Dites donc, on n’aurait pas raté l’information médiatico-politique du week-end ? Le retour en politique de Nicolas Sarkozy bien sûr ! Après un teasing haletant, l’ancien président de la République a publié un post sur sa page Facebook vendredi dans l’après-midi.
Il était l’invité de Laurent Delahousse dans le journal de 20h dimanche soir. Circulez, il n’y a pas grand-chose à voir, et vraiment rien de nouveau sous le soleil : des « je vais vous répondre », des « mais monsieur Delahousse », des questions rhétoriques (« qu’est-ce que je devrais faire ? »), de l’indignation sur ses affaires judiciaires (dont certaines sont toujours en cours), le tout ponctué de haussements d’épaules intempestifs.
La dernière question de Laurent Delahousse a porté sur le mariage pour tous :
« Est-ce que, si un jour vous revenez au pouvoir, vous reviendrez sur cette loi qui a fait polémique au sein de votre famille politique, vous avez une réflexion personnelle sur cette question, oui ou non ? »
Je vous fais grâce des protestations « ah il faut répondre comme ça, oui ou non ? On est à l’école ? Vous pensez vraiment, avec tout le chômage qu’il y a, que c’est la priorité ? Est-ce que c’est le problème le plus important ? », etc.
Voici sa réponse :
« Quel que soit ce qu’on pense du fond du dossier (sic), j’ai détesté la façon dont ça a été mené. On a humilié la famille, on a humilié tout un tas de braves gens qui n’avaient jamais eu l’idée de descendre dans la rue, qui se sont sentis blessés parce qu’on touchait à ce qu’ils croyaient le plus profondément, leur amour pour la famille.
On les a humiliés, ils se sont radicalisés. Beau résultat pour un président qui prétendait rassembler la France. Il l’a divisée, il a monté les uns contre les autres comme jamais. Et vous me demandez au travers de votre question, est-ce que vous ferez de la même façon ?
Je n’utiliserai pas les familles contre les homosexuels comme on a utilisé les homosexuels contre les familles. C’est une honte. Pour le reste, nous regarderons les choses très précisément, et croyez-moi, le manque de courage, c’est pas là où j’ai le plus changé. »
Côté manque de dignité, il n’a pas tellement changé non plus, visiblement.
Je ne pensais pas dire cela un jour, mais je suis d’accord avec Nicolas Sarkozy sur un point : « c’est une honte ».
Ces propos sont une honte.
« On a humilié ces braves gens »
Il aura donc fallu à peine 48 heures à Nicolas Sarkozy pour réveiller les tensions. À ce stade, ce n’est plus de l’huile sur le feu qu’il jette, c’est de l’acide sur une plaie béante !
Cette plaie, c’est celle de l’homophobie ordinaire, qui nécrose le tissu social depuis l’éclosion au grand jour des plus bas instincts homophobes d’une partie de la population française.
Ceux que Nicolas Sarkozy appelle « ces braves gens » qui ont été « humiliés » pendant les débats sur le mariage pour tous, sont, selon lui… les manifestants de la Manif Pour Tous. Ce sont, selon lui, tous ces gens qui ont défilé avec des slogans allant du ridicule à la haine, en passant par l’ignorance.
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Ce sont, selon lui, tous ces gens qui se sont défendus d’être homophobes, tout en refusant de reconnaître aux personnes homosexuelles la qualité d’individu lambda, de citoyen ordinaire. Pour la Manif Pour Tous, les homosexuels ont le droit de vivre leur sexualité, mais pas en public. Le droit de vivre en couple, mais pas officiellement (et surtout pas légalement). Et certainement pas le droit d’élever des enfants, dites donc, quelle est cette aberration ?
Non, monsieur Sarkozy, vous vous trompez. Les « braves gens » qui ont été humiliés pendant tout ce débat sur le mariage et la famille, ce ne sont pas ceux dont vous parlez. Ceux-là sont responsables de l’humiliation, vécue par tous les autres.
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Les limites de l’indécence
NOUS avons été humilié•e•s par ce débat, par la violence de leurs slogans, de leurs déclarations, comme nous sommes aujourd’hui humiliés par la violence de vos propos. Nous avons été humilié•e•s face au monde, face aux dizaines de pays qui reconnaissent aux homosexuels les mêmes droits qu’aux hétérosexuels.
Rien, dans la loi sur le mariage pour tous, ne porte atteinte aux valeurs et au modèle familial défendu par La Manif Pour Tous. Cette loi ne leur enlève rien. Elle ne les concerne même pas.
