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Source : @peopleimages-yuriarcurs
Féminisme

Non, les femmes qui choisissent de ne pas être mères ne menacent pas les générations futures !

Autrice de « Lâchez-nous l’utérus ! » et fière childfree, la journaliste Fiona Schmidt décortique les mécanismes réacs à l’œuvre derrière les injonctions à enfanter, qui continuent de peser sur les femmes.

Cela fait quatre ans que j’ai publié « Lâchez-nous l’utérus ! », dans lequel je déconstruis l’injonction à la maternité et la charge maternelle, qui creusent les inégalités entre les genres mais aussi entre les femmes. 

En quatre ans, rien n’a changé. Enfin, si : c’est pire désormais. Certes, la parole des femmes qui souhaitent ne pas avoir d’enfant s’est libérée. Mais plutôt que de faire du questionnement de cette norme de la féminité une bonne nouvelle, plutôt que d’y voir l’opportunité pour toutes les femmes de faire des choix éclairés, quels qu’ils soient, en accord profond avec qui elles sont plutôt qu’avec qui leur entourage et la société voudraient qu’elles soient, la droite réactionnaire veut faire de l’expression d’un désir personnel une critique de la maternité, et carrément, une apologie prosélyte de la dénatalité sur fond de « délire » écologiste.

Farandole de propos réacs et transphobes

Et bien entendu, les féministes sont tenues responsables de cette grève fantasmée des ventres, alors que la France est toujours en tête du classement européen des naissances, selon les derniers chiffres de l’INSEE. 

Il suffit qu’une seule femme publie un seul livre sur son choix de ne pas avoir d’enfant – Pourquoi j’ai choisi d’avoir un chien (et pas un enfant), d’Hélène Gateau – pour qu’on subisse le concours habituel de propos réacs et volontiers transphobes dans la presse et sur les plateaux de télévision et de radios. 

Mercredi 4 octobre, Eugénie Bastié était sur le plateau de l’émission « C ce soir », où j’étais moi aussi invitée à « débattre » du choix de ne pas être mère, qui n’engage que moi depuis 25 ans – j’en ai 41 aujourd’hui -, mais dont il faut pourtant que je continue de « débattre » avec des gens qui semblent incapables de simplement l’ « accepter ». 

Des obligations féministes me retenaient ailleurs, et j’ai donc laissé les vaillantes Charlotte Debest et Corinne Maïer, autrices de deux ouvrages dont je vous recommande la lecture, se débattre avec cette question posée en préambule : « Les No Kids sont-ils des humanistes ou de dangeureux extrêmistes (sic), des êtres égoïstes ou au contraire, à l’heure où la planète se réchauffe, les plus responsables d’entre nous ? »

Les No Kids, ces méchantes « extrêmistes écologiques »

Aux présomptions classiques d’égoïsme, d’insensibilité et d’immaturité s’ajoute désormais l’accusation très contemporaine d’ « extrêmisme écologique ». Si on ne veut pas faire d’enfant, c’est toujours qu’on ne pense qu’à soi – un argument servi par des gens qui vous demandent : « qui s’occupera de toi quand tu seras vieille ? » et considèrent donc leurs enfants comme de futurs EHPAD gratuits ; c’est toujours qu’on n’aime pas les enfants – car avoir des enfants est la preuve irréfutable qu’on les aime, comme n’en attestent pourtant pas les chiffres de plus en plus alarmants des maltraitances infantiles ; et c’est toujours qu’on manque de maturité, puisque celle-ci est notoirement liée à notre système reproducteur : tant qu’on n’a pas fait de bébé, on en reste un, CQFD.

