La mode et la musique sont deux mondes très proches qui s’influencent mutuellement. Chaque décennie a vu naître son lot de mouvements plus ou moins affirmés, plus ou moins violents. C’est parce que le parallèle entre ces deux univers peut être intéressant que je vous présente cette nouvelle rubrique : Mode et musique !
Elle relatera l’éternelle histoire d’amour et d’influences qui existe entre le monde de la sape et celui du bruit (plus ou moins mélodieux) à travers différents mouvements, et diverses décennies. Pour bien commencer, je te propose d’embarquer avec moi direction l’Angleterre des années 70, histoire de parler du mouvement punk !
La genèse du mouvement punk
Si on veut poser des dates (ce qui ne serait pas très punk, m’enfin bon), on peut dire qu’on situe la naissance de ce mouvement dans les années 70, et qu’il a connu son apogée des années 1975 à 1980.
Le mouvement punk est la réaction d’une génération prolétaire britannique en perdition : sorti•e•s de l’école à seize ans, les jeunes hommes et femmes de l’époque font face à un taux de chômage record, et se disent donc qu’ils n’ont pas d’avenir. Inspirés par la philosophie nihiliste, les punks (ce qui veut dire « voyous » en anglais) se placent volontairement en marge de la société, comme les hippies quelques années avant eux, mais en étant en opposition totale avec l’idéologie de ces derniers.
Contrairement aux baba-cools, les punks placent leur mouvement dans la violence et la provocation agressive, sont pessimistes et l’assument. Leur credo est de choquer, de détruire les codes établis pour instaurer l’anarchie.
La musique, le premier moyen d’expression punk
L’idéologie va en premier lieu s’exprimer en musique. Les punks en ont marre du rock, présent depuis trop longtemps et devenu trop « conventionnel » pour eux. Ils s’inspirent de ses rythmes, mais simplifient et salissent les mélodies, et y ajoutent des textes plus agressifs, plus transgressifs.
La musique est sauvage : personne ne se considère vraiment comme musicien et esthète, il n’y a que l’énergie et la rage qu’on met dans ses chansons qui compte.
Les premiers textes d’inspiration punk, que l’on appelle encore en 1970 garage punk (en référence aux répétitions se passant dans des garages), viendront d’artistes tels que le Velvet Underground, les Stooges ou encore Patti Smith, mais l’idéologie trouvera son symbole dans le groupe des Sex Pistols mené par Johnny Rotten et Sid Vicious et apparu en 1975.
Ils seront suivis de groupes tout aussi revoltés et talentueux, comme les Ramones, les Clash ou encore les Dead Kennedys.
La mode pour affirmer son identité
La mode est la deuxième façon dont ces rebelles britanniques vont exprimer leur colère face à une société de consommation qui s’affirme de plus en plus. Ils vont créer leur mode en recyclant des tendances, toujours dans la même logique : briser les codes, provoquer et surprendre.
Ils s’emparent donc des blousons de cuir des rockers, à qui ils ont déjà piqué quelques riffs, mais se les approprient entièrement en y ajoutant des badges, des chaînes de vélo, des clous, des épingles à nourrices, des têtes de mort, le A qui symbolise l’anarchie ou encore le drapeau national, pour aller encore plus dans la provocation.
Les punks ont leur propre sens du « beau », et vont être constamment à la recherche de ce que l’on va ensuite appeler « l’esthétisme décadent ». Il passe d’abord par le fait-maison : cette philosophie se plaçant dans une opposition à l’industrialisation au niveau mondial, il est important de customiser soi-même, plutôt que de cautionner cette logique économique en achetant des looks « tout faits ».
Leurs tenues développent une esthétique de provocation et de décadence totalement assumée et recherchée : les t-shirts se déchirent, se trouent, s’affublent de messages et de symboles choquants, allant des swatiskas pour les plus violents au plus sage dessin de deux cowboys dont les pénis se touchent (très audacieux pour l’époque, néanmoins).
D’autres vêtements et accessoires délaissés se voient réappropriés par ces jeunes en pleine révolte. Le tartan, par exemple, avait été interdit aux Écossais à partir du XVIIIème siècle, lorsque le pays a été rattaché à l’Angleterre. Les punks y voient un nouveau signe de rébellion et intègrent donc fièrement le tissu imprimé et le kilt dans leurs tenues.
Les rangers seront elles aussi adoptées, en signe d’opposition à tout état militaire, ainsi que les vêtements et accessoires fétichistes qui permettent de choquer les plus étroits d’esprit.
On peut observer que dans ce mouvement en particulier, la mode et la musique se tirent l’une vers l’autre, se nourrissent des inspirations de chacune et s’équilibrent. Sans la musique, la mode punk n’existerait pas, et sans le style vestimentaire punk, la musique perdrait de son âme, surtout sur scène !
La musique et la mode punk : une histoire d’influences mutuelles
Le mouvement punk, c’est donc avant tout une histoire d’influences constante et réciproque entre deux mondes. C’est une réaction en chaîne, un ras-le-bol ambiant et un besoin de violence d’une jeunesse « abandonnée », d’abord exprimés en musique, puis extériorisés via le look.
L’exemple le plus évident reste le couple que formaient « l’enfant terrible de la mode », Vivienne Westwood, et Malcolm McLaren, le manager des Sex Pistols. Les amoureux tenaient tous les deux un magasin de vêtements sobrement appelé « Sex », dans lequel étaient vendus des articles BDSM, mais aussi des créations de la jeune styliste.
Malcolm et Vivienne, dans les années 70.
C’est elle qui proposera des t-shirts troués, grossièrement cousus ou à customiser soi-même, avec des pochoirs et de la peinture en bombe. Le résultat est sans appel : les punks adorent.
La créatrice va donc habiller les Sex Pistols et d’autres grands groupes comme les New York Dolls, pour devenir ensuite la grande styliste que le XXème siècle a (re)connue.
https://www.youtube.com/watch?v=Ctg5FCS1wCM
C’est ça, l’essence du mouvement punk : casser les codes et partir à la recherche d’un nouvel esthétisme, d’une nouvelle personnalité, que ce soit dans la musique ou la façon de s’habiller. La destruction peut être un but, pas une fatalité ! Punk’s not dead. Yeah.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Et Guérilla poubelle et Justine sont superbes ! On a aussi Tagada Jones qui est génial, Ultra Vomit pour chanter des conneries et plein de super groupes locaux !
Moi j'aime pas les nazis punk et les punk apolitiques.
En fait
ça me dérange autant les "puristes" en mode "tu vis pas dans un squat avec des rats à te droguer donc t'es pas punk" que les personnes qui vont se revendiquer du mouvement punk sans adhérer à l'idéologie politique (Anarchisme, Anti-fascisme, Anticapitalisme) parce qu'elles aiment les clous, les caddies et les Sex Pistols... (alors qu'au contraire certains potes qui aiment pas particulièrement la musique punk et adoptent pas le style sont pour moi tout à fait punks !)