La campagne précédant l’élection des maires et conseiller•e•s municipaux est essentiellement locale. Je te le dis sans rougir, je n’ai pas suivi les déclarations et promesses des quelques 926 068 candidats aux élections municipales des 36 000 communes françaises.
Mais il est néanmoins possible de faire son choix assez rapidement, par un processus d’élimination des candidat•e•s dont les valeurs sont fort éloignées des tiennes, voire carrément opposées aux tiennes.
Je te propose donc un petit guide, afin de savoir si les candidat•e•s en lice dans ta commune défendent les droits des femmes, sont favorables à la promotion de l’égalité, ou si, par exemple, ils soutiennent les revendications de La Manif Pour Tous.
De quoi faire un choix électoral libre et éclairé, en somme.
Ceux qui sont opposés aux droits des femmes
Si le maire de ta commune est déjà député, il serait utile de vérifier qu’il ne fait pas partie des élus qui se sont illustrés lors des débats sur l’IVG à l’Assemblée Nationale. Histoire de ne pas cautionner des propos que tu désapprouves fermement.
À propos d’avortement, n’oublions pas la grande « Marche Pour la Vie » du 19 janvier 2014, à laquelle certain•e•s politiques ont fièrement participé. Pour savoir si tes élus locaux ont participé à la manifestation anti-avortement (ou « pour la vie » selon la terminologie qu’ils ont choisie), leur étiquette politique peut être un premier indice !
S’il s’agit de membres du Parti Démocrate Chrétien, de proches de Christine Boutin, il y a de fortes chances pour qu’ils partagent son engagement. À la lecture du tract électoral du candidat, s’il est question de « défense de la famille » et de « retour à la tradition », la méfiance est de mise.
Ceux qui sont pour-l’égalité-mais-pas-trop
La parité est une obligation légale pour les listes présentées dans les communes de plus de 1 000 habitants. C’était déjà le cas depuis 2008 pour les communes de plus de 3 500 habitants, le seuil a été baissé à 1 000 habitants par la loi organique du 17 mai 2013 :
« Lors des élections municipales de 2014, les communes soumises au principe de parité seront plus nombreuses. En effet, les lois organique et ordinaire du 17 mai 2013 ont prévu que cette obligation, réservée jusqu’alors aux seules communes de 3 500 habitants et plus, s’impose désormais à partir du seuil de 1 000 habitants.
Cette modification concerne 6 550 communes. »
– Extrait du site Vie Publique
Si tu considères que la promotion de l’égalité reste une obligation morale, avec ou sans loi, la composition des listes présentées dans ta commune, devrait sans doute t’intéresser, quel qu’en soit le nombre d’habitants. Quelques indices à observer :
- Si la liste est composée d’une alternance homme/femme ou femme/homme : c’est bon signe.
- Si la liste comporte des femmes, mais pas dans les cinq premiers noms : c’est moyen.
- Si la liste comporte quelques femmes, essentiellement dans les derniers noms : ça sent la figuration.
- Si la liste est exclusivement masculine : lol.
Être une femme ou un homme n’est pas une compétence en soi, bien évidemment. Mais être favorable à l’égalité entre les hommes et les femmes est un engagement qui se démontre par la capacité à considérer que les hommes et les femmes sont également compétents. Si ça ne se voit pas sur la liste, c’est qu’il y a sans doute un loup quelque part…
Ceux qui sont contre l’égalité
Ce sont essentiellement les partisans du mouvement La Manif Pour Tous. En effet, certain•e•s candidat•e•s se sont engagé•e•s non seulement à revenir sur la loi Mariage Pour Tous, mais également à empêcher toutes les politiques visant à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes.
Ces candidat•e•s ont signé la Charte de La Manif Pour Tous, fièrement publiée sur leur site, et dont je retranscris ici les principaux points sur lesquels les candidat•e•s signataires se sont engagés :
C’est très bien fait, puisque la rédaction des premiers points ne laisse rien transparaître, sinon une bienveillance tout à fait honorable vis-à-vis de la famille — qui est effectivement l’une
des cellules de base de la société. Pas la seule, mais c’en est une, indéniablement.
L’élu•e s’engage donc à mettre en place une politique communale qui développe des services sociaux, sportifs et culturels, comme les cantines, les crèches, les transports et les clubs sportifs.
Le deuxième point vise à favoriser la solidarité intergénérationnelle, c’est également fort louable. Non, ce premier paragraphe ne pose pas de problème particulier. Passons au suivant :
Oui, encore heureux que les parents sont les premiers et principaux éducateurs de leurs enfants, l’État ne va pas éduquer vos mômes à votre place, hein. On dirait que la Charte sous-entend pourtant que ce n’est pas le cas…
Partant d’un postulat erroné, ce paragraphe ne pouvait qu’être discutable. Et on n’est pas déçu :
On apprend donc que la lutte contre les stéréotypes et pour l’égalité n’est qu’une couverture ! C’est vrai, c’est pas du tout pertinent comme objectif, d’abord l’égalité existe déjà entre les hommes et les femmes, n’est-ce pas ?
