En partenariat avec les éditions Milan (notre Manifeste)
À moins d’être une fan de rock des années 1990, tu as dû rater la nouvelle : Bikini Kill est de retour ! Ce groupe américain, fondé en 1990, a été précurseur du mouvement punk féministe dénommé riot grrrl.
Kathleen Hanna de Bikini Kill dans les années 1990.
Moxie, Bikini Kill et le retour du riot grrrl
Ce retour n’est pas un hasard et coïncide à merveille avec la sortie française du livre de Jennifer Mathieu, Moxie, le 6 mars 2019.
La romancière américaine, Jennifer Mathieu, a compris que la force et le symbole diffusés par les riot grrrls avaient plus que jamais leur place en 2019, de même que le punk grinçant de Bikini Kill.
Moxie de Jennifer Mathieu, aux éditions Milan le 6 mars 2019.
Moxie en anglais désigne une personne déterminée, pleine d’énergie et de courage. Et dans ce roman, on suit les traces de la jeune Vivian, remontée par le sexisme latent dans son lycée.
De sa colère, elle va tirer une grande force et une détermination qui rappellent terriblement la hargne des groupes du riot grrrl.
Le mouvement est d’ailleurs au centre du roman, puisque la mère de Vivian a fait partie de cette vague féministe punk dans les années 1990. L’héroïne va s’en inspirer et faire la révolution féministe dans son bahut.
Jennifer Mathieu dresse le portrait d’une jeune femme rebelle à laquelle il est facile de s’identifier et fait appel à l’univers des riot grrrls encore terriblement d’actualité aujourd’hui.
Je vais t’expliquer pourquoi le riot grrrl s’inscrit dans notre monde actuel.
Le mouvement riot grrrl en quelques mots
Si tu ignores tout du punk féministe et du riot grrrl, je te conseille cet article de Lady Dylan publié en 2012, qui résume plutôt bien l’histoire du mouvement.
Pour faire bref, les riot grrrls englobent une multitude de groupes de meufs qui crient très fort et qui font beaucoup de bruit avec des guitares saturées.
Parmi les formations notoires, il y a Sleater-Kinney, Hole (dirigé par Courtney Love, anciennement fiancée à feu Kurt Cobain), L7, Bratmobile…
Il en existe beaucoup d’autres, moins connues, que je découvre chaque jour.
En plus de cela, les riot grrrls ont participé au mouvement Do It Yourself (né chez les punks des années 1970) et lancé leurs propres fanzines.
Elles y parlaient de musique, de groupes, mais aussi de leurs actions militantes et des paroles de leurs chansons.
Les fanzines les plus connus restent Jigsaw, aujourd’hui devenu un blog, Girls Germs, Riot Grrrl (le zine) ou encore Bikini Kill, créé par les membres du groupe du même nom.
Les valeurs des riot grrrls, toujours d’actualité
Durant les années 1990, les riot grrrls s’insurgent contre de nombreuses formes d’oppression patriarcale et abordent, dans leurs chansons, les viols, les agressions sexuelles, les violences conjugales, mais aussi le racisme et d’autres discriminations.
Les riot grrrls et le féminisme
Ces valeurs défendues restent terriblement actuelles aujourd’hui. Et le message des chansons également.
Le punk féministe a existé dans un contexte bien particulier que certaines écoles universitaires nomment la troisième vague du féminisme.
Bikini Kill ou Heavens To Betsy font partie des formations les plus engagées de l’époque. Certains de leurs titres sont de véritables chants révolutionnaires féministes, tels que Nothing Can Stop Me, ou Rebel Girl.
« But if you think That i’m not strong You best watch out Nothing can stop me »
Traduction :
« Mais si tu penses Que je ne suis pas forte Tu devrais faire gaffe Rien ne peut m’arrêter ! »
Le mouvement #MeToo résonne chez les riot grrrls
En 2017 et 2018, le mouvement #MeToo a eu une résonance médiatique et sociale sans précédent.
Si les féministes ont toujours existé et n’ont pas attendu #MeToo pour se battre, l’affaire Weinstein a clairement motivé le monde entier à écouter les femmes.
En 2019, c’est le moment de ne rien lâcher et de se faire entendre, de revendiquer nos droits et de lutter pour les garder.
L’esprit révolutionnaire et engagé du mouvement riot grrrl a largement sa place dans nos vies d’aujourd’hui.
