La marque Shein crée souvent l’actualité. Quand elle s’inspire d’un peu trop près de grands et petits noms de la mode. Par ces promesses qui fleurent bon le greenwashing. Par ces centaines de nouvelles références par semaine. Par sa capacité à miser beaucoup sur le marketing d’influence pour cibler une audience toujours plus jeune grâce à des fringues à des prix si petits qu’ils impliquent forcément de piètres conditions professionnelles et sociales pour les ouvrières qui les confectionnent. Alors dans ce contexte, rien d’étonnant à ce qu’un vent de panique ait pu secouer une partie des réseaux sociaux ces dernières semaines face aux étiquettes d’entretien de vêtement de Shein.
« Need your help » peut-on lire sur l’étiquette d’entretien de vêtements Shein
Depuis ce mois de mai 2022 au moins, circule sur TikTok plusieurs vidéos agglomérant différentes étiquettes attribuées à des vêtements Shein et comportant des messages pouvant ressembler à des appels à l’aide. Sorties de leur contexte, ces images sans source ni date ne semblent vraisemblablement pas correspondre à des pièces Shein à chaque fois.
C’est ce que viennent de confirmer deux médias de vérification de l’information : Snopes et Libération face à ce qui ressemblait fortement à la sensationnalisation d’une intox à des fins de viralité sur les réseaux sociaux.
Pourtant, cette fake news fact-checkée comme telle a eu le temps de conduire de nombreux autres internautes à vérifier les étiquettes d’entretien de fringues du mastodonte de l’ultra fast-fashion, fondé en 2008 et désormais valorisé à 100 milliards de dollars. Plusieurs personnes ont alors tiqué sur l’expression « Need your help » qui revenait souvent, pour de vrai cette fois.
Une mauvaise traduction pour appeler à utiliser un détergent doux
Isolée ainsi, la formule a pu inquiéter quant aux conditions de vie des ouvrières textile qui confectionnent ces vêtements. Mais quand on prend la phrase dans son ensemble, on peut vraisemblablement penser qu’il s’agit plutôt d’une mauvaise traduction :
« Vous avez besoin de vous aider [need your help] d’un détergent doux afin de laver pour la première fois votre article. »
La marque elle-même a fini par devoir expliquer qu’il s’agissait d’une formulation maladroite à cause d’une mauvaise traduction, à travers une vidéo publiée le 1er juin 2022 sur TikTok :
Mais même s’il s’agissait d’une fake news favorisée par une mauvaise traduction sur des étiquettes d’entretien de vêtements, cela ne veut pas dire pour autant que les conditions de travail des personnes qui confectionnent les vêtements Shein sont irréprochables.
Derrière l’intox, un vrai manque de transparence de Shein
Rappelons en effet le rapport édifiant de l’ONG suisse Public Eye publié en novembre 2021 à ce sujet. Des enquêtrices locales ont investigué dans la mégapole chinoise de Guangzhou, où se trouve le siège de Shein et ses principaux fournisseurs. Elles ont localisé 17 des plus de 1000 usines produisant pour Shein :
« Parmi celles-ci : de nombreux ateliers informels sans issues de secours et aux fenêtres condamnées, des conditions de sécurité aux conséquences fatales en cas d’incendie. Les ouvriers et ouvrières, qui proviennent des provinces les plus pauvres du pays, travaillent onze à douze heures par jour, avec un seul jour de congé par mois – soit plus de 75 heures par semaine. De tels horaires sont non seulement contraires au code de conduite de Shein, mais aussi à la législation chinoise. En travaillant ainsi pour eux – sans contrat, sans rémunération des heures supplémentaires ou pour un salaire à la pièce – les employé∙e∙s peuvent gagner jusqu’à 10 000 yuans (1400 francs suisses) dans les bons mois [environ 1400 euros, ndlr].
Nous avons trouvé des conditions similaires dans l’immense centre logistique de Shein, à une heure de Guangzhou, qui emploie plus de 10 000 personnes. Le site fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Pour tenir ce rythme, les travailleurs et travailleuses doivent généralement trimer 12 heures par jour, 24 à 28 jours par mois. »
Depuis la publication de ce rapport, Shein a promis d’œuvrer pour de meilleures conditions de travail. Mais à l’heure actuelle, sa chaîne d’approvisionnement (c’est-à-dire le chemin parcouru de la production des matières premières à la confection des vêtements, en passant par la transformation, la teinture, la logistique que tout cela implique, avant de finir achetés) reste terriblement opaque. Nul besoin d’une mauvaise traduction d’étiquette sur Google Translate pour s’en inquiéter.
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Crédit photo de Une : © capture d’écran TikTok et Twitter.
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