Pendant la majeure partie de ma vie j’ai été très myope. Pour expliquer ma situation aux gens qui voient bien, j’avais l’habitude de dire que regarder avec mes yeux, c’était un peu voir le monde sous la forme d’un tableau impressionniste.
Des couleurs, de la lumière et beaucoup de taches qui finissaient, parfois, par ressembler à des formes approximatives.
Et même si j’ai bien conscience qu’il y a des choses bien plus graves que d’être bigleuse, ce n’était pour autant pas agréable du tout. À vrai dire je l’ai toujours vécu comme une sorte de maladie à guérir. Et j’ai fait ce que j’ai pu pour ça.
La myopie, cet obstacle permanent
Je faisais partie de ce que les spécialistes appellent « les grands myopes », atteignant au début de mon âge adulte un pic à -8,75 dioptries.
Sauf qu’en fait, ma myopie s’est développée dès l’âge de 4 ans et demi. Autrement dit, à 5 ans je portais déjà des binocles. Tout le temps hein, pas juste pour lire ou des trucs comme ça. À vrai dire, je n’ai aucun souvenir de l’époque où je n’avais pas besoin de lunettes, il me semble que ça a toujours été une partie de mon quotidien.
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Le premier réflexe d’une personne myope, c’est de saisir ses lunettes le matin et c’est aussi le dernier geste de la journée. Il m’est arrivé parfois de les poser ailleurs (erreur fatale !) ou de les faire tomber dans mon sommeil, je ne vous raconte pas la galère le matin.
Allez donc chercher un truc transparent et fin en ne voyant que dalle !
Je n’ai aucun souvenir de l’époque où je n’avais pas besoin de lunettes.
Pour plaisanter, je disais à mes ami•es que je n’aurais pas à m’inquiéter d’une apocalypse de zombies vu que je me ferais dévorer dès que mes lunettes tomberaient de mon pif. Ou je tomberais bêtement dans un fossé…
Ce n’était pas loin de la vérité. Ma capacité à me déplacer normalement, à lire ou à regarder la copie de mon voisin de devant… tout dépendait de ces maudits bouts de verre.
J’ai aussi eu beaucoup de personnes de mon entourage qui ne vivaient pas mal le fait d’être myope, mais pour moi c’était juste un boulet que je me trimballais à la cheville en toute circonstance.
Du coup j’avais décidé que je n’étais pas d’accord.
L’avènement des lentilles pour corriger ma myopie
J’avais 10 ans et j’étais à ma visite annuelle chez l’ophtalmo, quand un début de solution s’est présenté.
Après mon énième ratage de ce foutu test d’acuité visuelle où il faut dire les lettres que vous discernez (je ne voyais que la plus grosse lettre, un E, et à force je la connaissais par cœur), j’ai annoncé avec aplomb que je ne comptais pas rester myope toute ma vie.
L’ophtalmo m’a alors expliqué (ainsi qu’à mes parents) qu’il était possible de se faire opérer une fois adulte, mais que la technologie ne permet pas de corriger avec fiabilité des dioptries plus fortes que -8.
Ce -8 est donc devenu mon seuil à ne pas dépasser. Sauf que voilà, la myopie c’est un truc de famille chez nous, et je partais avec un handicap : mon père est lui-même un grand myope dont les dioptries caracolent à -8.
Pour avoir la chance d’être un jour opérée, je devais porter des lentilles.
Pour mettre toutes les chances de mon côté, l’ophtalmo m’a parlé des lentilles. Mais pas les lentilles que vous connaissez. Je m’explique : il existe deux types de lentilles, les lentilles dites « souples » et celles dites « rigides » ainsi nommées en raison de leur aspect.
La plupart des gens connaissent les modèles souples — avec lesquels on fait notamment les lentilles colorées et fantaisie.
