Il y a les monstres qui font peur, vraiment. Ceux dont le nom invoque la souffrance, le vice. Ceux qui peuvent te briser en deux, faire craquer tes os comme des biscottes, et décoller par poignées les cheveux de ton crâne. Ceux qui transformeraient ta peau rosée en une bouillie aussi putréfiée et cramoisie qu’un bout de viande en décomposition d’un simple souffle. Ceux qui s’engouffrent dans ton esprit comme la brise entre les branches des arbres nus et gelés. Ceux qui apportent dans leurs pattes la mort. Une mort lente, atroce.
Ça tombe bien, ce n’est pas du tout de ce genre de monstre que je vais te parler aujourd’hui.
Une araignée géante, un taré venu te tuer dans tes cauchemars ou des extra-terrestres qui ont atterri pour sucer le cerveau de la population humaine, c’est pas cool et c’est déjà assez emmerdant comme ça, pas besoin d’en rajouter une couche.
Mais les pauvres créatures qui ne font plus peur à grand-monde, celles qui, certes, t’ont peut-être terrifiée alors que tu étais encore jeune, mais qui maintenant te donnent plus envie de les pointer du doigt en pouffant, c’est celles-là qui ont la vie dure.
Imagine-les trimer, avec leur face en papier mâché et leur attitude nonchalante. Elles ne font plus peur aux enfants, elles ne font plus peur aux adultes, elles ne font plus peur à personne.
Je trouve qu’en cette période d’Halloween imminent, il faut les remettre sur le devant de la scène. Bye bye, squelettes et autres Dracula, cette année c’est les monstres retraités et un peu ridicules qui orneront les citrouilles. Je veux et j’ordonne.
Les Skeksès de Dark Crystal
Dark Crystal est un de mes films préférés de tous les temps (comme d’ailleurs tous les films de cette sélection, c’est pour ça que je t’encourage à avoir un minimum d’empathie vis-à-vis des monstres que je vais te présenter).
Il retrace l’histoire d’une épopée fantastique qui mènera Jen le Gelfling (un petit être sensible avec des oreilles) à tenter de ramener la paix sur une terre gouvernée par des créatures pas vraiment sympa.
Ce sont les Skeksès, des monstres à l’apparence aussi terrifiante que whathefuck. Ces bestioles sont au nombre de dix et vivent recluses dans un château afin de garder le grand cristal qui leur procure jeunesse et force.
Les Skeksès ressemblent, en gros, à un croisement entre un vautour, un lézard et un teckel à poil dur. Tu peux ajouter à ça qu’ils s’habillent à la mode du XVIIIème siècle et vivent dans un environnement rococo à souhait.
Dans le film, ce sont des êtres abjects qui mangent les gentilles créatures de la forêt, qui sucent la vie de leurs victimes afin d’en faire de dociles esclaves aux yeux délavés et qui n’ont aucun savoir-vivre.
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À l’époque de la sortie du film (en 1982) je ne doute pas que les Skeksès ont dû en terrifier plus d’un. Quand j’avais six ans, je trouvais qu’il n’y avait rien de plus atroce et horrifiant que la première partie du film (qui comporte la mort de l’un d’entre eux).
En fait au départ tout va mal : leur chef est en train de moisir vivant dans un lit à baldaquin. Alors que tous les autres attendent qu’il passe l’arme à gauche pour s’emparer de son sceptre, il se réveille brutalement, dans la scène la plus traumatisante de toute mon enfance.
« Tu t’es cru où làààààààà ? »
Ensuite il meurt quand même (tout ça pour ça). Sauf qu’au lieu de s’assoupir paisiblement dans un dernier souffle, les bras en croix, il décide de se déliter comme une falaise qui s’effondre. Ceci m’inspirait l’idée de me fourrer la tête entre les coussins du canapé.
Pire encore, le Skeksès qui, d’une voix efféminée totalement abominable, tente d’attirer Jen et sa copine Kira dans ses serres de volatile…
Bref, à l’époque les Skeksès faisaient bien leur boulot : il mettaient les gens mal à l’aise tout en créant les pires cauchemars chez les moins de dix ans. Mais maintenant, ce n’est plus le cas.
En 2013, ils sont devenus de simples marionnettes en latex en forme de grosses pintades parlantes. Les Skeksès n’effraient plus personne (outre mon moi de huit ans un peu impressionnable). Leur apparence fait rire et ils inspirent des mèmes vraiment dégradants pour leur image de prédateurs de l’ombre.
Y a plus de respect.
Pourtant leur papa, Brian Froud (que je porte dans mon coeur comme une déité de l’imaginaire), ainsi que le réalisateur Jim Henson (tout pareil) avaient fait un boulot particulièrement cool. À l’époque, les monstres étaient créés sans l’aide des images de synthèse. Ces marionnettes et costumes étaient donc à la pointe du réalisme !
Les Skeksès sont tombés trop tôt dans la case grotesque. Je ne suis que tristesse et larmes.
Gmork dans L’Histoire sans fin
L’Histoire sans fin date de 1984. Alors oui c’est un film culte, mais ça ne veut pas dire que ça a bien vieilli. Le bestiaire des créatures y est assez fou : il y a bien sûr Falcor, le dragon-chien-porte-bonheur, mais aussi le mangeur de pierre ou encore l’escargot de course.
Ce film est souvent refoulé au rang de « truc pour enfant », alors qu’il est loin d’être superficiel ou niais. Il contient notamment des scènes particulièrement inquiétantes qui m’ont hantée pendant une petite paire d’années.
En gros, un garçon trouve un livre bizarre qu’il commence à lire en cachette dans une pièce secrète de son école (c’était le rêve de toute ma vie). Il se rend compte qu’il est intimement lié au personnage principal, Atreyu. Celui-ci vit à Fantasia, monde gouverné par une impératrice de 12 ans (tu m’étonnes que ça va mal), et c’est un peu le bordel. Le néant est en train de s’emparer de l’empire et de ses habitants. Atreyu doit surmonter un grand nombre d’épreuves et se rendre aux frontières de Fantasia pour sauver tout le monde.
Sauf que vers la fin, il croise le chemin d’un des monstres les plus traumatisants du monde — et ce dans tous les sens du terme. Il s’appelle Gmork et il est envoyé par le néant pour tuer Atreyu. En fait il ressemble à un gros loup à la truffe frétillante et aux dents beaucoup trop grandes pour sa gueule.
En plus de tout ça, il s’adresse à Atreyu d’une voix inquiétante, dans un quasi regard-caméra qui dit clairement que les mecs de Twilight peuvent aller se rhabiller.
Oui, je vois les frissons te parcourir l’échine quand tu repenses à ce moment de terreur de ton enfance, ne nie pas.
Sauf qu’aujourd’hui, tu montres ce passage à n’importe quel gamin, il te rit au nez. Parce que les effets spéciaux n’ont pas pris de la bouteille, mais un cubi de deux litres en plein dans la tronche. Parce que les loups ça ne fait plus peur à personne depuis Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban — et ce niaiseux de Jacob n’a pas aidé. Parce que Gmork ressemble au nom d’une sorte de glaire.
Alors oui tout de suite on traumatise des chats à la place.
C’est dommage, parce que même si Gmork tient dix minutes dans le film et qu’il a une mort de merde, c’est quand même un monstre sacrément vénère et méchant qu’il faudrait arrêter de sous-estimer.
L’Ogre dans Le labyrinthe de Pan
On continue dans le large éventail de mes films préférés en faisant un grand bond en avant. Le Labyrinthe de Pan est un film de Guillero Del Toro datant de 2006 — c’est pas si vieux quoi.
Encore une fois il s’agit d’une sorte d’épopée dans un univers fantastique parallèle au nôtre. Je n’en dis pas trop, vu que je te conseille vivement d’y jeter un coup d’oeil : ce film est un chef-d’oeuvre.
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En très gros, tu y suivras l’histoire d’Ofelia qui devra traverser trois épreuves pour retrouver son monde : dans celle qui m’intéresse ici, il s’agit de récupérer « un truc » pour en faire « quelque chose ». Pour ce faire, elle doit passer devant une étrange créature pâle et famélique qui semble moins vivante qu’un fossile.
Forcément, l’espèce de cadavre se réveille et suit la jeune fille d’une manière pas très rassurante. Honnêtement, au cinéma, cette scène m’a terrifiée. Parallèlement à ça, des gens se marraient dans la salle. Je ne sais pas comment fonctionne leur cerveau.
Pourquoi ce paradoxe ? Parce que le monstre a beau être un mangeur d’enfant, c’est pas ça qui le rend plus vif et éveillé. En fait, la course-poursuite ressemble à un running de maison de retraite.
Du coup, le monstre du Labyrinthe de Pan est parfois considéré comme un des plus ridicules du cinéma. En attendant, je trouve que cette scène est justement très oppressante, pesante et originale. Ce monstre a sans doute été jeté aux oubliettes trop vite et c’est vraiment dommage.
Merde, ça en jette quand même !
Thulsa Doom dans Conan le Barbare
En fait, je repense au morphing de cet homme en serpent pendant une orgie cannibale. Et je me dis qu’il est peut-être encore dans le coup, ce bon vieux Doom.
Je le retire tout de suite de cette liste. Mea culpa.
Les vers des sables de Dune
Dune fait partie de ces films dans lequel le héros est joué par un acteur que je n’imagine que dans un seul rôle. Donc quand j’aperçois le grand Paul Atreides sur mon écran, je ne vois en fait que le mari gnangnan et impuissant de Charlotte dans Sex and the City. Déjà, ça n’aide pas à être à l’aise, étant donné que Kyle MacLachlan apparaît dans 98,7% des scènes. Bref.
L’histoire de Dune est plutôt complexe : sache simplement que ça se passe dans un futur très lointain où les hommes se servent de l’épice pour voyager (elle est donc très précieuse) (non, on ne parle pas de harissa) (mets-y un peu du tien, aussi). Mais celle-ci n’est trouvable que sur une seule planète : Arrakis. Manque de bol, c’est un désert aride où se nichent de nombreux vers géants.
Ces grosses bestioles, appelées Shai-Hulud (ou plus communément vers des sables) sont vénérés comme les grands gardiens des sables. En attendant, ça ne les empêche pas de plonger tous crocs dehors sur les pauvres gens qui se trouvent sur leur mucus. Certains s’en servent comme des montures géantes, mais moi, ils ne m’ont jamais inspiré confiance.
Inévitablement.
Les vers d’Arrakis ne font plus peur à personne. Sérieusement, est-ce que tu t’es déjà réveillée en hurlant car un lombric mutant était en train de te suçoter le doigt de pied ? Je ne crois pas. Je vais sans doute aller voir Insidious 2 et je ne pense pas y voir les vers des sables errant aux côtés des esprits malsains. Zut alors.
Le dragon à deux têtes dans Willow
Faut-il vraiment que je situe ce long-métrage cultissime ? Faut-il que je te rappelle cette époque où Val Kilmer était un rêve vivant, et pas une vieille baudruche ? Faut-il vraiment que j’explique ces images ? Je pense qu’elles parlent d’elles-même :
Je suis un dragon à deux têtes en stop-motion, je ressemble à de la pâtée pour chat mais ça ne m’empêche pas d’être badass.
Conclusion : c’est pas parce que ces monstres ne font plus peur qu’il faut les jeter au fond d’un vieux carton plein de VHS en plastoc’. Je milite pour qu’ils reviennent sur le devant de la scène, reprennent du poil de la bête et poussent leur cri le plus strident.
Je rêve d’un monde où les Skeksès lobotomiseraient à tout vent et où les hommes-serpents seraient partout — genre ils pourraient être tes voisins quand tu attends à la laverie. En cherchant le sommeil, tu n’aurais qu’une peur : que Gmork fasse sa toilette sous ton lit. Ces monstres auraient à nouveau la cote, et ce serait bien.
Les Commentaires
J'ai vu aux Etats-Unis un cosplay de Skeksis absolument... incroyable. Un des plus gros coups de coeur personnellement :
Just amazing