À lire aussi : Est-ce que #MeToo n’a vraiment rien changé ?
Les politiques sexistes à travers le monde
La philosophe et écrivaine Simone de Beauvoir a dit :
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question.
Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Effectivement, l’envie de limiter les droits des femmes semble connaître une recrudescence à travers le monde…
Par exemple, en Europe, des études l’ont montré : le droit à l’IVG recule.
En France, le représentant des gynécologues est anti-avortement. Aux États-Unis, une dizaine de femmes ont accusé le président Trump d’agressions sexuelles.
Le planning familial américain est menacé et une collecte de fonds a été lancée pour le maintenir en vie, il y a deux ans déjà.
Personnellement, tout ça me donne envie de hurler des chants punk sortis des années 1990, et malheureusement toujours d’actualité.
S’inspirer des riot grrrls en 2019
Pour moi, l’année 2018 a été celle des femmes, celles qui se lèvent, qui osent, qui dénoncent et qui s’expriment.
En 2019, l’histoire doit continuer.
Quoi de mieux que de s’inspirer du message des riot grrrls, de leur attitude et de leur détermination pour poursuivre le travail entamé depuis #MeToo (et bien avant) ?
Un titre qui pourrait illustrer #MeToo serait Liar de Bikini Kill. La chanson dénonce les agresseurs sexuels qui ne reconnaissent pas leurs crimes et/ou en sortent impunis.
« You profit from the lie You prophet from the lie You profit from the rape lie, baby »
Traduction :
« Tu tires profit du mensonge, Toi, le prophète du mensonge, Tu profites de ce mensonge sur le viol, chéri »
Oser, encore et toujours oser !
Dans les années 1990, des femmes du mouvement riot grrrl en ont assez de n’entendre et de ne voir que des groupes de rock exclusivement masculins.
Alors elles s’emparent de guitares, de micros et de baguettes pour faire leur propre musique avec leurs propres message. Elles osent et c’est fort.
Le titre de Bikini Kill, Double Dare Ya, résume assez bien cet état d’esprit que je voudrais copier dans mon quotidien de féministe.
« Dare ya to Do what you want Dare ya to Be who you will Dare ya to Cry right out loud »
Traduction :
« Je te mets au défi De faire ce que tu veux Je te mets au défi D’être qui tu veux Je te mets au défi De crier à pleine voix »
Les riot grrrls décident de faire les choses par elles-mêmes. Ces femmes ont choisi de se saisir de leur propre condition et de faire grincer les guitares à leur manière.
En bref, les riot grrrls ont pris les choses en main dans les années 1990. En 2019, faisons comme elles.
Être une riot grrrl c’est jouer la provocation
Une riot grrrl ne lésine pas sur les références sexuelles dans ses chansons pour faire passer des messages féministes.
Exemple : Bruise Violet de Babes in Toyland parle de désir au début mais se révèle être une chanson sur une agression physique et peut-être sexuelle.
« You got this thing that Really makes me hot » […] « You little bitch well I hope your insides rot »
Traduction :
« Tu as ce truc qui m’excite tellement » […] « Oh, espèce de petite pute, Je te souhaite de pourrir de l’intérieur »
Elles ont aussi recours à nombre d’insultes, de gros mots et certaines de leurs paroles sont très grinçantes.
Sur scène ou dans leur esthétique, c’est pareil. Des riot grrrls jouent sur la vulgarité de leur tenue, comme les membres de Hole qui se montrent très sexy.
Au contraire, certains groupes, Bratmobile notamment, préfèrent aborder un style masculin et androgyne.
Courtney Love, pendant un concert de Hole, finit en soutif et n’en a rien à foutre.
Le but est de s’approprier des idées reçues, soit en les exagérant, soit en allant à contre-courant. Résultat : ça fera toujours réagir, et c’est ça qui importe.
D’ailleurs, les féministes punk et controversées du groupe Pussy Riot tirent largement leurs influences des riot grrrls.
Les groupes du mouvement riot grrrl font du bruit
Si tu as écouté quelques morceaux indiqués plus haut, tu as dû remarquer une chose commune à toutes ces chansons : les chanteuses crient beaucoup.
Plus qu’une volonté de coller au style punk des années 1970, les groupes du mouvement riot grrrl ont recours à ces vocalises bruyantes pour se faire entendre.