Mais désormais, nous voilà en plus accusées de menacer l’avenir de l’humanité avec nos « délires écologistes ». Et de fait, la crise climatique est un argument avancé de plus en plus souvent par les jeunes gens qui déclarent ne pas vouloir d’enfant. Mais c’est loin d’être le seul, comme l’admet d’ailleurs Eugénie Bastié elle-même sur le plateau de « C ce soir », lorsqu’elle s’offusque que « la raison première des femmes qui ne veulent pas d’enfant, c’est l’épanouissement personnel ». Prétendre être heureuse en dehors de la maternité, voilà qui ferait passer Robespierre pour un Bisounours, en effet…

L’obsession écologiste est donc avant tout une obsession médiatique, entretenue par des journalistes qui n’ont pas déconstruit la norme de la maternité. La journaliste Salomé Saqué ne dit d’ailleurs pas autre chose sur France Inter, lorsqu’elle appelle à normaliser le choix de ne pas avoir d’enfant, en déclarant que si elle ne souhaite pas avoir d’enfant pour des motifs écologistes, le choix de ne pas être mère procède d’un désir à part entière, qui doit être considéré comme légitime, au même titre que le désir de parentalité.

Par ailleurs, l’argument pro-kids a été servi par une Eugénie Bastié qui sur Europe 1 il y a quelques semaines, considérait que gifler son propre enfant ne relève pas de la violence, comme le souligne la militante Bettina Zourli sur son compte Instagram @jeneveuxpasdenfant. D’autre part, celles et ceux qui défendent la natalité et la famille au nom du « bien de l’enfant » ne défendent pas toutes les natalités ni toutes les familles, loin s’en faut. On n’a pas beaucoup entendu Eugénie Bastié s’indigner de ce qu’en avril, l’Agence régionale de santé de Mayotte incitait les jeunes femmes à se faire stériliser, par exemple.

Un argumentaire contre la liberté de choisir

Car paradoxalement, les défenseurs de la natalité imputent volontiers la crise climatique à la surpopulation. C’est le cas de Nicolas Sarkozy, qui dans son dernier livre, s’alarme du fait qu’en 2050, la population du Nigeria aura dépassé celle des États-Unis. Non seulement met-il les dégâts écologiques actuels sur le dos d’une population qui n’est pas encore née, mais il occulte aussi le fait que les États-Unis sont responsables de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, contre 2,5 % pour l’Afrique toute entière.

Enfin, la plupart des bébéphiles affiché·es se sont opposé·es avec vigueur à la PMA pour presque toutes*, alors même que 100 % des nombreuses études menées sur le sujet depuis une quinzaine d’années confirment que les enfants élevés dans dans les familles queer ne sont pas plus malheureux que les autres – au contraire. Et que, par ailleurs, le nombre de mères solo a doublé en trente ans, avec tous les risques de précarité que cela présente pour les femmes comme pour les enfants. Aujourd’hui, plus d’1,5 million de mères françaises sont célibataires, et l’écrasante majorité d’entre elles subissent leur statut. Quelle différence entre elles, et les femmes célibataires qui choisissent de fonder une famille seules, au grand dam des pourfendeurs et pourfendeuses de la PMA pour toutes ?

Le choix, bien sûr. Car elle est là, l’arête coincée dans l’esprit des anti-childfree. En réalité, et alors que le chantier est immense, elles et ils militent moins en faveur des enfants et de leurs droits que contre la liberté des femmes de faire des choix qui ébranlent une norme hétérocentrée réactionnaire et raciste.

Mais on ne va pas se gêner pour les gêner. Le futur de nos kids (enfin, les vôtres…) en dépend. J’espère qu’elles et ils vivront dans un monde où exercer son libre-arbitre ne sera plus menaçant, mais juste normal. 

* On rappelle qu’à ce jour, la loi dite de la PMA pour toutes exclue les personnes trans.


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Les Commentaires

20
Avatar de Samsayonara
24 octobre 2023 à 08h10
Samsayonara
@Samsayonara ce n'est évidemment pas le sujet mais je regrette ma chirurgie également. Comme la personne que tu connais, le pétillant n'est plus du tout mon ami, même l'eau gazeuse. Tout ce qui est acide, je dois éviter car je fais des reflux gastriques. Je dois attendre au moins 3h après manger pour me coucher, sinon ça remonte dans l'œsophage et ça descend dans les bronches, et je tousse toute la nuit... Tout ça pour avoir repris au fil du temps tout le poids perdu...
ce n'était pas qu'elle alors... c'est moche, car ils vendent ça comme une baguette magique, et il y a des cliniques privées peu regardantes qui font des sleeves à la chaîne sans regarder des paramètres comme la raison de la prise de poids, les problèmes psy, etc
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