Sur fond blanc, une benne à ordures en feu accompagnée du titre du film : DEATH TO 2020, Mort à 2020. Le message de Charlie Brooker et d’Annabel Jones, créateurs de Black Mirror, est clair : cette année a été incroyablement pourrie.
Pour en saisir la mesure, ils proposent une rétrospective de ces 12 derniers mois dans un format « mockumentary », documentaire qui mêle avec adresse le vrai et le faux.
Visiblement, les scénaristes ont, comme nous tous, été dépassés par cette année. Pour dénoncer les dérives du monde contemporain, plus besoin de la dystopie qui faisait la marque de fabrique de leur série phare. Reste-t-il même encore des choses à dénoncer par la fiction ? Ou le monde n’est-il plus qu’une poubelle en flammes ?
Le film satirique produit par Netflix nous a laissées sans réponse, mais a eu le mérite de nous faire rire.
Un bilan tout simplement nul
Des incendies liés au réchauffement climatique, l’explosion de Beyrouth, une pandémie, la mort de George Floyd, le procès d’impeachment de Donald Trump, les élections américaines… La voix-off impertinente nous fait revivre, un par un, les moments les plus traumatiques de 2020.
Et on ne se prive pas de se demander, comme le personnage de Samuel L. Jackson dès les premières minutes du film, « Why the fuck would you want to do that » ?
Pour dresser un portrait de « l’année la plus historique de l’histoire, par ceux qui l’ont vécue » , les vraies images de chaînes d’informations anglophones sont ponctuées de fausses interviews qui caricaturent à peine la réalité.
Le constat est sans appel : c’était de la merde. La proposition du faux documentaire sera de tourner cette année en ridicule pour en rire, plutôt que d’en pleurer.
En 2020, la vérité n’existe plus
Mort à 2020 a trouvé la réponse à cette question qui taraude les philosophes depuis l’Antiquité : la vérité n’existe plus
. Ou du moins, on peut faire sans. Parler de « fake news » sonne presque obsolète, tant il est devenu difficile de se mettre d’accord sur les évènements qui nous ont marqué cette année .
A-t-on déjà vu une situation plus désespérante qu’un dirigeant qui minimise un virus qui décime sa propre population ? Le film nous rappelle que c’est désormais le monde dans lequel nous vivons. On y voit Donald Trump annoncer que la pandémie s’en ira « d’elle-même », quelques mois avant d’être hospitalisé pour ce même motif. Boris Johnson, après avoir propagé des discours contradictoires et peu clairs sur la manière de limiter l’épidémie, souffrira du même mal.
Aux vrais discours mensongers de Trump et Johnson, les interviews fictionnelles font un écho tristement réaliste.
Hugh Grant – vieilli pour l’occasion – incarne ici un historien qui confond sans cesse la réalité avec Game of Thrones. Quand il est repris sur ses prises de positions, il répond par des revers de manche « Mais c’est moi, l’historien ».
Lisa Kudrow, qui joue une politicienne proche de Trump, tente de persuader ses interlocuteurs que l’Ukraine n’existe pas. D’ailleurs, Donald Trump non plus. Que peut-on répondre à ça ? Rien. Un humour par l’absurde qui souligne les difficultés à communiquer les uns avec les autres, dans un monde extrêmement polarisé.
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Mort à 2020, c’est une conversation avec le pire de nous-même
Malgré des confinements généralisés et des privations sociales, cette année nous aura presque dégoûté de l’être humain. C’est le message de la psychanalyste désabusée jouée par Leslie Jones.
Quand ses faux ouvrages apparaissent à l’écran, leurs titres ressemblent à nos feed twitter : « Les gens ruinent tout »,« Pourquoi sommes nous si stupides ? », «Qu’est ce qui ne va pas chez nous ? ». Son discours cynique résonne un peu trop fort, et on rit jaune.
Car personne n’est épargné par le documenteur Netflix : les dirigeants et les experts ne sont pas les seuls à en prendre pour leur grade. Les membres de la société civile, mal informés ou apathiques, nous rappellent nos propres manquements.
Interrogé sur la mort de George Floyd et les mouvements de protestations Black Lives Matter, l’acteur Joe Keery, connu pour son rôle dans Stranger Things, répond : « Je me considère comme un allié. Mais au vu de l’actualité, je me suis dit que je pouvais changer. J’ai commencé par poster des carrés noirs sur Insta, puis par utiliser des émojis noirs. »
Au final, nos actions ont-elles été très différentes de celles de ce personnage à côté de la plaque ?
Une catharsis qui offre peu d’espoir pour 2021
Le visionnage d’une heure dix passe très vite, et nous rappelle à quel point l’année a été dense. Revivre tous ces évènements accompagnés de commentaires qui dissèquent et tournent en ridicule toutes les erreurs humaines de 2020 nous permet de prendre du recul. D’en rire un peu, aussi, et de partager la colère et le sentiment de désespoir qui ont pu nous tenir occupées pendant ces longs mois de confinement.
Mais si vous cherchez de l’espoir pour la suite, passez votre chemin : Mort à 2020 vous laissera sûrement un goût amer en bouche. Ses prédictions pour 2021, dans le générique de fin, sont peu enthousiasmantes, et il n’offre pas ni porte de sortie, ni de morale de fin sur les enseignements de cette année de l’enfer.
On sort du film comme on sortira de cette année, un peu claquées. Mais gardons la pêche : dans deux jours, c’est la fin ! Autant se changer les idées pour 2021, et zapper sur Bridgerton.
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Les Commentaires
Par contre, qu'est-ce que c'est US-centré ! Alors ok, c'est Netflix mais bon, il faudrait appeler ce "documenteur" "Death to 2020 in USA" parce que rien n'existe en-dehors des Etats-Unis visiblement On a vite fait un passage en Grande-Bretagne pour se moquer de l'affaire "Meghan-Harry" et de la déconnexion profonde de la Couronne avec le reste de la société mais sinon...
Beyrouth a juste le droit à 3 sec d'image sans commentaire, la Chine aussi et... voilà.
D'ailleurs, on est limite sur un film faisant plus la satire de la dernière année de règne de Trump plutôt que de l'ensemble des crises de 2020, y compris le covid, je trouve (en tout cas, ça prend bien 50% du contenu).