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Culture

Vous connaissez la Dame blanche, mais avez-vous déjà entendu parler de la banshee ?

Vous avez forcément frémi d’effroi à l’évocation de la Dame blanche, cette créature annonciatrice de mort qui hante les routes. Mais on connaît moins la banshee, créature du folklore irlandais associée à plusieurs légendes urbaines similaires…

Article publié le 23 mai 2014

Aujourd’hui, je m’attaque à un thème mythologique complexe : la banshee. Je dis « complexe », non pas à cause du nombre de mots gaéliques impossibles à écrire que cet article implique, mais parce que la banshee (prononcez « banshie ») est une créature mythologique à la fois très présente dans l’imaginaire collectif… et inconnue au bataillon.

C’est la magie des légendes : des histoires si vieilles qu’on les a répétées, étirées, déformées, adaptées… au point d’oublier ce qu’elles racontaient à l’origine.

Comme le leprechaun ou les pixies, la banshee est parvenue jusqu’à nous au travers des folklores irlandais et écossais, restés très riches en légendes grâce à un terreau celtique déjà fertile.

Dépeinte comme une créature féminine annonciatrice de mort ou de mauvais présage, on est tenté de dire que c’est elle qui est à l’origine des légendes urbaines telles que la Dame Blanche, ou les auto-stoppeuses fantômes.

Je vous propose donc d’essayer de remonter dans le temps et dans les perceptions de la banshee. Puisque c’est de mythes et légendes qu’on parle, vous vous doutez bien que je ne vais pas vous apporter UNE réponse. Mais le simple fait de se pencher sur un bout de folklore gaélique ramène inéluctablement aux vieux mythes et croyances celtiques.

La banshee : un esprit et surtout, un cri

On en sait peu sur l’apparence, ou la nature, de la banshee. Elle serait un esprit, une femme-fantôme qui erre sur les landes… Bon, j’en rajoute un peu avec mes landes, d’autant qu’on ne sait pas d’où elle sort, ni ce qu’elle fait de ses journées. Mais prenons les choses dans l’ordre.

La banshee telle qu’on la connaît nous vient des croyances populaires d’Irlande, en dépassant pas mal sur la Grande-Bretagne (la tradition était par exemple très forte en Écosse). Les histoires n’ont pas toutes les mêmes détails, mais c’est plutôt normal, compte tenu du fait que les traces les plus anciennes de cette légende remontent au Moyen Âge !

Ce qui caractérise la banshee, c’est son cri à vous glacer le sang — car lorsque la créature se fait entendre c’est que la mort est proche. Ambiance, hein ? Imaginez, un petit village irlandais perdu dans les brumes. Une famille dîne tranquillement, lorsque soudain retentit dans la nuit un hurlement horrible qui, vous le savez, annonce une mort…

Et là PAF, non, c’était une blague de tonton O’Brian ! Quel bout-en-train celui-là.

Revenons à nos moutons. La banshee est décrite comme une messagère de la mort, qui prédit et annonce un décès par son cri. On appelle ce dernier le caoine (ou keening en anglais), un terme qui désigne en gaélique une complainte, un cri de lamentation.

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Camila Quintero Franco via Unsplash

Il ferait référence à une vieille tradition des peuples gaéliques où l’on pleurait littéralement les morts — ce qui n’est pas sans faire penser aux pleureuses de la Grèce ou l’Égypte antique, qui accompagnaient les rituels funéraires avec des larmes et hurlements de douleur très travaillés.

La banshee, celle qu’on entend sans la voir

La banshee serait-elle une créature issue de ce rituel ancien, ou l’inverse ? Elle demeure en tout cas la femme surnaturelle de mauvais présage, et son cri est un long gémissement annonciateur d’un malheur, à la fois triste et inquiétant. Les légendes parlent plus souvent d’entendre la banshee que de la voir, mais lorsque cela arrive, elle est tour à tour une belle jeune femme à la peau pâle, et une très vieille femme chez qui tout semble sur le point de se décomposer, hormis son regard ardent.

Dans l’ensemble, elle est rarement avenante. Un effet « Cassandre » sans doute, qui fait que personne ne veut se prendre un mauvais présage dans la face. Mais en bonne créature mystérieuse et évanescente, la banshee aurait surtout la capacité de changer d’apparence… tout en demeurant une femme.

Notez bien que la croyance n’impliquait jamais que la banshee provoquait elle-même la mort : elle n’est jamais que la messagère. Et si on remonte un peu dans les traditions, on s’aperçoit qu’elle n’est pas toujours une figure négative. Lors de grandes batailles, elle annonçait la mort des hommes au combat, et les protégeait lors de leur passage vers l’Autre Monde.