Voilà qui se passe de commentaire.
Je suis tout de même interpellée par la rédaction de ce deuxième point : ces personnes ont l’air d’entretenir une confusion entre l’expérimentation scientifique et l’expérimentation législative. Dans la seconde, il n’est pas question de scalpel et de dissection, je voudrais rassurer les parents. On ne va pas ouvrir le cerveau de vos enfants.
Une expérimentation législative consiste à ne promulguer un texte que sur un territoire déterminé, pour une période définie. À la fin de la période, on procède à l’évaluation des effets du dispositif, afin de décider si oui ou non on étend l’ensemble du dispositif à l’ensemble du territoire. Rassurez-vous, c’est indolore.
Mais continuons notre lecture, puisque nous avons gardé le meilleur paragraphe pour la fin !
« Abroger la loi Mariage et Adoption pour Tous »
L’intention est écrite en noir sur blanc. Les signataires de cette Charte s’engagent donc à soutenir les futurs candidat•e•s aux élections sénatoriales et à l’élection présidentielle afin d’obtenir in fine l’abrogation de la loi Mariage pour Tous.
Soulignons que la Gestation Pour Autrui n’a jamais été au programme et n’est pas défendue par la majorité. Rappelons que la Procréation Médicalement Assistée existe déjà pour les couples hétérosexuels. Le recours à la PMA a été multiplié par 2,5 au cours des huit dernières années. Interdire son accès aux célibataires et aux femmes en couple est une pratique discriminatoire, même si la France n’a pas encore été condamnée sur ce point par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
À la limite, ces questions auront une pertinence lors des élections au Parlement européen en mai prochain, mais pas aux municipales.
Mes candidat•e•s soutiennent-ils La Manif Pour Tous ?
Pour le savoir, rien de plus simple ! Il suffit d’utiliser l’outil mis en place par La Manif Pour Tous, dans lequel sont répertorié•e•s tou•te•s les signataires de la charte ! Un fort beau travail de restitution des données, qu’il convient de saluer comme il se doit. Et vous allez voir, l’interface est très bien faite.
Il suffit d’entrer son code postal pour savoir quel•le•s sont les élu•e•s et les candidat•e•s qui ont signé la Charte Manif Pour Tous. Prenons par exemple la ville de Metz :
Qui sont Françoise GROLET et Emmanuel DU MOULINET ? On voit que Mme Grolet est tête de liste, mais M. Du Moulinet peut être sur une autre liste que Mme Grolet, je ne le sais pas.
Je croise donc cette recherche avec la liste officielle des candidats sur le site du ministère de l’intérieur, où j’appelle les listes déposées à Metz :
En 4ème ligne, on retrouve donc Françoise Grolet. En cliquant sur la liste Rassemblement Bleu Marine, je retrouve effectivement Emmanuel Du Moulinet. À Metz, les deux signataires de la Charte de La Manif Pour Tous se trouvent donc sur la liste du Front National. C’est noté.
Grâce à la carte interactive de La Manif Pour Tous et au fichier des candidatures officielles du ministère de l’intérieur, il est possible d’éliminer rapidement les candidat•e•s qui ne partagent pas tes valeurs, sur les critères suivants :
- Lorsque la liste comporte ou est menée par des personnalités politiques s’étant exprimées publiquement contre le droit à l’avortement
- Lorsque la liste est loin d’être paritaire, ou que les femmes sont reléguées aux dernières places
- Lorsque la tête de liste ou ses membres ont signé la Charte de La Manif Pour Tous.
Pour faire les choses bien jusqu’au bout, tu peux éventuellement croiser les noms de la liste que tu as choisie avec la rubrique nécrologique de ton journal local. Des fois que certains des candidats soient décédés, mais maintenus sur la liste. Et si tu as l’occasion d’approcher des candidats d’ici à dimanche, n’hésite pas non plus à vérifier que leur candidature est pleinement consentie, et qu’ils ne se sont pas retrouvés là sans leur accord.
Il ne te reste plus qu’à prendre le chemin des urnes, armé•e de ta carte d’identité et de ta carte électorale.
On résume ?
- Pour savoir si mes candidat•e•s soutiennent La Manif Pour Tous : je consulte la Charte de la Manif Pour Tous
- Pour connaître la couleur politique et vérifier si les listes sont paritaires : je consulte le site du ministère de l’Intérieur
- Pour savoir si mes candidat•e•s ne se sont pas prononcés contre le remboursement de l’IVG en France (voir le compte rendu des débats et des votes)
- Pour tout savoir sur le déroulement des élections municipales : je consulte Service Public
Bon vote à toutes et à tous !
Pour aller plus loin :
- Municipales: 926.068 candidats officiellement enregistrés, le Huffington Post
- Charte du candidat des municipales, La Manif Pour Tous
- Soixante-quatre communes n’ont pas de candidat aux municipales, Le Monde
- Candidats analphabètes, fausses pétitions : quand le FN dérape pour boucler ses listes, France TV
- Candidats mort ou inscrits sans leur accord : cafouillage sur des listes FN, Le Monde.
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