Ce dont la gentille doctoresse me parlait, c’était de lentilles rigides. C’est un peu comme des mini verres de lunettes, plus petites que les autres lentilles. Elles sont dures et courbes pour épouser la forme de l’œil. Et leur avantage majeur : elles pourraient peut-être ralentir la progression de ma myopie.
L’ophtalmo m’a prévenue qu’elles étaient difficilement supportées et peu de gens réussissaient à s’y faire. Ça ne m’a pas fait changé d’avis. En petite fille têtue, je m’étais dit que ce ne serait qu’un énième dragon à zigouiller avant d’arriver au trésor du château.
J’ai donc eu droit à un test, où la doctoresse m’a posé des lentilles. Résultat : une sensation désagréable d’avoir quelque chose sur les yeux, l’interdiction absolue et non négociable de les frotter, ou même de les toucher, et des envies de démangeaison. Malgré tout, ça ne m’a pas découragée…
Allez zou, c’était parti pour l’opticien !
Le quotidien d’une myope à lentilles
J’ai donc commencé à porter mes lentilles tous les jours, sauf le dimanche — pour reposer mes yeux. Ça demande un peu de temps et d’attention
, en tout cas plus que les lunettes. Je devais les rincer avant de les poser, et les nettoyer avec un produit spécial toutes les semaines.
C’est aussi plutôt fragile. Je me souviens qu’à peine un mois après avoir eu ma première paire, j’en ai cassé une dans le creux de ma paume en ne la manipulant pas assez délicatement. Bonjour la crise de larmes… (j’avais 10 ans et demi hein, ne me jugez-pas).
Les lentilles demandaient pas mal de discipline pour une enfant, et d’attention.
Mes yeux étaient mille fois plus sensibles avec mes lentilles. La moindre poussière, le moindre coup de vent et crac ! Je me retrouvais avec la larme à l’œil (littéralement, et souvent un seul ce qui fait un résultat très étrange), gonflé et rougeoyant avec un mal de chien.
Bref, les lentilles demandaient pas mal de discipline pour l’enfant que j’étais. Mais la perspective de me maintenir au début des fatidiques -8 dioptries me motivaient. Sans compter qu’étant plutôt studieuse, le combo lunettes + bonne élève m’avait évidemment valu l’étiquette d’intello, dont je me passais très bien avec mes lentilles.
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Mes lentilles, entre galères et fierté
Devant mon succès sur ces lentilles, mon père et ma petite sœur ont tous deux décidé de sauter le pas et se mettre eux aussi aux lentilles rigides. Aucun des deux n’a réussi à franchir le cap, à cause de l’inconfort. Je les comprends, et ce n’est pas le seul inconvénient…
Je n’avais pas le droit de les porter pendant mes heures de sport. Car contrairement aux lentilles souples, elles sont annuelles et en quelque sorte « faites sur mesure » comme les verres de lunettes.
Elles coûtent donc chères et sont longues à remplacer (et autant dire que ce n’est pas la Sécurité Sociale qui mettait la main à la poche, mais la mutuelle de mes parents).
Pourtant il m’est déjà arrivé d’en perdre ou de manquer d’en perdre à plusieurs reprises. Je me rappelle qu’un jour, en retard pour les cours, j’ai piqué un sprint et la petite boule en plastique de mon blouson a heurté mon œil, faisant tomber la lentille. Je ne l’ai évidemment jamais retrouvée…
Un autre jour, je ne sais pas trop comment, mais en battant des paupières ma lentille a sauté, pour atterrir sur le sol quelque part… J’ai passé 10 minutes le nez dans la poussière et les baskets qui puent, mais j’ai fini par la retrouver.
Même si les lentilles coûtent cher, il m’est déjà arrivé d’en perdre.
Bref ça a été un bon nombre de galères, et j’avais parfois une relation d’amour-haine avec elles. En parallèle, j’ai porté des lentilles souples pour les heures de sport et la piscine (et, je l’avoue, les vacances d’été, rapport que la flemme…).
