La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés d’une louche d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
Chère Daronne.
J’ai toujours eu des relations compliquées avec mon père. Quand je me suis mise en couple avec mon conjoint, il a eu des propos très durs et méprisants : mon copain n’était qu’un minable, il venait d’une famille de cas sociaux, je lui foutais la honte…
Autant te dire que j’ai coupé les ponts définitivement et ensuite je me suis sentie beaucoup mieux. Les années ont passé, nous avons eu des enfants, fait notre vie. Mais voilà que récemment, mon père m’a recontactée.
Il me dit qu’il regrette ce qui s’est passé et qu’il voudrait renouer le contact et rencontrer ses petits-enfants. Mon compagnon garde bien entendu ces insultes en travers de la gorge mais il est prêt à faire un effort si c’est ce que je veux.
Mon entourage me dit de lui donner une chance, qu’il est vieux, que c’est mon père, que je ne dois pas être ingrate, que je risque de regretter. D’un côté je rêve d’une relation apaisée et « normale » (ça existe ça ?), d’un autre côté je ne sais pas si je suis prête.
Qu’en penses-tu ? Tu pardonnerais, toi ?
Des bises,
Émilie
La réponse de la Daronne
Ma petite Jane willoughbys
Je dois t’avouer que je n’ai jamais compris pourquoi il fallait pardonner plus volontiers les gens de sa famille. Personnellement, si quelqu’un me fait du mal, je me fiche bien qu’il s’agisse de mon père ou de ma mère. Au contraire même, car quoi de pire que de se faire latter la tronche par les êtres censés nous aimer le plus ? Bah franchement, j’ai beau chercher, je ne vois pas trop.
D’un autre côté, si on restait campé sur nos positions ad vitam et que personne n’accordait le pardon à personne, tout le monde serait brouillé avec tout le monde et on serait bien emmerdé. Parfois il faut tout de même mettre de l’eau dans son vin.
Alors reprendre contact ou pas ? Eh bien, comme j’aime le répéter semaine après semaine : Ça dépend !
Pardonner pourquoi et pour qui ?
Pour commencer, penchons-nous sur quelques définitions primordiales, qui nous permettrons d’aborder la suite.
Il existe une différence fondamentale entre justifications et excuses. La justification permet de revenir dans la vie de la personne blessée comme si de rien n’était en invoquant des raisons douteuses pour justifier ses actions dévastatrices. Je ne le pensais pas, je ne m’en souviens pas, tu m’as mal compris, je suis maladroit, oublions le passé BLA-BLA-BLA-BLA.
La personne qui a blessé, qu’il s’agisse de ton père, de ta mère, de ta sœur ou de la reine d’Angleterre, ne se remet pas en cause. Elle veut seulement que tu arrêtes de faire des histoires puisque les conséquences de ta colère lui compliquent la vie.
Et puis il y a les gens qui s’excusent pour de vrai. Ils n’admettent pas leurs erreurs en ajoutant que — « mais quand même, tu surréagis ». Ils ne disent pas les choses — « Pour te faire plaisir, sinon tu ne passeras jamais à autre chose ». Ils ont cheminé, et se sont suffisamment remis en question pour comprendre pourquoi leurs actions avaient pu blesser leurs proches.
D’ailleurs leur source principale d’inquiétude réside dans le fait qu’une personne qu’ils aiment souffre. Pas dans le fait que ces gens ne souhaitent plus leur parler et que ça n’est ni pratique ni valorisant. Une personne sincèrement désolée désire avant tout que tu te sentes mieux, tant pis si cela signifie qu’il faudra de nombreuses années avant que tu acceptes d’ouvrir ton cœur à nouveau (c’est beau, non ?).
Si tu sens que ton père a réfléchit et regrette aujourd’hui ses paroles de jadis, pas parce qu’elles l’ont mis dans le caca mais parce qu’il a réalisé leur stupidité, une prise de contact évolutive peut s’envisager. D’abord un coup de téléphone pour tâter le terrain, puis pourquoi pas un café si un jour tu t’en sens le courage, etc.
Je ne te dirai pas qu’il serait dommage de te priver de ce précieux contact, je n’en sais rien, comme je ne sais pas si tu regretteras un jour de ne pas l’avoir fait. Mais si tu en as l’envie et que tu sens que les promesses sont sincères, ne laisse pas tes principes se mettre en travers d’une relation qui pourrait bien renaître de ses cendres.
Le droit à l’enfant n’est pas un droit et le pardon n’est pas obligatoire
Quoi qu’il en soit, n’écoute pas ceux qui te disent qu’une famille on n’en a qu’une (à mon avis, des fois, même une c’est déjà beaucoup trop). Et puis quoi, tu devrais t’écraser sous prétexte que des gens ont pris la décision à ta place de te faire naître au monde il y a plus de 30 ans ?
Désolée mais pas désolée, tu ne dois rien à personne. Et tes enfants non plus. Car on touche à un autre sujet qui me chiffonne un brin : ce truc qu’ont certains grands-parents à revendiquer le droit de voir leurs petits-enfants.
Entends-moi bien, parfois, vraiment, c’est triste. Je veux bien croire que certains gentils papis-mamis se soient trouvés sur la route de parents très méchants qui les empêchent de profiter de leur position de pépés gâteaux. N’oublions tout de même pas que les gens sont très forts pour raconter ce qui les arrange. Un pauvre papi spolié, c’est souvent un ancien papa à chier, il faut bien le dire. Et même si ce n’était le cas : nos enfants n’appartiennent à personne. Le droit de voir ses (petits)-enfants, c’est d’ailleurs souvent un argument brandi pour attaquer à l’aise le parent qui essaie de se préserver.
Pour résumer, si tu en as envie et que tu sens que ton père regrette sincèrement ses actions et qu’il a réellement changé d’attitude, tu peux lui laisser une chance et reconnecter (À TON RYTHME). Sinon, ou même si c’est le cas mais que tu es trop blessée pour passer au-dessus des événements passés, tu as parfaitement le droit de refuser et d’envoyer bouler ceux qui essayent de te culpabiliser. On peut couper les ponts avec les gens qui nous ont fait mal. D’ailleurs si tu veux mon avis, on devrait s’autoriser à le faire plus souvent.
Allez, je te laisse, j’ai des gens à bloquer sur Facebook,
La bisette,
Ta daronne,
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Image en une : © Unsplash/Jonathan Borba
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