Le cri dans ces chansons renferme plusieurs symboles : il peut représenter la colère, la menace, le ras-le-bol, il peut susciter la peur ou intimider.
Aujourd’hui aussi, les femmes crient : dans la rue, comme en Irlande ou en Argentine, pour revendiquer leur droit à l’IVG. Comme en France, lors de la mobilisation contre les violences faites aux femmes en novembre 2018.
Malheureusement, en 2019, les femmes ont encore besoin de scander leurs revendications en public.
Reprendre la parole comme les riot grrrls
Les riot grrrls, en faisant le plus de bruit possible, souhaitent s’emparer de la parole qu’on ne leur donne pas. Et il est possible de s’inspirer de cette démarche dans la vie de tous les jours.
En réunion ou en classe, en reprenant une personne (souvent un mec) qui coupe la parole, en parlant plus fort que le gars qui monopolise toute la conversation dans une soirée, en poursuivant ton propos quand ce pote ne te laisse pas finir ta phrase…
Reprendre la parole c’est se réapproprier l’espace, rappeler que les femmes ont aussi un droit d’expression, que leur avis compte, qu’elles ont des choses à dénoncer, à clamer et à dire.
L’attitude riot grrrl aujourd’hui
L’attitude riot grrrl est très actuelle de nos jours.
C’est pour ça qu’il existe encore de nouveaux groupes de meufs qui s’inspirent de ce mouvement, tels que Dream Wife, Slutever, Goat Girl…
Si tu souhaites écouter des groupes cultes du riot grrrl mais aussi découvrir des formations plus récentes et directement influencées par cette vague punk féministe, j’ai fait une playlist dispo sur Spotify.
https://open.spotify.com/embed/user/madmoizelle/playlist/7pZCSDehnYtBm3umExgQ6T
Vivian Carter, héroïne riot grrrl de Moxie
Si cet article t’en a donné envie, dévoile ton esprit riot grrrl avec Vivian Carter, héroïne du roman Moxie de Jennifer Mathieu.
À 16 ans, Vivian ne supporte plus le monde sexiste qui l’entoure et qui rythme son quotidien de lycéenne.
En s’inspirant des fanzines de sa mère, ancienne riot grrrl, Vivian compte bien faire souffler le vent du changement sur son lycée.
Au programme : des actions clandestines, des rassemblements 100% filles, des chants punk et féministes… la puissance des filles pour les filles !
À découvrir le 6 mars 2019, aux éditions Milan !
Commande ton livre sur Amazon, la Fnac, ou en librairie.
À lire aussi : Le rock expliqué en dix courants
Les Commentaires
Elle a été la fondatrice (avant de se faire virer du groupe), avec Kat Bjelland (qui fut sa pote de galère pendant pas mal de temps) de Babes In Toyland.
Le look si caractéristique du mouvement (trashiser des tenues considérées comme mignonnes et féminines), c'est Courtney et Kat qui en sont à l'origine.
D'où peut-être bien critiques quand le mouvement a pris de l'ampleur, comme Johnny Rotten (Sex Pistols) critique/ait le mouvement punk.
Forcément quand on est à l'origine d'un truc et que d'autres s'en emparent et se l'approprient, ça peut déplaire car ne correspond plus à l'idée qu'on en avait.
Mais pour l'anecdote, Courtney Love est brouillée de longue date avec les membres de Bikini Kill, notamment parce que la batteuse, Tobi Vail, fut le premier amour de Kurt Cobain avant qu'il ne rencontre Courtney... Sans parler du fait que Dave Grohl (batteur de Nirvana) sortait avec Katherine Hannah (chanteuse de BK), et que Courtney ne s'est jamais vraiment bien entendu avec Dave... Enfin des embrouilles "normales" de personnes gravitant dans le même univers, se trouvant parfois en concurrence, et se rencontrant souvent dans des soirées avec alcools et drogues...
Cela dit, la liste des personnes avec qui Courtney Love s'est brouillée à l'époque est plutôt longue. Pas vraiment le genre à fermer sa bouche et à faire l'hypocrite.
J'invite à lire sa biographie "Courtney Love", écrite par Poppy Z. Brite (qui a écrit pleeeeein d'autres chouettes trucs d'ailleurs), pour qui s'intéresse aux racines du mouvement Riot Grrrl.