La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
La question pour la Daronne
Hello Daronne,
Je te contacte parce que je fais face au plus grand problème de ma vie. J’ai 35 ans, un boulot que j’adore, des loisirs, une super bande de potes et je suis très heureux comme ça. Je n’ai jamais eu envie de m’engager avec quelqu’un et j’aime ma liberté.
Depuis environ trois ans, je couchais avec une ancienne collègue et tout était très clair entre nous. Elle ne m’a jamais caché son désir de fonder une famille et d’avoir des enfants, même si elle ne m’a jamais envisagé pour ça. Nous avons arrêté le préservatif au bout d’un moment. Nous savions que de toute façon, si elle rencontrait quelqu’un de sérieux, elle arrêterait avec moi. C’est arrivé que nous arrêtions de nous voir quelques mois pour cette raison.
Mon plan cul vient de m’annoncer qu’elle était enceinte de moi. Ce n’était pas voulu, je la crois. Mais elle m’a dit qu’elle allait garder l’enfant. Elle sait que je ne veux pas être père et elle ne me demande rien, mais l’avortement est hors de question pour elle. Elle est un peu plus âgée que moi, elle est stable, elle gagne bien sa vie, elle est bien entourée, je suis certain qu’elle saura gérer. Je sais que cette grossesse est aussi ma responsabilité, j’étais d’accord pour arrêter la capote et compter sur sa pilule, mais je suis perdu.
Je n’ai pas du tout changé d’avis au sujet de vouloir ou non des enfants, mais je ne veux pas me comporter comme un gros con. Mon père a quitté ma mère avant ma naissance et il n’a jamais rien voulu avoir à faire avec moi. J’en ai souffert, je ne veux pas de relation avec cet enfant. Je ne serai pas contre l’idée de le rencontrer plus tard, s’il le souhaite, mais je ne veux pas m’impliquer dans son éducation. En bref, je me demande ce que je dois faire pour ménager chacun d’entre nous, enfants compris.
Quentin
La réponse de la Daronne
Ma draisienne,
Ce que je m’apprête à te dire va te déplaire, mais j’ose quand même : tu te comportes déjà comme un papa que tu le veuilles ou non. Mais non pas parce que ton plan est enceinte. Mais tu raisonnes déjà comme un père, et même comme un pas trop dégueu, en te demandant comment tu peux éviter au gamin de payer pour tes choix de vie. Oui, se comporter comme un bon papa, c’est avant tout se comporter comme un être humain décent.
L’arrivée au monde de ce bébé est un peu chaotique. Cela dit, entre une mère qui semble l’attendre depuis très longtemps et un géniteur qui prend ses responsabilités et a la décence de reconnaître son implication, cet enfant ne me semble pas condamné à vivre une existence honteuse et coupable.
Et la bonne nouvelle, c’est que toi non plus.
Est-ce que tous les enfants ont besoin d’un papa ?
Non. Les enfants ont besoin d’un ou de plusieurs adultes de référence qui se comportent avec eux comme des « parents ». Cet enfant n’a donc pas besoin d’un père dans sa vie pour s’épanouir. Les statistiques ont fait mentir les rageux de la manif pour tous, ce n’est pas la configuration de la cellule familiale en tant que telle qui influence le bien-être de l’enfant. En témoignent ceux qui ont grandi avec des pères nuls.
J’ai eu l’occasion de rencontrer des femmes qui avaient fait le choix de la maternité solo, et toutes avaient créé un clan de proches sûrs. C’est empirique, mais rassurant.
Assurer à cet enfant une entrée sereine dans le monde
Pourtant, j’ai presque envie de te dire que cette affaire de paternité ne nous regarde pas. Si ça se trouve, cet enfant aura un père, ou une deuxième maman. Les personnes qui ont recours à un don de sperme ne considèrent pas le donneur comme un parent.
Te considérer comme un donneur de sperme et pas comme un père démissionnaire pourrait d’ailleurs changer toute l’histoire autour de la naissance de ce bébé. Naître d’un échange paisible et intelligent de bons procédés, ce n’est pas pareil que naître d’un accident qui aura ruiné la vie d’un père qui le fera savoir. Cela change tout pour l’enfant, mais ça ne change rien pour toi, cet enfant sera là quoi qu’il arrive.
Je te rassure. Je sais que ce petit conseil à la bonne franquette est fourbe. Il louvoie, mais c’est probablement le conseil le plus dur à suivre que j’ai pu dispenser. Je ne peux même pas imaginer ce qu’implique de faire la paix avec une descendance génétique imposée. C’est pour ça que je ne peux que t’inviter à solliciter fissa une aide psychologique. Tu pourras poser les mots auprès d’un professionnel qui t’aidera à en trouver le sens. Cela te permettra également de bien savoir ce que tu attends, ou plutôt n’attends surtout pas, de la part de ton amie et de son bébé.
Le dernier rencard, pour se dire au revoir
Curieusement, ce sous-titre résume assez bien la conclusion à venir. Bref. À ce stade de l’histoire, tu sais exactement ce que tu es prêt à offrir, ou non. C’est le moment de convoquer la co-génitrice pour une ultime discussion apaisée où vous acterez votre arrangement : tu ne veux pas qu’elle te prévienne pour l’accouchement, ou au contraire, tu souhaites être informé des événements phares. Souhaites-tu contribuer financièrement ? Veux-tu couper les ponts définitivement ou répondre présent en toute décontraction ? Etc. Évidemment, ce contrat moral dépend de la volonté de la future mère. Si tu ne reconnais pas cet enfant, tu n’as légalement aucun droit d’exiger quoi que ce soit. Je précise pour éviter les embrouilles. Et aussi parce que c’est vrai.
J’ose croire que les deux adultes impliqués dans cette affaire sont raisonnables et bienveillants. Alors, vous vous quitterez pour toujours (ou pas) et chacun d’entre vous s’ajustera de son côté à cette « nouvelle réalité », matérielle ou philosophique.
Je te laisse, je dois aller dire au Daron que j’ai décidé de garder les enfants. Ils font beaucoup de bruit, mon fils se prend pour ma mère (« Mets tes gants maman ! Ferme ton manteau maman »), ma fille se prend pour moi (« Je suis trop fatiguée pour ranger mes rollers, maman »), mais bon. On sera content quand ils nous paieront l’EHPAD*.
La bisette,
Ta Daronne.
* Ceci est une plaisanterie.
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