Le mot « fille » devrait designer les enfants et les adolescentes. Mais il est bien souvent employé pour parler de femmes tout ce qu’il y a de plus adultes.
Cela m’irrite les tympans. C’est chiant. Voici pourquoi.
Le mot « fille », cet euphémisme méprisant
Le mot « femme » devrait designer les personnes adultes de genre féminin.
Ça paraît évident, pourquoi on la paye à enfoncer des portes ouvertes , celle-là ?
Parce que les mots ne sont jamais JUSTE des mots. Ils charrient avec eux une bonne dose de stéréotypes, d’idées préconçues, de connotations.
Le mot « femme » par exemple est attaché à la notion de pouvoir et de maturité. On dit « une femme de poigne », « une femme de caractère », « une maîtresse-femme ».
Une femme maîtrise la séduction, elle assume ses envies et ses responsabilités, elle se fait les ongles, porte un trench et laisse derrière elle un léger sillage de Shalimar. Une femme, c’est une madame.
Il y a peu, je ne me considérais pas moi-même comme une femme, alors que j’ai bientôt 30 ans.
Je trouvais que c’était tout de même un peu fort de café comme terme pour désigner une personne qui procrastine ses lessives, arrive systématiquement en retard et mange des Kangos dans son lit.
Alors je me rangeais souvent derrière le très cool mot meuf, un concept qui a encore un peu plus vieilli, ringardisé LA FÂME en créant un espace flou où ranger les adu-lescentes, celles qui ne sont plus fille, mais pas encore femme.
Comment devient-on une femme ?
Devenir une femme, ça se mérite.
Pas juste en ayant ses règles ou en devenant active sexuellement. Dans notre société, on ne devient pas forcément une femme en passant à l’âge adulte.
Dans mon esprit, on devenait une femme si :
- On se marie
- On fait des enfants
- On a plus de 40 ans
- On fait un effort
Et comment devient-on un homme alors ?
Tout comme il n’existait pas d’équivalent masculin du mot mademoiselle, un terme officiel pour distinguer les filles des femmes, le mot garçon n’est pas l’exact équivalent du mot fille.
On ne l’emploie jamais pour parler d’un homme adulte, sauf s’il est un peu con (« un gentil garçon ») ou pas marié (« un vieux garçon »).
Tout comme ils sont d’emblée des « Monsieur », les garçons n’ont rien besoin de faire pour devenir des hommes.
Aucun comportement spécial n’est attendu d’eux pour opérer ce changement de statut. Et pour cause, il est globalement admis dès leur naissance qu’ils resteront immatures et irresponsables quoi qu’il arrive !
Ils deviennent donc des hommes bien avant que les filles ne puissent devenir des femmes, parce qu’elles, elles doivent faire leurs preuves…
Exactement de la même façon que certains Blancs disent « black » comme si « Noir » était une insulte, les hommes ET les femmes disent fille pour dissimuler, sans le savoir, leur condescendance.
Une fille est immature, naïve, inexpérimentée, superficielle. En désignant une femme comme une fille, on sous-entend qu’elle est faible, un peu bête, influençable.
On dit « une fille à problèmes » (les femmes sont trop matures pour faire des problèmes) ou « une fille facile » (les femmes ont le contrôle de leur sexualité).
Appeler les femmes des filles est infantilisant. Il rabaisse celles qui n’ont pas mérité d’être des femmes, d’accéder à ce statut, de prendre ce pouvoir.
Pour changer cela, j’ai décidé d’employer le mot femme quand je parle d’une personne adulte de genre féminin, à commencer par moi-même.
Et ça me fait bizarre, d’être une femme. Ce qui prouve qu’il était nécessaire de changer…
Les Commentaires
En tout cas, que l'on soit d'accord ou non avec @QueenCamille, son article a le mérite de nous renvoyer à une question voisine, la distinction madame/mademoiselle, sans équivalent dans le genre masculin, ainsi que le rappelle @Yoonishan .
Dans les formulaires administratifs, cette distinction est supposée avoir disparu, et c'est une excellente chose à mon avis, car le madame/mademoiselle obligeait les femmes/jeunes femmes/jeunes filles à se définir et à s'identifier par rapport à l'existence ou à l'absence d'un conjoint, comme au bon vieux temps. Les vieilles habitudes ont la vie dure cependant, et on trouve encore des formulaires non officiels avec cette distinction. Je partage l'agacement d' @Ellanaaa .
Dans le langage courant, en revanche, le duo mademoiselle/madame existe toujours et pour longtemps sans doute.
Certains.es l'apprécient, n'empêche qu'elle n'est pas forcément un cadeau pour les femmes (ou filles, comme vous voulez )
L'appellation "mademoiselle" est un sablier, qui coule, coule, rappelle tous les jours aux femmes qu'elles vieillissent ! Tant que les "mademoiselle" abondent, tout va bien, on est flattée, et puis ils se raréfient, et un beau jour, tôt ou tard, le sablier est vide, plus de "mademoiselle" ou juste pour taquiner.
Les hommes aussi vieillissent bien sûr, mais il leur est permis de l'oublier un peu plus souvent.
La distinction mademoiselle/madame renvoie sans cesse les personnes de sexe féminin à leur âge.
Vous l'avez compris, je n'en suis pas fan (c'est un comble d'annoncer ça sur Madmoizelle :taquin