C’est assez drôle de voir les expressions perplexes sur les visages quand je dis aux gens que je suis monteuse.
Il y a ceux qui sont à des années-lumière du concept :
« – Ah, tu travailles dans la manutention ? – Non, non… »
Il y a ceux qui n’arrivent pas à savoir exactement ce que je fais, et qui essayent – avec plus ou moins de succès – de deviner.
« – Tu construis des escaliers… ? – Non, non… – Des échafaudages ? »
(Ces conversations sont des extraits de ma vie très réelle.)
Et puis il y a ceux qui n’essayent même pas de comprendre, et qui se contentent de hocher la tête. Et face à ces personnes, je place un mot clef qui change toute ma soirée.
« – Je travaille pour une boîte de production audiovisuelle… – … ? – La télévision. »
Et là les figures s’illuminent et le mot « Classe !
» sort de la bouche de ces jeunes ignares.
Ce que je fais, donc ? Je suis monteuse.
Yeah baby !
C’est quoi une monteuse (vidéo) ?
Aujourd’hui on est au vingt-et-unième siècle, et je note que de plus en plus de personnes savent ce que je fais. C’est sans doute dû à la démocratisation de la discipline depuis l’explosion du numérique et d’internet.
Maintenant, des tas de personnes peuvent prendre des vidéos dans la rue avec leurs portables, télécharger des logiciels de montage vidéo (cf la liste en bas de l’article) et tourner leur propre production avec de fausses explosions et des chatons. Je galère donc un peu moins à expliquer ce que je fais.
Cependant pour ta grand-mère ou ta tante qui vit dans le fin fond de la Creuse, je vais donner une définition.
Une monteuse, c’est une personne qui récupère des images tournées pour les assembler et en faire le produit final prêt à être envoyé à un diffuseur quelconque — ou sur Youtube. En clair, des gens avec des caméras et des micros font des images et du son, et me les donnent ensuite à moi, la meuf dans sa cave, pour que j’en fasse le plus beau film depuis Hitchcock (haha). Quand la vidéo est prête, je l’envoie à des diffuseurs — Canal+, France 2 ou encore LCP…
Etre monteuse, c’est un métier. Et oui.
Beaucoup de personnes pensent qu’un monteur est un type peinard qui prend les images et les rassemble dans un ordre donné en une demi-heure, avec des effets de flammes. La réalité ? C’est plus compliqué que ça.
Être monteuse, c’est raconter une histoire, sauf qu’on n’a pas de mots, mais des images et du son. On utilise cette matière brute qu’on ramène de tournage pour la sculpter (comme un sculpteur avec de la pierre), et lui donner une forme et une âme. Donc oui c’est un métier artistique, qui demande de la patience, de la méthode, et un vrai regard.
De façon plus technique, il est impossible de s’improviser monteur. Déjà, les logiciels professionnels de montage permettent cent fois plus de possibilités que ton Windows Movie Maker, et demandent une formation réelle. Il y a des choses qu’on peut apprendre par soi-même et d’autres… qu’on ne peut pas.
Ces logiciels sont tellement compliqués que ça demande une certaine rigueur, et surtout une certaine connaissance du langage audiovisuel. Si je te dis « Digit », tu me dis « nem » ? C’est un exemple parmi tant d’autres pour montrer qu’il y a une vraie technicité qui ne s’improvise pas.
De plus, être monteuse ce n’est pas forcément rester enfermé-e dans sa salle avec son ordinateur. C’est un métier de contact humain. En l’occurrence, le premier interlocuteur est le réalisateur ou le journaliste.
C’est la discussion entre la monteuse et son chef de projet qui va donner la forme et le rythme du produit (un clip, un film ou encore un reportage). On ne touche pas à la vision du réal ou du journaliste, mais on trouve des moyens pour que notre vision apporte plus de force à la leur.
Une monteuse doit avoir une certaine connaissance du son, de l’image, et de ce qu’il se passe sur le tournage pour anticiper les besoins en post-production… Précisons que la post-production est tout ce qu’il y a APRÈS le tournage – soit le montage, les effets spéciaux, l’étalonnage (le travail de la couleur qui permet d’harmoniser toutes les images), le mixage (le travail du son)…
Parce que NON, le monteur ne se préoccupe pas de l’étalonnage et des effets spéciaux (sauf s’ils sont très mineurs). Les voitures qui explosent et le retournement de Paris à la Inception, c’est pas notre boulot ; c’est celui du graphiste/habilleur/technicien d’effets spéciaux.
Voilà une vidéo (en anglais) qui explique de façon très poétique ce que l’on fait :
https://youtube.com/watch?v=8mZg8lzx4Kw%5B
Comment je suis devenue monteuse
J’ai commencé à faire du montage pour m’amuser après mes cours de maths. Étant une fanatique des mangas, j’ai commencé à toucher un peu au montage pour faire de magnifiques clips sur des épisodes de Naruto sur un fond de Fall Out Boy…
Pour tout vous dire, mon rêve de gamine est d’être scénariste – d’écrire des histoires pour le cinéma ou la télévision, des histoires remplies de chimères, d’amour, d’amitié et d’action…
Mon père m’a toujours soutenue dans ce rêve d’enfant, et c’est sans trop savoir comment que je me suis retrouvée dans une école d’audiovisuel privée pour apprendre le métier – me donnant à terme une certification de niveau III (Bac +2).
