Décembre 2013. Je suis en Inde depuis 6 mois environ, je voyage avec E., ma petite amie.
Je suis parti pour un échange universitaire, pour une année. L’université ne m’a pas trop occupé, et j’ai enchaîné les semaines, les mois sur la route, sac sur le dos, entre un hôtel, un bus, un trek, un temple, une petite aventure quelconque.
En décembre, je voyageais depuis quelques semaines.
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Un Noël en Inde, dans la ville de Varanasi
Pour Noël, j’étais à Varanasi. Pourquoi Varanasi ? Rien n’avait été prévu je crois.
La ville nous a plu à E. et moi, nous nous y sommes faits des amitiés de quelques jours, pour trancher avec les rencontres de quelques heures, si nombreuses en voyage.
Sédentaire quelques jours dans cette ville magique, j’ai aimé l’arpenter. La vieille ville est un dédale de rues étroites et encombrées, un peu grouillantes, un peu sales, avec parfois des vaches.
Des vieilles bâtisses abritent mille trésors pour le voyageur en quête de dépaysement apprivoisé : c’est bien l’Inde, mais les nombreux touristes ont façonné l’endroit pour qu’il finisse par leur ressembler juste assez.
Cafés, hôtels accueillants, cours de yoga, échoppes de curiosités se tassent les uns contre les autres, sans réussir à priver Varanasi de son caractère profondément spirituel et magique.
Noël en Inde, dans un haut lieu de l’Hindouisme
La ville est le plus haut lieu de l’Hindouisme, un endroit sacré et unique, au cœur d’un pays qui vit déjà au rythme de superstitions et de croyances envoûtantes.
La journée, de nombreux pèlerins se baignent et goûtent les eaux troubles du Gange, défilent en processions, visitent les temples.
Le soir, des bûchers parsèment les rives du fleuve et la ville crépite au son des corps qu’on incinère.
La lumière hésitante des flammes, ces chairs qui se consument, ces visages bruns, fermés, aux regards étincelants tournés vers les flammes…
Il faut avoir bien peu de sensibilité, ou l’esprit solidement accroché pour ne pas perdre un peu la raison à Varanasi.
Portrait de Varanasi, loin de l’esprit de Noël occidental
Tôt le matin, la ville est fraîche et drapée de brume.
On peut la contempler depuis les toits pour la voir transpirer ses émotions de la nuit et se préparer à recommencer, pour profiter des heures assoupies, avant le brouhaha de la journée.
Dès les premières lueurs, des cerfs-volants s’élancent depuis les toits, pour ne plus redescendre qu’avec la nuit. C’est le début d’un incessant ballet : chacun tente de rompre le fil de son voisin tout en protégeant le sien.
Ces cerfs-volants artisanaux, bricolés, s’entrechoquent doucement dans une bataille silencieuse sans merci. Vue d’en haut, la ville est prolongée, tendue vers le ciel à travers ces mille fils invisibles.
Pas de sapin ou de cadeaux, de champagne ou de foie gras pour ce Noël Indien.
Nous n’avions rien prévu.
Une soirée entre voyageurs rencontrés au fil de ma dérive dans la ville. Des inconnus loin de leur foyers, assemblés pour une autre soirée indienne.
Le soir du réveillon de Noël, je me suis oublié
Qu’avions-nous bu ou mangé sur le toit de cet hôtel ? J’ai oublié.
Je ne me souviens pas plus des conversations. Il me reste quelques visages, il me reste des nationalités, Israélien, Allemand, Australien. Pas grand-chose finalement.
J’ai oublié ce qui m’entourait.
C’est qu’à cette époque, je vivais en moi-même, j’essayais de démêler dans mon esprit mes émotions affolées par une Inde trop différente, trop bouleversante, trop radicale.
Noël en Inde et la confusion avec la réalité
Je m’étais enfoncé si loin en moi-même qu’à Noël, je m’en souviens parfaitement, le réel était devenu un concept dénué de sens.
Mon cadeau cette année-là a été de perdre tout à fait pied pendant quelques mois, avant de revenir.
Comment décrire la vie intérieure qui m’habitait, et qui était tout ce qui comptait pour moi en cette fin d’année ? Tumultueuse, titubante, terrifiante.
Ces adjectifs me semblent dérisoires.
Je me souviens avoir confronté E., avec qui je voyageais depuis plusieurs semaines, pour lui faire avouer qu’elle était un être surnaturel, magique.
Qu’elle était envoyée sous cette forme pour guider mon cheminement spirituel, mon élévation vers un niveau supérieur de conscience, qui me permettrait de déchirer le voile trompeur des perceptions.
Son étonnement, son affolement à peine dissimulés n’avaient fait que renforcer ma conviction obsessionnelle. Le réel était vidé de sa substance, rien de ce que je n’aurais pu voir ou entendre n’aurait pu me ramener.
C’est comme si j’avais passé cette fin d’année dans l’esprit d’un fou…
Oui, j’étais une toute petite lueur de conscience cachée dans l’esprit d’un fou, et il m’a fallu bien des mois pour redevenir peu à peu moi-même.
Mon voyage introspectif à Noël en Inde
C’est pendant ce Noël que je me suis enfoncé le plus loin en moi-même, c’est la période où j’ai été le plus proche du point de non-retour.
C’est après les accès de folie les plus violents de cette fin d’année que j’ai commencé, très doucement, retrouver cette chose pourtant si naturelle : des convictions.
Peu à peu, le monde a cessé d’être un tissu insaisissable de doute, d’être un voile à déchirer, j’ai décidé de l’accepter tel que mes sens le percevaient.
J’ai dû me contraindre à accepter le réel, courber mon esprit pour qu’il cesse sa quête dérisoire.
Aujourd’hui que je vais mieux, je mesure parfois à quel point le souvenir brûlant de cet horrible voyage introspectif est un cadeau inestimable.
Les photos n’appartiennent pas à l’auteur.
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Les Commentaires
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/m/pubmed/11788917/?i=4&from=/26058196/related
https://academic.oup.com/jtm/article-abstract/25/1/tay019/4934913?redirectedFrom=fulltext
https://academic.oup.com/jtm/article-abstract/25/1/tay019/4934913?redirectedFrom=fulltext
J'en cite 3 qui évoquent des aspects différents mais y'en a bien plus.