On connaît d’elle ses écrits comme Mémoire d’une jeune fille rangée (1958), Les Mandarins (1954), pour lequel elle a reçu le Prix Goncourt, ou encore son célèbre essai, Le deuxième sexe (1949). Simone de Beauvoir était une théoricienne du féminisme, une romancière de la pensée, et une femme engagée.
C’était aussi une femme amoureuse. Bien qu’elle ait formé tout au long de sa vie avec le philosophe Jean-Paul Sartre, un couple mythique d’intellectuels, c’est avec l’écrivain américain, Nelson Algren, qu’elle a vécu une réelle passion.
Que raconte le roman graphique « Les Matins doux » ?
Cette relation passionnelle de quinze ans, passée entre la France et Chicago, est au cœur du roman graphique, Les Matins doux, d’Ingrid Chabert et d’Anne-Perrine Couët. À travers cette bande dessinée, les deux artistes ont choisi de raconter cette grande histoire d’amour, souvent méconnue du grand public, débutée en 1947.
Découvrez Les Matins doux aux éditions Steinkis
Simone de Beauvoir est invitée cette année-là par l’Institut français dans le cadre d’une série de conférences aux États-Unis. Sur les recommandations d’une amie, elle contacte alors le journaliste américain, Nelson Algren, censé lui servir de guide durant son étape à Chicago.
Le coup de foudre est instantané et la tournée des clubs ne fera que sceller leur amour. Les deux amants vivront à partir de ce moment, et cela, durant quinze ans, une aventure torride et une liaison transatlantique épistolaire.
Simone de Beauvoir, un symbole de liberté
Dans Les Matins doux, la philosophe laisse place à la femme : celle qui s’est éprise d’un écrivain américain aussi séduisant, qu’éclairé, qui a cédé à ses désirs, et qui les assume. Toutefois, et bien que le roman graphique narre le coup de foudre nocturne de Beauvoir et d’Algren, il transporte les lecteurs et les lectrices, au fil des années, à travers leur relation amoureuse.
Il est facile de comprendre que cette relation passionnelle et érotique, passée aux États-Unis, a forgé l’indépendance que l’on connaît de l’autrice française. Outre-Atlantique, Simone est éprise de liberté : celle d’écrire, celle d’aimer, mais aussi celle d’être honnête face à ses deux amants. Jamais Beauvoir n’a caché le triangle amoureux dans lequel elle et Algren étaient pris.
Tiraillée entre son amour sincère et son amour nécessaire, « le petit castor » de Sartre la verra cependant toujours revenir à lui. Malgré la force de son idylle américaine, la soif de travail, les débats sur l’existentialisme et le besoin de recherche ramèneront toujours Simone de Beauvoir à Paris. Le mariage et la monogamie n’auront eu raison de son travail.
Le chef-d’œuvre de Simone de Beauvoir
Dans Les Matins doux, les lecteurs et lectrices découvriront également à quel point Nelson Algren a été un soutien dans la carrière littéraire de son amante. Leur relation s’est nourrie des écrits de chacun. Si Simone de Beauvoir l’a encouragé durant l’écriture de L’Homme au bras d’or, paru en 1949, la même année, c’est l’auteur originaire de Détroit, qui lui inspire son œuvre la plus mythique, Le deuxième sexe.
Simone de Beauvoir s’interroge sur son statut de femme, et intellectualise les prémices de ses réflexions aux côtés de Sartre. Mais c’est Nelson Algren qui la placera face à la réalité. Il lui fait ainsi comprendre que pour parler de la condition féminine et accoucher de son œuvre féministe, elle doit s’inspirer de la situation des Afro-Américains.
Aux côtés de son amant américain, la philosophe découvre la réalité de la vie. Les passages dans les bars malfamés de Chicago, ainsi que le lourd passé d’Algren permettront, en effet, à Simone de Beauvoir de se confronter au statut des minorités raciales, loin de la vie dorée de Saint-Germain-des-Prés.
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Quand la réalité et la fiction se confondent
Ce n’est pas le seul impact que Nelson Algren a eu sur l’œuvre littéraire de Simone de Beauvoir. Sept ans après leur rencontre, l’écrivaine lui dédiera son roman phare, Les Mandarins, lauréat du Prix Goncourt.
Le livre sera d’ailleurs en partie inspiré de leur idylle. L’un des personnages, Anne Dubreuilh, à l’occasion d’un voyage professionnel en Amérique, fera la rencontre d’un écrivain de Chicago, Lewis Brogan, dont elle tombera passionnément amoureuse après une vie sage et platonique aux côtés de son mari.
Nelson Algren a autant nourri la pensée que l’œuvre fictionnelle de Simone de Beauvoir. Leur amour a finalement pris plusieurs formes d’écriture, de l’essai au roman, en passant par les lettres. En effet, les amants correspondaient souvent sous forme épistolaire. En 1981, d’ailleurs, Simone de Beauvoir en rendra une partie publique sur les 300 échangées, avant que sa fille adoptive, Sylvie Le Bon de Beauvoir, ne les publie dans un ouvrage posthume, sobrement intitulé Lettres à Nelson Algren (1999).
Le roman graphique « Les Matins doux » est disponible aux éditions Steinkis
Finalement, Simone de Beauvoir était loin de son image de femme de lettres glaciale et cérébrale. C’était aussi une femme sentimentale, qui n’a jamais renié ses émotions. La raison et les sentiments cohabitaient. Autant d’éléments qui montrent l’indépendance de la philosophe tout au long de sa vie.
Les Matins doux dresse le portrait d’un modèle féministe et féminin fougueux, duel, libre et complexe. Preuve en est avec la bague avec laquelle Simone de Beauvoir est enterrée au cimetière Montparnasse aux côtés de Sartre.
Celle-ci fut offerte par Nelson Algren le lendemain de leur première nuit ; un passage sur lequel le roman graphique d’Ingrid Chabert et d’Anne-Perrine Couët revient de façon symbolique et poétique pour montrer à quel point son amant transatlantique aura compté jusqu’à la fin.
Vous pourrez découvrir Les Matins doux d’Ingrid Chabert et d’Anne-Perrine Couet, à partir du 26 octobre dans les librairies aux éditions Steinkis.
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