Si vraiment tu ne vois rien et que les lunettes ce n’est pas possible, tu peux à la rigueur porter des lentilles souples quotidiennes (jetables) juste le temps de te baigner, avec des lunettes de piscine pour limiter les risques.
Renseigne-toi auprès de ton opthalmo lors de ta consultation.
En revanche, les lentilles restaient une bonne substitution aux lunettes, par exemple pour la vision périphérique ou quand il fallait mettre des lunettes de soleil…
Il n’y a pas que des désavantages, loin de là, celles et ceux qui ont toujours des traces de doigts sur leurs lunettes comprendront de quoi je parle.
De mes lentilles à l’opération, la délivrance
À l’âge de 24 ans vint l’heure du jugement : après 14 ans de lentilles rigides portées avec beaucoup de rigueur (et d’effort), est-ce que j’avais dépassé le seuil ? Spoiler alert : oui, j’étais à -8,75 dioptries. Sauf que…
La technologie avait eu le temps d’évoluer pendant ces 14 ans pour développer une seconde technique d’opération chirurgicale : le Lasik. Si vous voulez en savoir plus sur la première technique, le laser Excimer, c’est l’opération que Fab a subi et qu’il décrit dans son article sur l’opération myopie au laser.
Les myopies fortes peuvent être corrigées au Lasik. Il faut remplir certains critères (tension dans les yeux, épaisseur de la cornée…) mais s’ils sont bons, l’opération a de bonnes chances de corriger entièrement la myopie.
Vu mon état, j’ai choisi (avec l’accord de mes parents, qui souhaitaient m’aider à financer l’opération) d’aller à la Fondation Rothschild, considérée comme l’un des meilleurs centres de Paris.
Et c’est dans le plus grand des calmes que le chirurgien m’a annoncé que j’étais opérable, sans trop comprendre que ça faisait 14 ans que j’attendais d’entendre ça.
C’est dans le plus grand des calmes que le chirurgien m’a annoncé que j’étais opérable.
Pour tout dire, l’opération coûtait cher : 3 000€ en tout. La mutuelle de mes parents prenait heureusement en charge les ⅔ du coût et ma famille s’est cotisée pour m’offrir mon plus beau cadeau d’anniversaire.
Et aujourd’hui je vois très bien, plus de lentilles, plus de lunettes… Quand je repense à toutes les galères qui régissaient mon quotidien quand j’étais encore myope, j’ai encore du mal à me dire qu’aujourd’hui j’économise tout ce temps, cette énergie et cet argent.
Comme quoi, il est plus facile de se plaindre quand ça ne va pas que de se rendre compte que les choses vont bien. La disparition de ce que je considérais comme une maladie a laissé de la place… pour penser à autre chose.
C’est d’ailleurs assez impressionnant la vitesse à laquelle on s’habitue à bien aller et à ne plus avoir de défaut de vision. Les premiers matins je me réveillais avec un grand sourire. Maintenant ça me fait encore sourire, mais ça me fait surtout ronchonner quand je vois l’heure sur mon réveil !
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Les Commentaires
Je souhaite intervenir sur ce sujet qui me touche personnellement, en qualité de présidente de l'association SOS Syndrome de l'Oeil Sec et étant moi-même myope et atteinte d'une sécheresse oculaire sévère liée à une maladie appelée rosacée oculaire.
Je ne nie pas les désagréments et le handicap que peut engendrer une forte myopie, mais je souhaiterais vous alerter sur la chirurgie réfractive (opération de correction de la myopie) qui sont trop banalisées et qui peuvent engendrer des effets secondaires TRES handicapants, sans une réelle information préalable des patients ! Il s'agit avant toute d'une opération esthétique qui touche nos yeux, soit l'un des organes les plus sensibles et les plus précieux puisqu'ils nous servent pour quasiment tous au quotidien. Il est donc primordial de longuement réfléchir avant de s'engager dans une telle procédure.
