La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés d’une louche d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
« Chère Daronne,
Je suis en couple depuis quelques années avec un mec qui me rend très heureuse et le sentiment est réciproque pour lui (yeah).Une seule ombre au tableau : il refuse de se dire féministe. Selon lui, le féminisme est un mouvement extrémiste. Pourtant, au quotidien, bah… il a tout d’un mec féministe en fait. Il fait la plupart des tâches domestiques, car je travaille beaucoup plus que lui, il est d’ailleurs très fier de mon succès pro, il s’insurge des violences faites aux femmes, je ne l’entends jamais avoir la moindre réflexion macho, je sais qu’il place tous les genres sur le même pied d’égalité…
C’est limite le mec le moins sexiste que je connaisse. Alors pourquoi il ne veut pas admettre qu’il est féministe ? C’est quoi son problème ? Moi je suis féministe et il le sait (« Oui, mais toi ce n’est pas pareil, tu n’es pas extrémiste ») et des fois ça me chagrine d’être avec un mec qui n’est pas fichu de comprendre les enjeux d’une cause aussi importante.
Help !
Audrey »
La réponse de la Daronne
Ma petite Virginia Woolf,
Franchement, des fois, le couple hétéro, c’est le cirque Pinder. Nan, mais je te jure. À cause de leurs délires sémantiques, non seulement on se retrouve à militer toutes seules (ça ne change pas trop, tu me diras), mais on doit en plus se coltiner leurs jérémiades et perdre des heures à leur expliquer des trucs que de toute façon ils refusent d’entendre, parce que s’ils entendaient, oh là là, il faudrait se remettre en question, confronter le pote marrant qui met des mains au cul quand il est bourré, leur père à la retraite qui se gratte les roubignoles devant la télé pendant que leur mère qui bosse encore se tape la vaisselle et leur frangin qui refuse de changer les couches de son nouveau-né. Imagine le malaise.
L’homme pas féministe, cette nuisance qui envahit nos rues
Malheureusement, le nombre de cismecs qui refusent de se considérer comme féministes est tragiquement élevé. Déjà, dans le mot féministe, il y a féminin, imagine s’ils s’en réclament, il pourrait leur pousser des culottes en dentelles roses, oskour.
Et puis, accessoirement, ça reviendrait à admettre que leur genre merde dans les grandes largeurs depuis la nuit des temps. ALORS QU’EUX PERSONNELLEMENT N’ONT JAMAIS EU DE CONDUITE SEXISTE (bah si mec, forcément). C’EST INJUSTE.
Si on ne pouvait sortir qu’avec des cismecs ouvertement féministes, il n’y aurait plus grand monde. Ça ne serait peut-être pas plus mal, tu me diras, ça nous laisserait plus de temps pour se barrer boire des cocktails sur la plage entre copines, mais ce n’est pas le sujet. Surtout que je t’avoue qu’à titre personnel, je me méfie AUSSI des mecs qui se revendiquent féministes. De ce que j’ai pu en voir, ce n’est pas jojo rose non plus. Pour t’expliquer pourquoi toi tu n’as rien compris au féminisme et pour se serrer oklm des étudiantes en lettres de 15 ans leur cadette, ils se posent là.
Je te jure, je me demande vraiment ce qui nous a flanqué des crétins pareils, bref…
L’homme pas féministe : qu’est-ce que ça veut vraiment dire ?
Dans ta lettre, tu dis que tu es avec ton mec depuis un bon moment. Je suppose donc que s’il y avait eu des red flags, ou en français des signes qui puent le caca post soirée raclette arrosée, tu les aurais déjà saisis au vol. Mais examinons tout de même ce point ensemble, par exemple pour des sœurs qui viendraient tout juste de se mettre en couple avec un Je ne suis pas féministe, je préfère le mot égalitariste.
Le principal risque d’un mec qui ne veut pas se dire féministe, car il n’aime pas l’extrémisme, le prosélytisme, gnagnagnisme, c’est qu’il soit … TA DA… Une petite merde machote, comme dirait ma mère, aka la Grande daronne.
