Je n’ai probablement pas besoin de le rappeler : à postes et profils équivalents, les hommes ont des salaires plus élevés que les femmes. De manière « structurelle », par une configuration — comment dire — sexiste de notre société, le travail de chacun•e n’est pas rémunéré de la même manière.
Le truc, c’est qu’une part de cette différence (une part, hein) pourrait être liée à nos propres comportements.
Nous aurions des prétentions salariales moins élevées que celles des hommes, et nous aurions également moins tendance à négocier des augmentations de salaire.
Pourquoi les femmes sont-elles moins bien payées ?
Dans un article pour Cerveau&Psycho, Nicolas Gueguen rappelle une recherche de Deborah Small : la chercheuse a proposé à des volontaires des deux genres de participer à une expérience.
En contrepartie, Deborah Small propose une petite rémunération, et demande aux participant•es si celle-ci leur convient.
Je vous le donne en mille : 23% des hommes demandent une rémunération plus élevée… contre 3% des femmes. Ce « réflexe » féminin peut s’expliquer par plusieurs facteurs.
Les femmes sont socialement pénalisées lorsqu’elles négocient leurs conditions de travail.
D’abord, nous grandissons dans un monde sexiste et avons appris à nous comporter d’une certaine manière selon notre genre.
Nous avons acquis un certain nombre de règles (celles, par exemple, de faire passer les intérêts des autres avant les nôtres, ou liées à l’idée que négocier ce ne serait pas très féminin…).
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Ensuite, c’est peut-être un instinct de conservation.
De multiples expériences ont montré que les femmes qui demandent des salaires plus élevés, qui négocient, peuvent être perçues comme moins sympathiques, trop exigeantes…
En bref, les femmes sont socialement pénalisées lorsqu’elles négocient leurs conditions de travail ou lorsqu’elles partagent leurs ambitions professionnelles.
Pour établir une égalité professionnelle réelle, le changement doit être structurel, avant d’être individuel. Charge à la société et aux organisations de prendre cette question à bras-le-corps.
En attendant, en cette saison d’entretiens annuels, que peut-on faire, à nos petites échelles, pour mettre quelques chances de notre côté ?
Pour négocier son salaire, comprendre ses freins, envoyer valser l’autocensure
La première étape pour parvenir à travailler sur tout ça, c’est sans doute de prendre le temps de comprendre comment fonctionne notre société.
Nous évoluons dans des milieux professionnels qui ne jouent pas forcément en notre faveur.
Prendre conscience que les inégalités existent, que nous n’avons pas acquis le réflexe de la négociation, et que nous avons intériorisé qu’il est mal perçu, pour une femme, d’avoir de l’ambition professionnelle…
Cela constitue déjà un premier pas — qui nous permettra de nous éloigner un peu de nos tendances à l’autocensure !
Pour négocier son salaire, plancher sur notre estime de soi
Pourquoi les hommes, parce qu’ils sont des hommes, seraient meilleurs au boulot ? Ils ne le sont pas : nous sommes tout aussi capables — et c’est bon de se le répéter.
Nous pouvons tous parvenir à nous voir de manière bienveillante.
C’est aussi bon de faire le point sur nos maux : êtes-vous une adepte du syndrome de l’imposteur ? Avez-vous la vilaine tendance de l’autodépréciation ?
Si c’est le cas, on peut se remémorer que l’autodépréciation n’est pas irréversible, et que nous pouvons parvenir à nous percevoir de manière bienveillante !
Un tas d’exercices peuvent vous aider à cultiver une bienveillance vis-à-vis de vous-mêmes :
- Adopter une posture de pouvoir pour quelques minutes peut donner un coup de boost à notre confiance,
- Tout serait une question de métacognition,
- La psychologie positive regorge de conseils sur le sujet,
- Et les madmoiZelles vous donnent de bons conseils…
Pour négocier son salaire, préparer l’entretien (et s’exercer)
Pour préparer un entretien professionnel, les psychologues proposent de réfléchir à ce que nous avons réussi professionnellement, ce qui est motif de satisfaction pour nous, ce qui nous a posé des difficultés…
Préparez-vous à parler d’argent et n’ayez pas peur de négocier.
Si vous avez le sentiment d’avoir échoué, raté, si vous n’avez pas atteint l’un de vos objectifs, pas de panique : les échecs font partie d’un processus, et vous saurez sans doute en tirer des enseignements.
Vous pourrez le mettre en valeur lors de la discussion avec votre N+1 !
Avant le moment fatidique, nous pouvons également penser à nos souhaits en termes de rémunération, d’augmentations, de tâches, de promotions, de nouveaux objectifs, de conditions de travail… Être au clair avec nos envies nous aidera à négocier !
Dans la mesure du possible, préparez-vous à parler d’argent : si elle existe, jetez un œil à la grille des salaires de votre société, et prenez connaissance des documents mis à disposition par votre comité d’entreprise pour « prendre le pouls ».
