Plusieurs entreprises se positionnent sur le marché grandissant de la location de vêtements, en présentant cette possibilité comme écologique. Citons, pêle-mêle, Rent The Runway côté mode de luxe, Le Closet ou Possible France façon abonnement comme à une box, 1 robe pour 1 soir pour une tenue de grandes occasions, Les Cachotières pour un look livrable à la dernière minute et retournable aussi sec, La Fashion Lib pour un partage communautaire entre particuliers comme un dressing partagé, ou encore Frida qui est la plateforme de location de vêtements de la marque Made My Lemonade.
La forte pollution liée aux transports de la location de vêtements
Sauf que ce qui se présente comme une solution écolo au shopping effréné de nouveautés s’avère beaucoup moins durable qu’il n’y paraît… C’est ce que vient de mettre en évidence une équipe de chercheurs finlandais, dans une étude publiée en mai 2021 par la revue scientifique Environmental Research Letters.
Des scientifiques ont calculé les émissions de gaz à effet de serre liées à cinq façons différentes de posséder des vêtements et leur fin de vie, comme la revente, le recyclage et la location. Et cette dernière possibilité génère l’impact climatique le plus élevé des méthodes étudiées — même pire que de jeter des vêtements (qui sont généralement brûlés ou enfouis) ! Le recyclage a également eu une empreinte environnementale importante, puisqu’il s’agit de processus industriels qui nécessitent forcément de l’énergie.
Anna Härri, co-auteur de l’étude, diplômée au département des sciences de la durabilité de l’Université de technologie de Lappeenranta, en Finlande, a expliqué au média Fast Company :
« Nous ne décourageons en aucun cas les marques de développer une technologie de recyclage. Mais il est important de réaliser que le recyclage et la location génèrent nettement plus d’émissions que la revente ou simplement le fait de porter ses vêtements plus longtemps. Cela devrait éclairer la façon dont l’industrie de la mode évalue comment être plus durable à l’avenir. »
Sans surprise, la façon la plus durable et écolo de posséder des vêtements reste de chérir le plus longtemps possible ceux qu’on a, et d’en acheter peu, confirment les chercheurs finlandais.
Une industrie textile encore loin de l’idéal d’une mode circulaire
N’en déplaise à une grande partie de l’industrie textile qui brandit à tour de bras le fantasme d’une « mode circulaire »… Par opposition à notre système linéaire actuel où des vêtements sont produits, portés, puis jetés, ce concept renvoie à l’idée d’une autre façon de consommer selon un cercle vertueux. Les vêtements circuleraient le plus longtemps possible entre différentes personnes qui se les échangeraient et/ou revendraient, avant qu’ils ne soient recyclés et réintégrés dans cette circulation qui n’aurait donc plus besoin de produire des matières premières vierges.
Un idéal vers lequel tendre, sauf qu’on est loin d’y être encore.
Dans la réalité, la plupart des plateformes de location de vêtements induisent forcément beaucoup de transports, donc une multiplication de la pollution liée à toute cette logistique. Quant aux marques qui brandissent utiliser du coton ou polyester recyclés par exemple, elles se gardent bien de mentionner que le processus même de recyclage implique aussi un impact énergétique significatif, que le grand public a tendance à sous-estimer, voire ignorer du coup.
Si vous souhaitez creuser ce sujet, je vous recommande chaudement l’ouvrage Recyclage : le grand enfumage. Comment l’économie circulaire est devenue l’alibi du jetable, de Flore Berlingen, directrice de l’ONG Zero Waste France et présidente de La Maison du Zéro Déchet à Paris.
La possibilité du recyclage, l’alibi de la mode jetable ?
C’est pourquoi il importe tant de considérer la possibilité du recyclage comme une solution de dernier recours pour nos vêtements dont on a intérêt à prolonger la durée de vie, et non comme une excuse pour en acheter et s’en débarrasser rapidement une fois lassée. C’est aussi ce qu’explique la chercheuse de l’étude auprès de Fast Company :
« Le recyclage est un élément important d’un avenir durable. Nous encourageons les entreprises à continuer d’y investir. Mais cela ne peut pas remplacer la réduction de la consommation. »
En attendant, il faudrait que toutes les plateformes de location de vêtements se mettent à des modes de transport à zéro émission ou faibles émissions carbone pour qu’elles puissent répondre à l’idéal d’une mode circulaire.
Sinon, continuer à corréler la location de vêtements comme une méthode écolo de consommer toujours plus de vêtements rapidement sans culpabilité tient du leurre. Du greenwashing.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
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