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La banshee, par Thomas Crofton Croker

Ainsi, la croyance qu’une banshee veillait sur chaque famille (ou au moins les plus prestigieuses, à la niche les pauvres) a persisté pendant longtemps. Et dès qu’un membre de la famille était sur le point de mourir, son cri sonnait l’heure de la séparation, et on savait qu’elle serait là pour accompagner le défunt dans son Dernier Voyage. Avec des majuscules, oui.

Bonne ambiance ! Il faut dire aussi qu’on parle d’une créature fantastique qui tire ses racines de croyances païennes dont la conception de la mort était un peu différente de la nôtre. Sans vouloir insinuer que c’était plus gai chez eux, avant toute influence du christianisme la notion de « passage » vers un autre monde avait une signification différente. Mais d’où je sors que la banshee a quelque chose à voir avec tout ça ?

On ne sait pas à quand remonte la première évocation de la banshee. Il devient difficile de retrouver des traces écrites avant le VIIIème siècle, et déjà à ce moment-là tout n’est que spéculations, comparaisons et hypothèses. Son nom, pour commencer : banshee est l’orthographe la plus courante aujourd’hui, mais aussi une des plus modernes. On retrouve également bansith, bean sí, bean sidhe, bansidh

Malgré les apparences, ça se prononce de la même manière : ban-shi. Quant à l’étymologie, on a ban/bean pour « femme » en gaélique, et sí/sidh/shith qui désigne un tertre, ou de manière plus cryptique, l’Autre Monde. « Femme du tertre », ou « femme de l’Autre Monde », donc.

Le « sidh » dans la tradition celte, ou le tertre, le monticule, les collines… fait référence au « peuple des monticules », ou « petit peuple ». Ceux qu’on appelle les sidhe-folk en anglais, aos sidhe en gaélique, sont les créatures surnaturelles que l’on apparente aujourd’hui aux fées, mais qui comprennent également les nains, les gnomes, les lutins… Bref, toutes ces créatures de l’Autre Monde, les petits esprits ou « elfes ». En ceci, la tradition celte est très proche de la tradition scandinave.

On a tendance à oublier aujourd’hui que « fée » ou « fae » n’a pas toujours désigné une belle madame gentille ou la jalouse fée Clochette. Le peuple du sidh ne répond pas aux notions de bien et de mal de la tradition judeo-chrétienne. Il est lié au monde souterrain, ce qui correspond symboliquement à l’Autre Monde celtique.

Cet autre monde, où vont les Hommes à leur mort, n’a pas grand-chose à voir avec le paradis chrétien. Plutôt que de se situer dans une réalité distante, l’Autre Monde se mêle au nôtre comme un univers parallèle que l’on peut pénétrer à tout moment par inadvertance (oups).

Avec une telle vision des choses, pas étonnant que les légendes celtiques soient si riches ! Êtres humains et êtres du sidh se croisent, avec tout ce que cela implique, et les tertres et les collines apparaissent comme des ouvertures sur ce monde parallèle.

Comme un lien entre les deux mondes

Aux tunnels souterrains s’ajoute l’eau, qui est un lieu de passage comme on l’a vu avec les sirènes. Mers, rivières, ou encore lacs… Souvenez-vous de la fée Morgane, la Grande Prêtresse d’Avalon qui fait passer les défunts. L’île d’Avalon figure également dans beaucoup de légendes comme un morceau de l’Autre Monde à la fois proche et distant de notre monde physique.

Nombreuses sont les légendes qui racontent les relations entre mortels et êtres surnaturels, qui sont des contes sur le passage, des allégories sur la mort. Et s’il n’est jamais certain que le lien entre la banshee et la bean-sidh, la femme de l’Autre Monde, est avéré, avouez qu’il est tentant ! De par sa nature, la « messagère de la mort », la pleureuse, ferait office de médiatrice entre les deux mondes, voire de passeuse.

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Avec Morgane, et même les Valkyries, ça commence à en faire, des femmes passeuses, dans la mythologie ! Il est vrai que l’on retrouve souvent ce rôle de protectrice un peu divine conférée à la femme, et… Oserais-je ?

Dans les nombreuses spéculations apparentées à la banshee, il a été avancé que Badb serait l’une de ses étymologies. J’ignore si Badb se prononce « Bob » ou « Badeubeu » parce que je suis toujours aussi nulle en gaélique, mais c’est en tout cas l’un des noms de la déesse celtique Morrigan.

Ah, comme le monde est petit, dans la mythologie !

Quelques sources pour aller plus loin…

À lire aussi : Je suis chasseuse de fantômes, et c’est très sérieux — Témoignage

Crédit photo : Steinar Engeland via Unsplash


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