Vous l’avez peut-être entendu de la part de votre oncle un peu relou au dernier repas de Noël, convaincu que son avis passionne toute la tablée : les jeunes n’en ont plus rien à faire de la politique.
Et bien sûr, vous vous êtes évertuée à lui prouver par A + B que non, la jeunesse de 2022 n’en a pas rien à foutre.
Qu’elle se sent concernée, mais parfois aussi démunie, qu’elle cherche d’autres moyens d’actions, qu’elle tente d’avancer alors que l’avenir qui s’ouvre à elle, marqué par le Covid-19, n’a rien à voir avec celui des générations passées.
Cette enquête de l’Institut Montaigne est-elle en train de lui donner raison, à votre vieux tonton ?
Publiée aujourd’hui, elle a été réalisée par les sociologues Olivier Galland et Marc Lazar, pour l’institut Montaigne auprès de 8000 jeunes, et entend montrer les ressentis, les attentes et les aspirations des 18-24 ans d’aujourd’hui, notamment sur le plan politique.
Ce qui caractérise les jeunes aujourd’hui, selon les deux auteurs, c’est la désaffiliation politique : plus d’un jeune sur deux ne se situe dans aucun parti, ni aucune tendance sur l’échiquier politique : ils et elles représentent 64 % des jeunes interrogés.
C’est là une des différences majeures avec les générations précédentes :
- 43 % des jeunes n’ont pas d’idées assez précises pour se positionner entre la gauche et la droite. À titre de comparaison, ils sont 25 % chez les 46-56 ans, et 20 % chez les 66-76 ans.
Les raisons de cette désaffiliation sont diverses, selon l’enquête : par « méconnaissance », par « désintérêt » de la politique et « peut-être aussi par rejet ».
Une désaffection pour la politique de parti qui pourrait expliquer par exemple que malgré un intérêt fort pour l’écologie et la protection de l’environnement (52 % estiment que les questions environnementales sont très importantes), les jeunes ne vont pas apporter en masse leur adhésion à un parti comme EELV. Seulement 11 % des jeunes expriment une proximité avec ce parti.
Des informations qui pourront aussi contribuer à mieux cerner les phénomènes d’abstention chez les primo-votants.
Une typologie des jeunes et de leur engagement
Olivier Galland et Marc Lazar établissent aussi quatre grandes typologies de jeunes en lien avec leur rapport à la politique et à l’engagement :
- Les démocrates protestataires : ils sont 39 % des jeunes aujourd’hui, ils s’intéressent aux enjeux de société, notamment concernant les questions liées au genre et l’écologie, ils se disent attachés à la participation aux élections.
- Les désengagés : ils représentent un quart des jeunes interrogés, en l’occurrence 26 %. Ils n’expriment pas d’opinion sur la politique, ne se sentent proches d’aucun parti.
- Les révoltés : ils sont 1 jeune sur 5, soit 22 % des jeunes interrogés dans l’enquête. Méfiants à l’égard de la politique, ils penchent vers un changement radical de la société.
- Les intégrés transgressifs : c’est le groupe le plus faible avec 13 % des jeunes interrogés. Très présents dans des associations, ils sont se disent heureux et sont intégrés socialement, mais présentent aussi une tolérance à l’égard des comportements violents.
Des jeunes encore attachés à la démocratie ?
Ne plus adhérer à une dynamique de partis politiques, signifie-t-il aussi remettre en question le modèle de la démocratie ? Seulement 51 % des jeunes s’y sentent très attachés.
Dans La Fracture, enquête de Frédéric Dabi sur les jeunes en 2021, les chiffres montraient d’ailleurs que la moitié des 18-30 voient d’un bon œil la possibilité d’un modèle autoritaire. L’idée que l’armée pourrait exercer le pouvoir rencontre en effet l’approbation d’un tiers des personnes interrogées.
À deux mois du premier tour, nos candidats et candidates à la présidentielle sauront-ils et elles combler le déficit de confiance et d’élan vers les urnes présent chez les jeunes ?
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Crédit photo : Nathan Dumlao via Unsplash
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