âge là, voire un conseil de drague de façon générale) et considérer les filles d'une manière particulière... Bref je vais peut-être un peu loin, mais il ne faudrait pas qu'à l'arrivée d'un petit garçon souffre douleur, le petit frère en question se dise que c'est un garçon donc qu'il n'a pas a le protéger lui... Et que si on lui dise "tu dois l'aider" il soit confus et l'assimile à une fille... Mais bon encore une fois je vais loin