À voir donc si ton Pas féministe gnagnagna de salon arbore également une attitude qui peut laisser penser que non seulement, il ne veut pas se mouiller, comme 99,999% de ses compères, mais qu’il considère aussi que les femmes ont une place bien à elle, et qu’elle se trouve derrière un four ménager ou un aspirateur. Soit vigilante, et prend tout le temps qu’il te faut avant de t’engager. Et pendant qu’on y est, abandonne ce fantasme du prince charmant fort, protecteur et attentionné, parce que la galanterie et tout ce bordel ça cache souvent de la misogynie toute moche. Vivre le conte de fée, c’est chouette, on ne va pas se mentir, mais mieux vaut garder les yeux bien ouverts.
A-t-il des copines filles ? Et quand je parle de copines, je ne parle pas de potes avec qui il cultive une ambiguïté cheloue ou qu’il passe son temps à dénigrer. Et d’ailleurs comment parle-t-il des autres femmes ? Te dit-il que toi, tu n’es pas comme les autres filles (si oui, méfiance) ? Et quand il va chez ses parents ? Il aide ? Et quand tu vas chez lui, c’est déjà toi qui fais le ménage ? Et il dit quoi quand il voit une femme à la télé ? Que de questions.
Sortir et rester avec un mec pas féministe ?
Constater que l’on vit avec des individus qui préfèrent conserver coûte que coûte leurs privilèges et leur confort plutôt que de soutenir une moitié de population qui continue d’en chier des ronds de chapeau au quotidien, ça fait mal. Suffisamment mal pour se demander si on ne ferait pas mieux de sortir du couple hétéro une bonne fois pour toutes. C’est une option qui est de plus en plus envisagée autour de moi, et je comprends bien pourquoi.
Tu peux aussi décider qu’à titre individuel, ton cisrelou de salon t’apporte suffisamment pour que ça vaille le coup. Parce que ce qui compte dans la vie, c’est de kiffer, et si tu kiffes avec un mec qui n’a pas l’air pire que les autres, qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Sois heureuse petite mésange du printemps ! Sois heureuse ! Et n’hésites pas à lui marteler les bases jusqu’à ce que ça rentre. Enfin, si tu t’en sens le courage. Je ne te forcerai jamais à rien, tu le sais.
Je te laisse, il faut que j’aille m’engueuler avec le daron,
La bisette,
Ta Daronne
Crédit photo image de une : Andrea Piacquadio / Pexels
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Les Commentaires
Ça que tu décris me rappelle moi il y a 25 ans : je décolorais mes cheveux en blond et mettais du vernis à ongles violet, donc, du coup, je ne me permettais même pas d'ouvrir ma gueule de féministe que j'étais déjà à l'époque, étant extérieurement si ''mauvaise féministe'', (car par certains critères, j'adhérais au concept de femme-poupée qui veut plaire aux mecs (si ça choque, faut savoir que non seulement que fin 90-début 2000 ,le féminisme n'était pas à la mode, mais c'était clairement la honte de l'être, car on repartait 30 ans en arrière, en 70. Désolée du terme - on s'en moquait (quand je dis ''moquait'', ça veut pas dire on s'en foutait, mais on en riait), c'était une putain de honte d'être redevenue féministe, les filles fortes également, et les comportements choquants des mecs étaient plébiscités, les réactions des femmes moquées.
Bref, étant à l'époque un peu maquillée je ne m'autorisais pas à parler de féminisme. Surtout qu'un jour, en 1999, la famille de mon petit ami m'a humiliée en me disant que personne ne m'obligeait à m'épiler les sourcils, donc qu'il n'y avait aucune injonction physique envers les femmes et que je faisais ce que je voulais. J'ai eu du soutien permis les femmes et jeunes filles présentes. Mais je me suis sentie complètement piégée : dans la mesure où je décidais moi même de m'epiler finalement les sourcils, en quoi pouvais-je le plaindre de me sentir obligé de mettre les jambes et les aisselles...)
Ce que semble dire ton pote est bien plus humble, il a le positionnement que je pourrais avoir concernant le racisme, en tant que blanche. Il ne se sent pas du tout légitime pour ouvrir sa bouche que le sujet, ne s'étant jamais senti concerné... Je n'ai pas entendu ton ami parler, peut être cherche t il juste un biais pour échapper à la discussion/réflexion... Mais à priori, son échappatoire me semble légitime