L’exposition Earthworks, à New York en octobre 1968, peut marquer le début du Land Art. Mais il ne s’agit pas vraiment d’un mouvement à proprement parler, il s’agit plutôt d’un entrecroisement de pratiques d’artistes qui appartiennent tous à la même génération intellectuelle et qui ont tous participé de près ou de loin au minimalisme américain. Ils cherchaient alors tous à fuir le modernisme et souhaitaient relier l’art à la vie, ne plus faire d’œuvres destinées exclusivement aux galeries ou aux musées. Ils voulaient que leur atelier devienne la nature, le désert et non plus quelque chose de fermé. L’essai de Robert Smithson, Sedimentation of the mind : earth projects, écrit en 1968, peut cependant être considéré comme le manifeste de ce mouvement.
Land Art et nature
Les artistes utilisent les éléments de la nature pour créer leurs œuvres. Ils interviennent directement sur la nature. Ils veulent mettre en valeur la mémoire et le passé intemporel des lieux, essentiellement sauvages. Ils les marquent en traçant des lignes, en déplaçant des rochers… Cependant, certains artistes intègrent à la nature des éléments extérieurs, des moyens technologiques ou produits manufacturés pour réaliser leurs œuvres. C’est ce qu’on appelle des Earthworks. Le medium est la terre même mais elle est modifiée, déplacée, recouverte par autre chose.
La plupart des réalisations ont été effectuées dans les grands déserts américains, ou dans des carrières abandonnées, souvent à échelle monumentale. L’œuvre s’inscrit dans l’espace et ne fait plus qu’un avec celui-là. Ce dialogue avec l’environnement a été engagé par le mouvement minimaliste et revendique un espace architecturel comme espace d’exposition et de production. Il n’y a donc plus de séparation entre l’atelier et le lieu d’exposition. Cette notion d’échelle, souvent gigantesque, entraîne le corps dans un rapport assez particulier avec l’œuvre, tout un jeu d’échelle se met en place et est à la base du Land Art.
Ce jeu d’échelle provoque chez le spectateur « un flottement existentiel », le spectateur perd ses repères, il est envahi par l’œuvre. Sa perception de l’espace est chamboulée. Le spectateur n’est plus qu’un spectateur, il est aussi découvreur. Il doit rentrer dans l’œuvre et il la découvre en la parcourant, en marchant à l’intérieur de celle-ci. De ce fait, il fait partie de l’espace temps de l’œuvre.
Etant donné que l’œuvre est réalisée dans la nature elle-même, elle est laissée en proie de celle-ci, elle subira les changements de la nature. De ce fait, les artistes renoncent à un contrôle absolu sur leurs œuvres. La nature s’occupera d’achever l’œuvre. Ainsi, on peut considérer ces œuvres comme éphémères vu qu’elles sont soumises aux changements de la nature et qu’elles peuvent disparaître, mais on peut aussi les considérer comme durables. Ces changements sont inscrits dans l’œuvre, les processus de modifications et de dégradations font partie d’elle. Il s’agit de ce fait d’œuvres in situ. Elles ne peuvent êtres déplacées et ne sont pas facilement visibles par le public étant donné qu’elles sont souvent réalisées dans des lieux très éloignés.
Ainsi, la photographie a un place importante dans le mouvement. Elle permet aux spectateurs de prendre connaissances des œuvres mais aussi elle les réintroduit dans les musées et galeries d’art. Cette mise en visibilité entraîne un financement possible pour l’artiste pour ses prochaines œuvres. Les photos sont souvent accompagnées de croquis, de dessins, de textes et de vidéos.
Maintenant, intéressons-nous aux acteurs principaux de ce mouvement :
Robert Smithson (1938-1973)
Il commencera par étudier la peinture, puis la sculpture ce qui l’entraînera à réaliser des sculptures in situ, en pleine nature. Ses constructions sont sculpturales et gigantesques. Il va utiliser d’énormes moyens utilitaires pour les réaliser. Il créera toujours dans des lieux très excentrés, sans aucune population.
Cet artiste restera très attaché au terme Earthworks pour nommer son travail, on peut le traduire par terrassement ou bien par ouvrages de terre.
Son œuvre la plus connue est Spiral Jetty (jetée en spirale), réalisée en 1970 dans le grand lac salé, dans l’Utah. Il s’agit d’une digue de 457m de long constituée de 6 783 tonnes de boue, de cristaux de sel et de roche noire. Elle incarne l’aspiration élémentaire et symbolique qui devance chaque œuvre de Smithson. Il souhaitait une véritable conceptualisation de l’activité artistique.
En faisant acte d’une telle sculpture, Robert Smithson veut imposer une œuvre à la nature. Il a un rôle dans le paysage industriel, il choisit des lieux qui ont été abandonnés par l’industrie et souhaite les revaloriser. Spiral Jetty est construite dans une zone détruite par les exploitations minières. Malgré les années, elle résiste dans le paysage et réapparait selon les montées de l’eau.
CLIQUE ICI POUR VOIR DES IMAGES SUR LE SITE DE ROBERT SMITHSON
Richard Long (né en 1945)
La plupart des artistes du Land Art sont américains, mais l’anglais Richard Long est aussi rattaché à ce mouvement. Richard Long est connu pour ses marches dans le désert. Il marche depuis 1964 (il était encore étudiant), il parcourt le monde d’exposition en l’explorant. Le paysage traversé est vécu, une trace de celui qui est passé est laissée. Ainsi, la marche est l’outil de Richard Long et le territoire son matériau.
De ses interventions, il fait des photographies qu’il expose. Il s’agit de photos noir et blanc, où il n’y a qu’une légende indiquant le lieu, l’année et la durée de la marche.
Il déplace aussi des éléments pour effectuer des lignes comme Mirage, il n’arrache pas les éléments de la nature, il les contraint juste à une forme de ligne, de cercle.
« Mon travail, c’est l’antithèse de ce qu’on appelle le Land Art américain. (…) Marcher dans l’Himalaya…C’est une façon de toucher la terre avec plus de légèreté, et cela suppose un engagement personnel plus physique qu’un artiste qui planifie un grand « earthwork » réalisé ensuite par des bulldozers. J’admire l’esprit des Indiens d’Amérique plus que celui des land-artistes. » Richard Long, 1987.
CLIQUE ICI POUR VOIR DES IMAGES SUR LE SITE DE RICHARD LONG
Christo et Jeanne-Claude (nés en 1935)
Il s’agit d’un couple d’artistes qui pratiquent tous les deux le Land Art.
Ils emballent des monuments, des lieux, pour les révéler en les cachant. La notion d’empaquetage est un geste ordinaire mais prend une toute autre dimension quand il est appliqué à l’échelle du paysage. L’empaquetage préserve et enferme mais il dévoile aussi les lieux, les paysages. Le drap met en relief la forme et rend le lieu plus visible que jamais. Il y a une luminosité due au tissu, un silence posé et une perte des mesures qui donnent une dimension abstraite et hors du temps aux lieux transformés par cette installation. La préparation d’une telle intervention est très importante. Les matériaux utilisés sont spécifiques à chaque lieu et sont très étudiés.
CLIQUE ICI POUR VOIR DES IMAGES SUR LE SITE DE CHRISTO ET JEANNE-CLAUDE
Que t’inspire ce mouvement ? Quelles sont selon toi les oeuvres les plus impressionnantes qui en sont sorties ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
D'un coup, je me sens moins seule...