À lire aussi : Quelles questions poser à la fin d’un entretien d’embauche ?
Si nous souhaitons négocier une augmentation salariale, ou une prime, nous aurions également tout intérêt à la justifier, à valoriser nos réussites, nos évolutions… Bref, à expliquer qu’il est légitime pour nous de la demander.
Et si on me refuse mon augmentation ?
Bien sûr, il est possible que l’augmentation dont vous rêvez ne soit pas réalisable cette année (parce que l’entreprise rencontre une difficulté, ou pour d’autres raisons plus ou moins reluisantes) — pensez alors à un compromis.
Si une augmentation est refusée, est-ce qu’une prime est envisageable ? Est-ce qu’un changement d’échelon peut être prévu ?
Si nos demandes obtiennent des réponses négatives, restons concentrées : qu’est-ce que notre manager attend de nous pour atteindre cet objectif ? Que pouvons-nous faire ?
Il est probable que tout ne fonctionne pas du premier coup ; peut-être que vous parviendrez à évoquer une augmentation de salaire, mais que vous n’oserez pas relancer en cas de refus — on se rassure : c’est déjà une première étape… la pratique viendra avec l’exercice !
Lutter contre le sexisme et les inégalités salariales
Des recherches scientifiques suggèrent que les femmes peuvent parvenir à négocier de meilleurs salaires — mais, contrairement à nos homologues masculins, nous devrions faire attention à la manière dont nous négocions pour ne pas avoir à subir des jugements négatifs.
SUPER !
Les chercheuses Linda Babcock et Hannah Riley Bowles ont proposé à des volontaires de regarder plusieurs vidéos dans lesquelles des femmes, récemment promues, négociaient leur nouveau salaire.
Ces femmes utilisaient différentes techniques de négociation : elles mettaient en valeur leur préoccupation vis-à-vis de leurs relations professionnelles (en disant par exemple « les relations avec mes collègues sont très importantes pour moi »), ou parlaient de l’offre d’une autre entreprise (afin de « mettre en concurrence »), ou les deux…
Après avoir visionné ces vidéos, les participant•es à l’expérience partagent leur avis sur les négociatrices : comment perçoivent-ils/elles ces femmes ? Accorderaient-ils/elles l’augmentation demandée ? Aimeraient-ils/elles travailler avec elles ?
Selon les chercheuses, faire allusion à un autre job potentiel pourrait augmenter la probabilité d’obtenir une augmentation — mais, en même temps, il y aurait un coût social : nous serions ensuite perçues de manière plus négative.
En revanche, en mettant en valeur l’importance que l’on accorde à nos relations professionnelles, le coût social pourrait diminuer… voire, dans certains cas, disparaître.
À lire aussi : Les femmes disent moins « non » au travail… et si on s’y mettait ?
Autrement dit, pour que nos futures négociations salariales aboutissent, et pour limiter le coût social de la négociation, nous pourrions opter pour des stratégies différentes.
Linda Babcock et Hannah Riley Bowles soulignent que le sujet mérite amplement d’être creusé et, même si nous n’avons pas encore trouvé la technique parfaite : osons négocier.
Aider les femmes autour de moi à négocier leur salaire
Vous pouvez gommer les différences de traitement entre les femmes et les hommes.
Plus tard, si nous parvenons un jour à une position hiérarchique importante dans notre entreprise, nous pourrons essayer de ne pas perpétuer le système, de lutter contre les stéréotypes de genre, d’encourager les autres femmes dans leurs carrières !
Et si vous êtes manager, homme ou femme, pensez-y, pensez-y vraiment : à votre niveau individuel, vous pouvez gommer les différences de traitement entre les femmes et les hommes, vous pouvez créer un environnement de travail où les femmes, comme les hommes, peuvent demander et recevoir de manière égale.
Vous pouvez les conseiller, les encourager à demander ce dont elles ont besoin pour atteindre leurs objectifs professionnels.
Des études suggèrent que, dès que les femmes bénéficient de ce type de conseils, elles répondent immédiatement et comprennent très rapidement qu’il est possible de négocier.
Pour aller plus loin…
- Un article de Nicolas Gueguen pour Cerveau&Psycho
- Négociation et genre : l’approche « contextuelle » en psychologie sociale
- Nice Girls Don’t Ask, un article anglophone qui envoie du bois
À lire aussi : Comment perçoit-on l’argent ? Peut-il faire notre bonheur ?
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Les Commentaires
J'essaye d'écrire un blog sur les demandes d'augmentation et j'aimerais bien votre retour, il n'y a rien à vendre c'est qu'un article mais je ne sais pas si cela est intéressent ou pas.
http://vache-a-lait.pro/est-ce-que-je-demande-trop/
Est-ce que vous avez des avis?