En effet, l'un des effets secondaires potentiels de la chirurgie réfractive est la sécheresse oculaire . Il s'agit d'un effet secondaire fréquent puisqu'il concerne entre 23,90% et 50% des patients opérés (source: https://ansm.sante.fr/dossiers-them...s-et-complications-liees-a-la-chirurgie-lasik).
C'est un effet secondaire très bien connu par les praticiens mais qui est trop souvent banalisé comme induisant peu de contraintes. Si une légère sécheresse oculaire peut, en effet, être asymptomatique ou peu symptomatique et donc peu gênante, un nombre non négligeable de patients opérés vont développé une sécheresse modérée voire sévère (ou aggravé une sécheresse préexistante). Etant précisé qu'environ 6% des patients opérés développent une sécheresse modérée ou sévère.
Or, la sécheresse modérée à sévère peut être un véritable calvaire pour les malades au quotidien car il s'agit d'une maladie chronique qui ne se guérit pas à ce jour ! Concrètement qu'est-ce que la sécheresse sévère au quotidien ? Ce sont des douleurs parfois très fortes et permanentes avec des sensations de brûlures, de "coups de couteau dans les yeux", qui ne sont pas soulagés par les collyres, neuropathie cornéenne, une hyper sensibilité à la lumière voire une photophobie qui peuvent empêcher de travailler sur écran, de sortir dehors (soleil), d'aller dans des magasins (néons), de conduire la nuit (phares)..., une hypersensibilité à tous types d'émanations (vent, parfums, fumée, clim, chauffage, etc), l'impossibilité de se maquiller...
Ces symptômes peuvent donc être très handicapants au quotidien pour les malades dans toutes les sphères de leurs vies (au travail avec les écrans, les lumières, les émanations, dans la vie privée ne plus pouvoirs côtoyer de fumeurs, aller dans des bars, au cinéma, etc). En pratique, beaucoup de patients opérés ayant développé ces effets secondaires se retrouvent totalement démunis et désespérés, enchainent les arrêts maladies car ne pouvant plus travailler sur écran, sombrent dans la dépression, etc.
A ce jour, il n'existe pas de traitement curatif de la sécheresse oculaire donc il est primordial de prévenir une aggravation et d'éviter le développement de ces maladies en évitant des opérations esthétiques non nécessaires.
Je m'adresse tout particulièrement aux personnes qui envisagent une opération de la myopie car elles ne supportent pas ou plus les lentilles de contact. L'un des symptômes de la sécheresse oculaire est justement de ne pas supporter le port de lentille donc si vous présentez déjà une sécheresse oculaire, il s'agit d'une contre-indication absolue à la chirurgie réfractive !
Les ophtalmologues sont parfois trop peux scrupuleux et n'alertent pas suffisamment sur les contre-indications et les effets secondaires de la chirurgie réfractive, car il s'agit d'une opération très rémunératrice pour eux.
J'ai moi-même plus le constater encore récemment : atteinte d'une forte sécheresse oculaire depuis 4 ans très handicapante pour moi (je travaille à temps partiel à cause de ma maladie), je porte des lunettes tous les jours et des lunettes à chambre humide pour pouvoir travailler sur ordinateur sans avoir trop mal. Lors d'un RDV dans un centre d'ophtalmologie faisant partie d'un réseau implanté dans toute la France, dont je tairais le nom, l'orthoptiste qui prenait mes mesures à insister pour me parler de l'opération de chirurgie réfractive (je n'avais rien demandé). Je lui explique que c'est une contre-indication dans mon cas vu que j'ai une sécheresse oculaire sévère. Il a quand même insisté pendant de longues minutes pour que je vois un médecin afin de savoir si j'étais opérable...
On n'a qu'une paire d'yeux donc réfléchissez bien avant de prendre une telle décision !
Si vous souhaitez plus d'information sur la sécheresse oculaire ou notre association, n'hésitez pas à consulter notre site internet : https://sos-syndrome-oeil-sec.org/
Bonne journée