François Cahen est professeure de français dans un lycée, depuis 20 ans. Elle a interpellée la ministre de l’Éducation Nationale, Najat Vallaud-Belkacem, par une pétition qui soulève un problème déjà dénoncé par une lycéenne en 2014 !
L’enseignante explique sa démarche dans un billet publié sur son blog :
« Le gros souci, c’est que depuis 20 ans que j’enseigne au lycée, pas une auteure femme n’a été au programme de littérature en terminale L. Je ne demande pas la parité. Mais qu’il y ait au moins UNE femme en 20 ans, ce ne serait pas complètement fou, non ??! Pour un type de classe composé en majorité de filles et des profs qui sont majoritairement des femmes, quel message subliminal veut-on nous faire passer ?
Duras, Mme de Lafayette, Ernaux, Yourcenar, non, elles n’existent pas ??? Avec Bonnefoy, Jacottet, Quignard, la littérature contemporaine a souvent été à l’honneur. Mais avec de bons chromosomes Y. Les mêmes que ceux de la majorité de nos inspecteurs. […]
Si encore personne n’avait jamais signalé le problème… On pourrait penser à une maladresse, un petit oubli qui tiendrait à une forme de négligence étourdie, puisqu’un seul auteur change chaque année, dorénavant. (Même si le problème était le même quand nous avions 4 oeuvres à étudier par an!).
Une élève de terminale elle-même avait lancé il y a deux ans une pétition sur ce sujet, qui avait eu un grand retentissement. Car en plus, à l’époque, avec l’oeuvre d’Eluard et de Man Ray, Les Mains libres, nous avions au programme un recueil présentant une image de la femme qui pouvait poser question. »
Notons qu’en 2014, lorsque cette lycéenne avait interpellé le ministère de l’Éducation Nationale, c’était Benoît Hamon qui occupait le poste. Le même qui se disait « gêné » par l’éducation à l’égalité dans les écoles…
Comme Françoise Cahen le souligne, un nouvel auteur est ajouté au programme chaque année, et cette année, ce fut donc : pas une femme, non. André Gide. Ok super.
Koi ? Seriously?
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Une nouvelle pétition en faveur des autrices
L’enseignante a donc converti son texte en pétition sur le site Change.org, où il a récolté près de 20 000 signatures.
On est loin des records de la Loi Travail ou de la Directive Secret des Affaires, portée par Élise Lucet, mais cet écho a été suffisant pour retenir l’attention de la ministre de l’Éducation Nationale.
Najat Vallaud-Belkacem a répondu à l’interpellation sur Change.org. La ministre y rappelle tout l’intérêt qu’elle porte au sujet de l’égalité et de la place des femmes, notamment son attachement à la lutte contre les stéréotypes de genre (à travers les ABCD de l’égalité), mais également à promouvoir la parité dans les rectorats :
« Votre revendication s’inscrit totalement dans mon combat et il me semble important d’y apporter une réponse. »
Engagée et déterminée à « donner aux femmes toute leur place »
La ministre rappelle ensuite les critères de choix des auteur•es inscrit•es au programme du bac littéraire, et affirme sa volonté d’en ajouter un sur la représentation, afin de garantir leur place aux auteurEs (ou aux autrices !)
« Depuis 2002, la commission en charge du choix des œuvres inscrites aux programmes de littérature de la série littéraire n’a pas mis à l’étude une seule œuvre d’une auteure. […]
La commission prend en compte plusieurs critères dans le choix des œuvres : des critères d’ordre littéraire et esthétique, la longueur des textes, l’accessibilité et la difficulté des œuvres pour les élèves de terminale dans la perspective de l’examen, les choix effectués les années précédentes pour varier les approches (genres et périodes).
Je souhaite que désormais la place respective des auteures et des auteurs soit ajoutée à ces critères afin que les œuvres des auteures femmes puissent être étudiées. Un travail de sensibilisation sera par ailleurs mené afin que ce critère soit aussi retenu dans le choix des textes sélectionnés pour les sujets d’examens. »
La ministre conclut par l’assurance de son engagement sur ce sujet :
« Vous pouvez compter sur ma détermination et mon engagement pour donner aux femmes toute leur place. »
Comme quoi, signer des pétitions quand les élu•es et les représentant•es sont à l’écoute, ça peut être très productif !
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