La question pour la Daronne
Chère Daronne,
Mon frère m’a toujours rabaissée : sur mon physique, sur ma santé mentale. De son côté, il coche « toutes les cases » (maison, copine) et récemment, il m’a annoncé vouloir avoir un bébé avec sa copine de toujours. J’avoue que je n’étais pas enthousiaste et je lui ai fait sentir.Face au ras de marré que ça a causé, j’ai fini par m’excuser avec un truc du genre : « Bon d’accord, « félicitations » puisque c’est ce qu’il faut dire dans ces cas-là. »
Quand nous sommes revus, sa meuf était enceinte. Il a été odieux et a fini par me dire : « Tu vois, tu disais que j’étais chiant, et aujourd’hui, je suis avec ma femme, et on va faire un enfant, alors que toi, tu es toute seule. »
Il me brandit sa paternité au visage comme une victoire et une réussite, mais on sait qu’aujourd’hui, il est beaucoup plus facile d’être père que mère. Et puis, en quoi c’est un signe de réussite pour lui de se reproduire et de fonder une famille ?
Cette phrase m’a profondément blessée, et je lui ai dit que je refusais de le voir tant qu’il ne se sera pas excusé. Mais lui me dit qu’il ne se souvient même pas m’avoir balancé ça !
Cette brouille fait beaucoup souffrir mes parents qui ne voient pas le problème et ne comprennent pas que je puisse en avoir gros sur la patate. Pire ! Mon frère repose toute la faute sur moi parce que c’est moi qui fais la tronche alors que c’est lui qui est odieux. Du coup tout le monde me presse de lui reparler et de faire comme si de rien n’était.
Je veux bien tes conseils éclairés par un long frottage à la vie de famille et la vie des gens !
Merci,
Laure
La réponse de la Daronne
Mon petit hortensia joli,
J’ai lu ta lettre avec attention, tu m’excuseras, comme je ne pouvais pas la publier en entier, j’ai dû la résumer. Je sais qu’on ne dirait pas comme ça, mais je suis soumise à des impératifs rédactionnels !
Allez, c’est parti, je vais ouvrir ma réponse avec une petite platitude comme on les aime et qui ne manquera pas de raisonner en chacun de nous :
On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille.
Maxime Le Forestier, un grand philosophe contemporain
Ce machin de famille, c’est la grosse loterie. Il arrive que tu tombes dans une tribu unie. Mais en général, tu débarques plutôt dans un gros bordel plus ou moins dysfonctionnel. Ainsi va la vie. Je ne sais pas qui a déclaré que sous prétexte qu’on avait squatté le même utérus il y a plusieurs décennies, on devait bien s’entendre, mais, à mon avis, cette personne s’est totalement foirée et a fait au passage beaucoup, BEAUCOUP, de mal autour d’elle. Comme tu le dis si bien, la bonne entente entre adelphes relève souvent de la fiction.
La paternité et le féminisme : ce sujet épineux
Je n’ai pas retranscrit l’intégralité de ta réflexion, très intéressante, sur le féminisme et la paternité, mais je partage complètement ton avis concernant la plupart des cismecs et leur parentalité. Beaucoup plus souvent que pas souvent, l’homme qui devient père se la coule plutôt douce pendant que sa nana s’active. Comme si ça ne suffisait pas, le mec vient soûler tout le monde avec sa soi-disant modernité, sous prétexte qu’il a changé une couche une fois dans sa vie.
C’est insupportable. C’est d’autant plus insupportable si, comme ton frère, le mec vient te donner des leçons de vie alors qu’on sait qu’en coulisse, ce n’est pas lui qui gère le quotidien. Tu me diras, s’il gérait le quotidien, il aurait beaucoup moins de temps pour pérorer, ce serait dommage quand même.
