Quand on me demande si mon père est quelqu’un de spécial, je suis toujours tentée de répondre « non ». Il n’est pas spécial (sauf pour moi, il est de mon devoir de fille-à-Papa de l’aimer) (c’est Dieu qui l’a dit) (j’écoute Dieu quand ça m’arrange). Mon père est un presque quinquagénaire comme les autres, qui a élevé sa fille comme les autres (bon, d’accord, j’ai les cheveux teints d’une couleur que tu ne veux pas connaître, mais à part ça, j’ai été élevée TOUTAFAY NORMALEMENT JE TE LE PROMETS!), et qui mène sa vie comme les autres.
Sauf qu’après, je me rappelle d’un petit détail de la vie de mon Papa qui m’a amenée à penser que c’était le plus cool, à sa façon.
J’étais encore en primaire lorsque ma mère m’a amenée à la fête d’Halloween de l’école où mon père aidait bénévolement à l’organisation. Cette fois-ci, il s’occupait du bar, ce que j’ignorais. Ma mère nous y a donc emmenées et a poussé un petit cri de surprise avant de lâcher un « Je ne t’avais pas reconnu ! » amusé.
Je ne vous dis pas la belle plante qui s’offrait à mes yeux. Des jambes interminables, des cheveux longs et noirs, et une bonne grosse voix de gentleman.
Mon père.
Mon père avec une jupe.
Mon père avec de longs cheveux noirs.
Mon père avec des talons de 12.
Allô ?
C’était Halloween, alors pour moi, c’était son déguisement de cette année, et ça restait quelque chose d’amusant. Mais quelques années plus tard, quand t’es assez grande pour avoir croisé plusieurs fois le terme « travesti » (ou « travelo » pour les intimes connards), t’as encore un peu de mal à imaginer la chose sur TON père, symbole de virilité (et autres bêtises). Non. Mon père ? Travesti ? Une idée qui ne me traverserait même pas l’esprit
.
Un soir, nous étions invités chez des amis de ma mère, et au milieu de la soirée, l’hôte de la maison nous présente sa grande amie Jeanine.
Jeanine a les jambes longues, des talons de douze, une jupe en cuir, les cheveux noirs et le visage de mon père. Là, je me souviens de cette soirée d’Halloween, et je comprends alors que mon père est, en effet, un travesti. Et sur le coup, j’ai trouvé ça trop cool. Parce qu’ainsi, mon Papa amusait ses amis, assumait ses goûts, s’éclatait, et, j’aime bien le rappeler, était une belle gosse.
Je ne l’ai plus jamais revu habillé ainsi, mais à plusieurs reprises, et encore aujourd’hui, alors que cela fait plusieurs années qu’il a arrêté de se travestir, nous croisons encore des clins d’oeil de cette « époque » (j’aime bien dire le mot « époque » pour un truc qui date d’il y a 5 ans, ça me donne un air ancien, malgré mes 16 ans). Parfois, quand nous regardons des photos souvenirs, il y en a plusieurs dans le lot où mon père redevient la jeune fille en fleur dans la peau de laquelle il aimait bien entrer.
Il nous a aussi raconté qu’une fois, lors d’un tournoi de tennis féminin de son club habituel, l’une des participantes étant aux abonnés absents, il avait vite enfilé une perruque et joué à sa place. Ç’aurait été un brin rabat-joie de l’empêcher d’y aller, mais il n’était même pas question de ça. C’était amusant et sympa, alors pourquoi pas?
Encore maintenant, c’est lui qui lace mes corsets. Je l’ai déjà supplié de me refiler le sien, vu qu’il ne le met plus, mais bien sûr : « On pourrait en mettre 4 comme toi dedans !« . Tant pis… Et ai-je besoin de préciser que ce n’est pas ma mère qui m’a appris à marcher en talons ?
Voilà pourquoi mon père est spécial. Parce que je sais que tous les Papas ne se déguisent pas en fille quand l’envie leur prend, et parce qu’en quelque sorte, mon Papa, c’est la femme de ma vie.
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Les Commentaires
J'aimerais bien un d'une madmoizelle avec deux papas !