Musique pop et féminisme, c’est une histoire de longue date.
Dans les années 80, Madonna pousse ses premières notes à résonance internationale dans les années 80 (c’est avec Like a Virgin qu’elle se fait véritablement connaître), celles-là mêmes qui sont venues heurter la sensibilité des plus prudes en revendiquant une image sexy, provocante – et qui mène les hommes par le bout du nez.
Les femmes dans la pop n’ont pas besoin des hommes : c’est ce que revendiquent les sulfureuses Pussycat Dolls quand elles s’époumonent I don’t need a man, ou Beyoncé qui demande à qui veut bien l’entendre Who run the world ? Je vous le donne en mille : les filles bien sûr.
Comment la musique pop éduque son public
La musique pop est l’une des plus fédératrices.
Si je vous demande de me citer une superstar contemporaine de la musique, il y a fort à parier que vous serez nombreux•se à mentionner Britney Spears, Taylor Swift, Katy Perry, Selena Gomez ou encore Ariana Grande.
La musique pop a aussi la particularité et la force de toucher énormément de gens différents, avec une prédominance toutefois pour les jeunes, les adolescent•es et pré-adolescent•es, qui en plus d’être en pleine croissance sont accessoirement en pleine construction morale.
Ces adolescent•es sont en quête d’identification, à la recherche de modèles. Alors défendre des valeurs féministes dans des chansons pop permet du coup de planter une petite graine dans l’esprit d’un grand nombre de personnes.
Le féminisme, ça s’apprend aussi (et surtout) par la culture.
La musique pop donne une autre vision de la séduction
Puisque je suis définitivement quelqu’un de curieux et d’un peu devin, si je vous demandais quels étaient pour vous les thèmes les plus abordés par la musique pop, je suis aussi à peu près sûre que vous me citerez l’amour, les ruptures, la séduction.
Et ça n’est pas anodin ! Les popstars viennent leur apporter une dimension nouvelle.
Si certains artistes hip hop tendent à mettre en avant des mecs friqués, ardemment désirés par des dizaines de filles quasi nues qui adorent l’argent et de nettoyer des voitures avec plein de mousse dégoulinant sur leurs seins, du côté de la pop, c’est une autre ambiance.
Les popstars revendiquent une émancipation de la gente masculine. Ça n’en fait pas non plus des chansons castratrices ou anti-hommes ! Certaines tournent autour d’une forme de jeu de soumission, mais délibérée, consentie.
Les chansons de rupture ne sont quant à elles plus uniquement des titres larmoyants et plein de regrets.
Beyoncé balance à son ex que ça doit craindre d’être lui vu ce qu’il perd dans The Best Thing I Never Had, les Little Mix balancent sur les leurs, en revendiquant qu’elles sont devenues de meilleures personnes depuis leur séparation dans Shout out to my ex, et Nicole Sherzinger préfère prévenir le sien qu’elle ne reviendra.
Bim !
Ode à la solidarité féminine dans la musique pop
D’un côté, les popstars se libèrent dans leur musique d’une éventuelle dépendance masculine, de l’autre, elles en appellent de plus en plus à la solidarité entre femmes.
Il n’est pas question de se marcher sur les pieds, de céder au slut-shaming, mais bien de se serrer les coudes.
C’est le cas par exemple du dernier titre d’Hailee Steinfeld, Most girls, qui célèbre le droit des femmes d’être ce qu’elles ont envie d’être, ou des Fifth Harmony quand elles s’encouragent à reconnaître leur valeur dans That’s my girl.
La réappropriation de la sexualité féminine dans la musique pop
La musique pop est perçue comme celle qui impose une hypersexualisation régulière des femmes, traitées comme produits commerciaux à qui l’on impose des tenues sexy pour flatter l’œil des messieurs.
Madonna en avait parlé lors de son discours au Billbord Women in Music 2016 :
N’ayez surtout pas d’opinion qui soit différente du statu quo. Vous avez le droit d’être traitée comme un objet, et de vous habiller comme une salope, mais pas d’assumer d’en être une.
Aujourd’hui, à bien y regarder, elles sont en train de renverser ces mêmes codes sexuels pour se les réapproprier.
C’est souvent pour s’affirmer en tant que femme libre et assumée que des artistes ont choisi d’exalter une image sensuelle (sexuelle) d’elle-même.
C’est particulièrement évident pour des artistes issues des chaînes de télévision pour la jeunesse.
On pense aux polémiques suscitées par Miley Cyrus, qui avait bien renversé son côté lisse d’Hannah Montana en se mettant à lécher des marteaux et à se balancer nue sur des boules de démolition.
Ça a aussi été le cas d’Ariana Grande, révélée par la chaîne pour enfants Nickélodéon, qui s’était d’ailleurs exprimé à ce sujet sur Twitter il y a quelques mois après avoir été victime de slut-shaming :
Intégrer la sexualité dans l’expression de son art n’est pas une invitation au manque de respect ! De la même façon que porter une mini-jupe n’est pas une invitation à l’agression sexuelle.
La sexualité devient un art (culturel et de vivre), et non plus une nécessité commerciale.
Comment la musique pop est au cœur de l’évolution de la société
La musique pop est au plus près de l’évolution des mentalités. Prenons les Little Mix, à qui j’avais accordé tout un article il y a quelques semaines.
Sans doute n’apportent-elles rien de révolutionnaire dans leur musique en elle-même (ce qui ne la rend pas moins efficace pour qui aime le genre).
Mais quand elles s’attaquent dans leur chanson Boy à la question des relations toxiques en donnant des clés pour s’en sortir, faut-il vraiment faire preuve de snobisme musical à leur égard ?
C’est surtout une bonne chose qu’aujourd’hui, on puisse compter sur une armée de chanteuses pop, toujours plus nombreuses et prêtes à s’attaquer à des thématiques quotidiennes pas toujours évidentes, voire encore tabous.
Que revendiquer un girl power ne soit plus original est finalement la meilleure des nouvelles !
En plus, les artistes pop s’attachent aussi à défendre des causes et prendre position au sujet de préoccupations contemporaines/
Miley Cyrus a monté sa fondation pour aider les sans-abris et personnes LGBT, ou Katy Perry s’en prend au rêve américain dans ses dernières chansons et n’hésite pas à tacler ouvertement Donald Trump – et on espère qu’elle ne sera pas la dernière.
La musique pop clame au plus grand nombre ce que murmure l’air du temps, et participe à faire évoluer les mentalités.
La musique pop, un symbole d’émancipation, de progrès… Et une cible?
Lundi 22 mai 2017, une attaque terroriste a eu lieu à l’issue d’un concert d’Ariana Grande, à Manchester. À l’heure où je vous parle, cet attentat suicide, revendiqué par Le groupe djihadiste Etat islamique, a causé 22 décès.
C’est le choc et l’émotion qui m’ont décidée à écrire aujourd’hui cet article. Même si les revendications restent vagues à ce stade de l’enquête, le choix de la cible me touche particulièrement.
En choisissant ce concert pour perpétuer cette barbarie, n’ont-ils pas délibérément visé la jeunesse, la fête, mais aussi la liberté d’être, l’émancipation sexuelle, le féminisme, et toutes ces valeurs fortes défendues par la musique pop ?
N’essaient-ils pas, en insufflant la peur, de briser une jeunesse libérée et décomplexée, porteuse d’espoir pour une société plus ouverte et aimante ?
Alors plus que jamais, laissons une place à ces artistes pop qui ont l’intelligence de nous faire danser tout en tentant, à leur échelle, de changer le monde.
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