Et encore, notre humiliation n’est rien à côté de celle vécue par les principales intéressées : les personnes et les familles montrées du doigt, insultées par la Manif Pour Tous. Je laisserai Yohann Roszéwitch, président de l’association SOS Homophobie répondre comme il se doit à l’ancien chef de l’État (chez Yagg) :
« Hier soir, Nicolas Sarkozy a humilié les familles homoparentales, il a humilié des milliers de parents homosexuels qui n’avaient jamais eu l’idée de devoir descendre dans la rue pour protéger leurs enfants, qui se sont sentis blessés parce qu’on a touché à ce qu’ils croyaient le plus profondément, l’amour de leur famille.
Il les a humiliés, ils ont été bafoués. Beau résultat pour un ancien président qui prétend revenir dans la vie politique pour dépasser les clivages et rassembler tou•te•s les Français•e•s. Il continue de diviser, il continue de monter les un•e•s contre les autres »
Pas mieux.
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ALO UI CER 2014
Une fois passée la colère légitime face à ces propos parfaitement intolérables, il faut s’interroger sur les raisons qui ont pu mener un ancien chef de l’État à prononcer une pareille aberration.
Visiblement, Nicolas Sarkozy n’a pas eu le mémo. Alors aidons-le à reprendre pied dans la bonne époque : nous sommes en DEUX MILLE QUATORZE.
Christiane Taubira est toujours ministre de la Justice, en dépit des nombreuses attaques racistes parfaitement abjectes dont elle a fait l’objet, y compris de la part de ces fameux « braves gens ». Najat Vallaud-Belkacem a été nommée ministre de l’Éducation Nationale, où elle compte bien mettre en place l’éducation à l’égalité entre les filles et les garçons dès le plus jeune âge, en passant par la formation du personnel enseignant.
Et ce, malgré les protestations déconcertantes de ces « braves gens », qui revendiquent le droit de mentir aux enfants en continuant de les enfermer dans les stéréotypes de genre. Comme si les filles et les garçons devaient suivre des routes toutes tracées pour eux, en fonction de leur genre, comme si c’était écrit dans leur code génétique.
Nous sommes en deux mille quatorze, et le mariage civil est enfin légalement reconnu pour TOUS les couples, y compris les couples de même sexe. Et il en était grand temps.
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Un retour à contresens
Alors oui, je sais bien que tout ceci n’est qu’une stratégie électoraliste. Il fait son retour en politique, on sait très bien à qui s’adresse cette déclaration.
Mais justement. Si le retour de Nicolas Sarkozy doit marquer le coup d’envoi de la campagne interne de l’UMP, avant d’embrayer sur la campagne présidentielle de 2017, il ne faut pas laisser passer l’inacceptable : que celles et ceux qui ont souffert pendant les débats sur le mariage pour tous, et continuent de souffrir au quotidien de l’homophobie ordinaire tenace dans notre société, soient insultés par un ancien chef de l’État, tout ça pour servir d’alibi électoral.
Si Nicolas Sarkozy veut aller draguer la frange religieuse intégriste et conservatrice de la société française, grand bien lui en fasse. Mais il est prié de le faire sans insulter le reste de la population. Sans remuer le couteau dans la plaie que nous essayons collectivement de panser, après les violents assauts de la Manif Pour Tous.
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Une nouvelle manifestation des drapeaux rose et bleu est prévue pour le 5 octobre. Ludovine de la Rochère a d’ailleurs invité Nicolas Sarkozy à se joindre au cortège.
Ira ? Ira pas ?
Pour quelqu’un qui prétend « rassembler », ce serait une stratégie plutôt étrange que d’apporter ouvertement son soutien au mouvement le plus clivant dans la société française.
Nicolas Sarkozy répète à qui veut l’entendre qu’il « a changé ». On cherche en quoi.
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Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
@MsOriginalDoll Ce serait à mon avis très dangereux politiquement, puisqu'AUTANT pendant le débat tu peux toujours dire "c'est pas le moment de faire passer cette loi, il y a plus urgent" ou "une grande partie de la population est mal à l'aise avec ce sujet, le gouvernement ne devrait pas prendre de décision" AUTANT une foi que la loi est passée y retoucher ça sera vu uniquement pour ce que c'est, c'est à dire de l'homophobie : il s'agira de retirer des droits à des personnes homosexuelles. Je pense que "les gens" réagissent beaucoup plus lorsqu'on retire des droits que lorsqu'on débat d'en ajouter (en tout cas j'espère que les gens réagiraient ).
Autre souci de taille : quel serait le sort des couples homosexuels déjà mariés ? On les annulerait ? On les conserverait mais en empêchant tout nouveau mariage homosexuel ? Ce qui créerait encore des inégalités entre couples homosexuels mariés et couple homosexuels interdits de se marier.
Non, je pense vraiment qu'il n'y a pas à craindre de retour en arrière sur ce sujet, et c'est tant mieux ! aillettes: