J’ai un sens du sacrifice tout à fait relatif : je ne suis pas sûre que je pourrais donner un rein à mon frère*, ni prêter de l’argent à mes ami-e-s**. Par contre, quand on m’a demandé de commenter en live mon premier porno, j’ai accepté.
Il faut savoir que rien ne m’attire moins qu’un porno. Pire, comme je l’expliquais dans ce papier sur le rapport au X, ça a carrément tendance à me mettre mal à l’aise. Ce doit être un traumatisme lié à l’enfance, quand, dans un film quelconque que je regardais avec mes parents, deux personnages forniquaient. Je suis à l’aise avec ma sexualité, je suis à l’aise avec le fait que les autres en ont une aussi, là n’est pas la question. Je suis tellement à l’aise avec le fait que les gens baisent que j’aime bien les faire parler de leurs coïts… Pour autant, je n’ai pas envie de les voir et je n’ai pas envie de les entendre. Du coup, forcément, le porno, j’en ai rien à foutre.
Que les gens en regardent parce qu’ils aiment bien, je trouve ça cool. Je veux dire, quand les gens font des trucs parce qu’ils aiment bien les faire, je trouve ça cool de toute façon. Moi j’aime bien manger du pâté, quand j’en mange, je trouve ça cool. Le porno, je peux même pas (encore) dire que j’aime pas ça, mais je trouve toujours ça moins agréable que de manger du pâté. D’ailleurs, là, je suis sur le point de lancer un film X, je me cherche des excuses et je vous parle en masse de mes préférences culinaires alors que vous vous en foutez, et moi aussi, même si je me ferais bien un rôti. Mais j’ai pas de rôti, et j’ai un salaire à recevoir à la fin du mois alors bon, voilà. Faut que je me lance.
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on ne se lance pas dans le porno comme on se lance sur un lit moelleux à la fin d’une journée fatigante. Je savais pas quoi choisir, comme film, alors avec Fab on a demandé à Desgonzo, du Tag Parfait. Il m’a donné quelques conseils mais j’ai pas su me les procurer (c’était pourtant alléchant : une parodie X de The Big Lebowski, soit un de mes films préférés, ça me tentait plutôt pas mal – ça m’aurait un peu pourri l’oeuvre de voir Walter se faire laper le gland par Maude, mais pourquoi pas). Alors j’ai choisi un truc soft : j’ai choisi du Dorcel. Plus précisément une sorte de very best-of qui s’appelle Pornochic et qui n’a pas l’air trop hardcore. Comprenez-moi : on n’arrive pas plus au porno à 23 ans par du bondage et du prolapse qu’on arrive au rock à 23 ans en écoutant du Black Sabbath.
La vidéo est prête, je n’ai qu’à cliquer sur lecture, j’ai un verre de rosé à côté de moi et une bassine au cas où je vivrais mal l’expérience, mais ça devrait aller. Je l’espère, en tout cas.
À H-0, mon état d’esprit est serein, ma culotte impeccablement sèche. Bon. C’est parti :
Des filles descendent tout doucement un escalier. On se croirait dans Paris Dernière. On nous offre un gros plan sur un porte-jarretelle et un regard langoureux, comme Franck Michael, sauf qu’en mieux. Elles se remettent du rouge à lèvres d’un geste confiant, se tripotent les tétons puis se lèchent le doigt, bref, la base : je fais pareil chaque fois que je sors. Un mâle arrive, une fille le regarde avec les yeux avides (comme les miens quand on me met un sandwich frais sous les yeux alors que j’ai pas mangé depuis 30mn). Mais en fait, on passe à un autre plan sur une autre fille qui se remet du parfum. Ok, c’est soft et propre. C’est bien, la propreté. Ça me parle. Moi je suis particulièrement propre des aisselles et de l’arrière des oreilles.
Bon en vrai ça fait 54 secondes, le générique n’est pas encore fini et je m’emmerde un peu. J’aurais dû choisir un truc qui s’appelle Triple penne chaude. Là, pour l’instant, c’est un peu le festival de la duckface.
Sentez-vous la sexyness se dégageant de cette capture d’écran ? Moi non plus.
Je crois qu’on rentre dans le vif du sujet : trois hommes jouent au billard contre deux femmes. C’est parlant. Boules et queues, tout ça tout ça. Je sais pas si c’est bien, mais en tout cas, c’est cohérent. AH JE NON ATTENDEZ EXCUSEZ-MOI : les hommes jouent au billard tandis que les filles boivent du champagne en faisant semblant de s’intéresser à la partie. Plan sur un des joueurs, un mec un peu rubicond, une coupe à la main, qui hoche la tête comme pour signifier qu’il approuve la façon de jouer de ses collègues. Il ressemble vaguement à Dick Rivers. Je suis pas sûre de vouloir continuer, du coup.
Gros plan sur une des deux blondes. Elle a l’air gentille. Je l’appellerai Contrex. Elle fixe Dick. Je m’y connais pas des masses, mais je crois qu’en porno ça veut dire qu’il se passe un truc, niveau feeling. Dans un film français lambda, ça voudrait dire qu’elle a un secret de famille glauque à annoncer. Ou qu’elle cache à ses enfants qu’elle vient de perdre son job. Là c’est plus festif, ça sent la levrette claquée et la gentille faciale. Dick la regarde. Elle se passe la langue sur les lèvres en souriant, puis regarde ailleurs (peut-être que quelqu’un a pété) avant de poser à nouveau ses yeux sur lui.
2 min 29 : ELLE BOUGE ELLE REJOINT DICK. Si ça se trouve elle va juste lui dire que sa braguette est ouverte. Elle le dépasse puis va s’installer sur un canapé avec une housse pourrie. J’ai l’impression de regarder le Sous le Soleil du pauvre en fait. Il fait style de s’en foutre, mais 30 secondes plus tard il s’installe à côté d’elle. À ce stade de l’histoire, il reste toujours deux joueurs de billard en pleine partie (je les baptise Pascal le Grand Frère et Frédéric) et une blonde qui compte probablement les points. Elle ressemble à Lorie. Je l’appellerai Sabrina.
Retour sur la table de billard, donc, où la partie continue tranquil… Ah non. Pascal le Grand Frère s’incruste derrière Sabrina et la renifle comme si elle était un steak et qu’il en vérifiait la fraîcheur. Frédéric continue sa partie tout seul, mais je crois qu’il ne connaît pas les règles puisqu’il vise la boule noire. Sabrina, tandis qu’elle se fait pétrir le sein par Pascal, l’invite du regard à les rejoindre parce que de toute façon, il doit lui faire mal au coeur tant il joue comme un étron. Quoiqu’il en soit, je crois qu’il se passe quelque chose dans son slip tandis que le premier boob émerge de la robe bustier de la jeune femme.
Frédo regarde la scène, un coude sur le comptoir, sa tête reposant sur sa main. Il essaie d’avoir l’air cool, mais il porte une chemise bleu électrique et personne ne lui touche la nouille. Perso, j’aurais les boules. Il a sa queue dans la main. Celle de billard. Il devrait pas tarder à se faire empoigner l’autre vu que Sabrina l’appelle d’un geste de la main (vous savez, le fameux mouvement du doigt qu’on ne fait plus depuis l’an 1987) tandis que Pascal, avec ses mèches blondes et gominées, lui lèche le sein frénétiquement. Maintenant, la jeune femme est bien entourée avec un fanatique du téton à la langue super rapide d’un côté et Frédo qui se contente de lui rouler de gentilles pelles de l’autre.
État de ma culotte : sèche comme une baguette de pain rassis. Aucune protubérance du clitoris.
On change de plan. Dick et Contrex, qui n’en ont apparemment pas profité pour discuter philosophie, se regardent toujours avec une intensité molle.
Ils finissent par s’embrasser sans grande conviction. Un gros plan sur leurs bouches me permet au moins de voir qu’ils y mettent vaguement la langue, par petits coups, comme s’ils suçotaient un sorbet. Ça me rappelle Bande avec les mous :
Un travelling arrière permet de voir les deux scènes : au premier plan, Contrex et Dick s’aspirant la langue ; au second, Sabrina et ses potes en sandwich humain. Ce recul de la caméra me permet de remarquer un aquarium et une décoration dégueulasse. Sérieusement : des canapés saumon. Jamais je me déshabille sur un truc d’une couleur pareille, j’aurais l’impression de faire l’amour sur du One Direction. La petite bande du billard s’approche alors des autres. Blondie, tenuant la main de Frédo, a la robe au niveau du nombril, les deux seins apparents, et s’avance vers le canapé libre en marchant dignement. Cette scène est à peu près aussi sexy qu’une paire de chaussettes abandonnées sur le sol.
Dick remarque son retard sur les autres (« ELLE EST À POIL DU HAUT ET L’AUTRE ELLE EST ENCORE TOUTE HABILLÉE », crois-je lire dans son regard) alors il commence à palper sa copine. Chaque groupe se roule des pelles sur son canapé, tranquille, en poussant des gémissements peu crédibles.
La musique change : jusque-là c’était un morceau au vieux synthé assez calme, là, on passe carrément à de la dance façon Soirée Disco de Boris (ce qui me fait passablement pleurer de rire). Je crois que ça veut dire qu’on va voir de la chatte et tandis que j’écris je remarque en effet que Dick rattrape son retard sur les autres en retirant le string rose de Contrex, laissant alors apparaître sa vulve imberbe. On passe alors à la partie cunni hystérique (ceci dit, il est en rythme avec la musique) et je suis ravie qu’aucun de mes partenaires n’ait jamais pensé à faire les choses ainsi. Pendant ce temps, Sabrina, ambidextre, branle les joncs de ses deux partenaires à la fois. Je suis admirative. Elle a dû prendre « coordination des membres » en option à la fac. Tandis que Dick enfonce deux doigts dans l’intimité de Contrex, je réalise que nous avons atteint le point Frigide Barjot :
Je m’emmerde fort. Tout le monde a un air si concentré (sauf Sabrina qui fait style « Ouh lala je suis méchante tellement je suis excitée »), on dirait un exercice de calcul mental.
Soudain, un changement de scène, ça devient top top top délire méga groove comme dirait Boris : Contrex a pris la dick de Pine en bouche tandis que sa pote suçote celle de Frédo en se faisant prendre par Pascal qui fait bien attention à faire claquer son paquet sur les fesses de sa partenaire. Je remarque soudain, en poussant le son au maximum, que Contrex fait des pets bucaux pendant la fellation. C’est humain.
En attendant Sabrina fait n’importe quoi avec le chibre de Frédo, bordel, Y A PAS CONTACT. Pour me punir de critiquer leur façon de faire, j’ai droit à mon premier gros plan de pénétration. Ah je. Bon. Pascalou la fait sortir entièrement avant de réenfiler Sabrina pour bien me montrer la longueur de son sexe biseauté. Je ne suis pas impressionnée. Je suis plus impressionnée par la façon qu’a Dick d’exprimer son plaisir puisque je viens de l’entendre crier « Oh yeah ». Sabrina tente de m’impressionner à nouveau en mettant sa jambe limite derrière l’oreille mais elle n’a toujours pas compris qu’elle était sur un canapé saumon en train de faire une fellation à un mec avec une chemise bleu électrique. Elle pourrait faire une équation à 30 inconnues que je serais toujours aussi sceptique.
Coupure : je fais une erreur de raccourci clavier et lance par mégarde Moi, moche et méchant.
Je relance mon porno chic pour me retrouver face à une sodomie en gros plan (Contrex a un anus tellement impeccable qu’on dirait un nombril élargi) pendant que Sabrina se fait faire une double pénétration. Tout le monde beugle là-dedans, je vous raconte pas. Plus particulièrement Contrex qui alterne les « Hummm » et les « Yeah ». Quand elle est à fond, ça donne « Oumié ». J’ai jamais entendu un truc pareil (mais il faut dire que c’est mon premier porno). Ta gueule, Contrex. Tu m’importunes. Semblant m’entendre de son salon, elle refait une fellation à un Dick décidemment infatigable.
Sentant qu’il va bientôt venir, elle le masturbe en ouvrant la bouche et tirant la langue à son maximum, attendant de recevoir la semence de son partenaire. J’ai l’impression qu’elle est chez le dentiste qui lui détartre les molaires. La caméra recule pour me faire remarquer que Pascal se finit avec les pieds de Sabrina, tel un fifou : son pénis n’a pas peur des mycoses. Pour la récompenser, Frédo balance la béchamel dans l’appareil buccal de la jeune femme, ce qui me permet de vérifier que la jeune femme a eu beaucoup de caries : je compte pas moins de 6 plombages noirâtres.
Fin.
Je n’ai pas kiffé.
Ce fut court (ce qui ne me dérange pas plus que ça) mais intense (pas trop en fait). J’ai bien ri mais je n’ai pas forcément envie d’en revoir un dans ce style-là. Je ne rejette pas pour autant l’industrie du porno : un jour, si l’occasion se présente, j’en regarderai très certainement un autre. Un scénarisé, drôle et WTF.
État final de la culotte : aride.
*Je suis fille unique. **J’en sais rien, on m’a jamais demandé.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Je m'explique: si je regarde un film porno à 8h du matin au petit déj', ça me donnera envie de vomir à coups sûrs. Par contre si j'en regarde un, un soir où j'ai envie et que mon copain n'est pas là, sûrement que ce sera différent.
Enfin bref, tout ça pour dire que l'auteur était dans un contexte "analyse de film porno" plutôt que dans un contexte de plaisir sexuel, d'après mon avis...