Cela dit, j’ai l’impression que dans ta lettre, tu cherches à justifier le fait que ton frère te sorte par les trous de nez et les raisons qui te poussent à mépriser ses choix de vie. Or, non seulement le vrai problème n’est pas là (il existe de nombreuses frangines CF qui acceptent poliment la marmaille de leur frère), mais en plus de ça, tu n’as pas besoin de te trouver d’excuses.
On est entre nous mon petit potiron, moi, ça ne me dérange pas que tu trouves ton frère super naze. On parle quand même d’un type qui t’a fait beaucoup de mal et qui semble prendre un malin plaisir à t’écraser. Ou qui cherche à compenser un truc. Ou peut-être les deux. Je n’en sais rien, c’est toi qui m’as écrit, pas lui.
La réponse du berger à la bergère
Revenons maintenant à ta demande d’excuse de sa part. Finalement, tu ne crois pas que ce besoin d’excuse, c’est un peu l’arbre qui cache une forêt de grosses rancœurs ? Moi si.
Surtout que bon, désolée te faire remarquer que dans ce cas très précis sa pique moche, c’est un peu la réponse du berger à la bergère. Tu as critiqué ouvertement son choix de vie et tu lui as sorti la fausse excuse la plus pétée du monde « Bon d’accord, « félicitations » puisque c’est ce qu’il faut dire dans ces cas-là. » Le fait qu’il te jette une petite crotte de nez au visage par-derrière, c’est de bonne guerre.
Mais ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit ! Je ne crois pas pour autant que tu aies tort de lui en vouloir, de ce que tu me racontes, vous accumulez plus de dossiers que Pôle Emploi avant sa transition numérique.
Je ne sais pas ce que ton frère cherche à compenser, ni pourquoi il veut à tout prix t’écraser. Je ne sais même pas si de son côté, il n’a pas pléthores de choses à te reprocher, ni une version des faits aussi salée que la tienne. Mais, comme tu l’as dit toi-même : la vie m’a apporté une grande sagesse. Enfin, ce n’est pas tout à fait ce que tu as dit, mais c’est comme ça que j’ai décidé de le prendre. Alors, laisse-moi te dire ce que je ressens au fond de moi : il faut que tout ce cirque familial cesse et que tu penses à toi, et seulement à toi.
Lâcher prise pour avancer en paix
Souvent, malgré les tentatives désespérées de leurs proches, certaines personnes refusent de se remettre en question. C’est terriblement douloureux et frustrant puisque cela implique qu’on n’obtiendra jamais la réparation qu’on mérite. C’est difficile à accepter, mais c’est tristement courant. Dans ce cas-là, plutôt que de s’épuiser à courir derrière des signes de regrets qui n’arriveront jamais, il vaut mieux prendre la tangente.
Arrête de le voir si ça te fait du bien. Désolée pour tes darons, mais c’est trop facile de culpabiliser tout le monde et d’ignorer la souffrance des uns et des autres au profit de son intérêt personnel. S’ils ont envie d’adhérer à la vision tra-tra qu’à ton frère de la vie et se foutre des œillères, car BAH C’EST BEAUCOUP PLUS CONFORTABLE, tant pis pour eux.
À l’heure actuelle, personne dans ta famille ne semble prêt à t’accorder ce dont tu as besoin : la reconnaissance de ta souffrance, pourtant légitime. Ils ne seront peut-être jamais prêts à le faire et il faudra que tu apprennes à vivre avec cette idée. Mais, vivre avec cette idée loin d’eux limitera considérablement les dégâts.
Alors puisque tu me demandes mon avis, je pense que non seulement, tu as parfaitement le droit de couper les ponts avec ton frère, mais que ça lui fera du bien à lui aussi. Et le fait que tes parents ne comprennent pas ta décision ne signifie ni que cette décision n’est pas justifiée (COME ON, elle l’est !), ni que tu ne devrais pas la prendre, pour le bien de tous.
Je te laisse, je dois appeler ma sœur, j’ai des choses à lui dire,
La bisette,
Ta daronne
Crédit photo image de une : evgenyatamanenko
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