Derrière notre vie des plus ordinaires, et sous le masque d’une famille des plus classiques se cache la générosité d’un grand homme : mon Papa.
Mon Papa, moi, je ne l’ai rencontré qu’à l’aube de mes sept ans. Un bout de chiffon dans le bec, tenant la main de ma mère, je me suis approchée pour lui déposer un délicat baiser, murmurant : « Tu ressembles à Roch Voisine ». Notre histoire commençait.
« Tu veux bien être mon Papa ? »
Après une existence dorée, choyée par des grands-parents aimants et une Maman qui gérait d’une main de maître son foyer mono-parental, je n’ai pas eu le loisir de me poser beaucoup de questions sur ma vie sans père, et pourtant : une interrogation tourmentait mon jeune esprit. Pourquoi à l’occasion de la fête des Pères, offrais-je mes hideuses créations scolaires à mon grand-père ?
L’enfant n’est pas si naïf et il est un seigneur dans l’art de poser les bonnes questions, aux bonnes personnes… Ainsi et grâce à la nébuleuse malveillance de morveux goguenards (on l’est tous à cet âge) j’ai rapidement compris que derrière la passion débordante de Papi et Mamie et l’amour inconditionnel d’une mère à sa fille, se cachait la triste histoire d’un abandon inconvenant.
A six ans, on veut être une gamine conventionnelle et on n’aime pas vraiment être hors norme (c’est mieux pour la socialisation). Alors ce beau trentenaire, au physique d’Apollon qui ne laissera pas indifférente mes copines à l’adolescence, deviendra mon père ou sera banni de l’ordre des éphèbes s’il ne répond pas favorablement à ma requête. Et croyez moi ou non, mais la séduction était devenue chez moi bien plus qu’un art mais un vrai métier. En avril 1993, ça y est, j’avais un Papa.
Il m’a reconnu l’été 1996, un peu avant la naissance de mon deuxième frère, un peu avant le mariage qui unira mes parents jusqu’à la fin des temps (je suis une grande romantique) ; bref, j’avais dix ans. L’heure des rebellions n’avait pas encore sonné. La messe était belle. L’espiègle galopin peu farouche que j’étais, vivait bercée d’une stabilité sociale et avait définitivement conquis le cœur d’un homme (c’est bien le seul d’ailleurs) ; mais ce n’était sans attendre la crise hormonale du poulbot pré pubère que j’allais devenir.
Cette foutue nubilité est venue noircir le tableau. La dissidence et l’insoumission face aux liturgies parentales me transformèrent en une espèce de rebelle aux faux airs d’artiste déchue, envoyant promener l’ordre, la morale et tout ce qui s’apparente un brin à une quelconque autorité.
« Tu n’es pas mon vrai père ! »
Des hordes de syntagmes plus sympas les unes que les autres rythment notre quotidien. Mais heureusement mon Papa au physique de Dieu grec, qui a fait deux fois le tour du monde sur la « Jeanne d’ Arc » et le « Henri Poincaré » (il était dans la Marine Nationale) est l’homme le plus pragmatique de la planète et ne s’est jamais démonté devant ma démoniaque stupidité. C’est d’une main de fer qu’il n’a cessé de me guider, s’efforçant dans l’abnégation héroïque de lui-même, à faire de moi une personne juste et honnête.
Le cœur empli de ses convictions et sous le voile de l’homme inébranlable, j’ai mis la belle âme de mon père à rude épreuve. Sans lui, et je le dis avec certitude, je ne serais jamais devenue celle que je suis aujourd’hui. Fière, j’ai même choisi, à son image, de servir à mon tour, mon pays. Mon Papa, mon héros !
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