Vous vous en doutez, le métier de scénariste est extrêmement dur d’accès. Aux US, les scénarios originaux sont très valorisés, les scénaristes des superstars (qui connaît le Aaron Sorkin français ?) alors qu’en France, on a une politique très différente concernant l’écriture et les scénarios originaux ne sont pas très représentés. Sans oublier qu’il faut beaucoup de contacts pour pouvoir exercer…
Je me suis donc rendue compte que je partais au casse-pipe en suivant une formation de scénariste ; j’ai donc préféré me consacrer à mon deuxième amour, mon amant qui s’appelle montage.
Avec la formation (un BTS métiers de l’audiovisuel), j’ai développé un nouveau regard sur ce métier (notamment grâce à un prof excellent que je ne saurais remercier assez) ; il s’agit en fait d’être scénariste mais en travaillant une base concrète.
C’est une vision très intéressante, car étant sensibilisée au travail de scénariste et ayant celui de monteuse, je me trouve aux deux extrémités de la production d’un produit ; ça me permet d’avoir une certaine double vision.
J’aime donc vraiment le montage et, dans un registre plus personnel, c’est le seul moment (avec ceux où j’écris) où je me sens en contrôle.
Les difficultés du métier
Vous vous en doutez, malgré tout le rêve qu’on vend exercer ce métier est très difficile. Étant une jeune diplômée, je dois, avec beaucoup de courage (hahaha), trouver des moyens pour manger. Pour le moment mes parents peuvent encore m’aider, mais beaucoup de mes camarades ont un métier d’appoint dans le McDo le plus proche pour réussir à joindre les deux bouts.
Le but est d’avoir le statut d’intermittent pour bénéficier des protections nécessaires quand on alterne les missions. On est payés à l’heure, et la durée des missions peut varier mais n’excède généralement pas quelques jours. Dans ce milieu, un CDI est carrément un sésame auquel on s’accroche en pleurant. La précarité économique du travail de monteur est une réalité.
Le statut d’intermittent s’obtient après 507 heures déclarées à Pôle emploi. 507 heures qu’il faut trouver. Et là, c’est marrant.
Car malgré toutes les lois possibles et imaginables, les boîtes de production et de post-production ont un fonctionnement anarchique, et n’hésitent donc pas à fonctionner en n’employant que des stagiaires. Et le stage est DÉJÀ chaud à obtenir. J’en ai fait deux, et ça ne suffit clairement pas pour avoir du réseau – le principal moyen d’obtenir du boulot.
Donc oui, c’est un métier dur et ingrat. Il faut avoir de la chance.
Un métier de passionnés
En revanche, on est vraiment dans la culture du mérite. C’est un métier où on ne triche pas parce qu’on ne peut pas : c’est assez contradictoire avec la loi du piston familial, une difficile réalité du milieu, mais une fois qu’on est rentrés dedans et qu’on bosse bien, ça va mieux. On grimpe les échelons les uns après les autres ; on commence comme assistant de l’assistant puis on avance selon nos performances.
C’est un métier de passionnés, ce qui fait sans doute que l’ambiance est généralement au beau fixe. On a pas mal de deadlines et de coups de rush, mais c’est cette adrénaline qui fait que c’est franchement cool.
La marrade.
Comme on dépend des grands manitous (les diffuseurs et les producteurs), on n’est pas complètement libres ; mais on trouve toujours des moyens d’exprimer sa créativité.
Je souris souvent en regardant des émissions très « classiques » quand je me rends compte qu’un cadreur ou un cameraman s’est fait plaisir. D’ailleurs, je ne peux plus regarder de film sans chercher les faux raccords.
Pour conclure
C’est sûr, j’ai des baisses de moral face aux difficultés pour trouver du travail rémunéré dans ce métier ; mais il faut remonter en selle et foncer, quitte à faire du bénévolat. Le monde est une jungle : tout travail est donc bon à prendre, ne serait-ce que pour l’expérience.
Je continue à écrire car je n’aime pas abandonner mes rêves. Le montage c’est la deuxième casquette de rêve ; en tant que meuf de la post-prod, je me vois comme une mercenaire de l’audiovisuel, la voix rocailleuse et la clope au bec, fixant les images comme un cowboy regarde un hors-la-loi…
En conclusion, c’est un métier franchement intéressant, et j’aime à croire que je m’amuserais beaucoup à l’exercer même dans des conditions désastreuses. Aujourd’hui je n’ai pas de boulot (ceci est un appel, si vous cherchez une assistante montage/ postproduction qui bouffe du lion au petit déjeuner, contactez moi ! Je vous ferai toutes les synchros de l’extrême et je suis très motivée devant les groupes-clips sans timecode sur nos amis Avid — le logiciel de référence dans le milieu — et FCP — Final Cut Pro ! Oui je suis une malade ! YAHOU !), et j’en cherche en brandissant mon petit drapeau.
[box]Quelques logiciels de montage pour débuter ou s’améliorer :
- Windows Movie Maker (gratuit sur PC)
- iMovie (gratuit sur Mac)
- Final Cut Pro X sur Mac (270€ sur Mac)
- Adobe Premiere Pro (24€ par mois, PC ou Mac)
- Sony Vegas Pro (440€ sur PC)
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