La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’un lecteur !
La question pour la Daronne
Chère Daronne,
Mon fils de 8 ans vient de débarquer dans l’école de notre nouveau quartier. La maîtresse m’avait déjà fait des remarques sur son comportement agressif envers certains élèves, mais mon fils m’en avait parlé comme ne s’entendant pas avec eux, sans que ça n’ait l’air de poser soucis.
Ma femme et moi avons finalement été convoqués par la directrice, apparemment mon fils harcèle carrément un élève. Il lui aurait dit des choses horribles, qu’il n’a jamais entendues chez nous. Mon fils dit que l’autre exagère et qu’il ne pensait pas ce qu’il a dit. J’ai peur qu’on ait raté son éducation, ou pire, qu’il soit dénué de la moindre empathie …
Qu’est-ce que je fais ?
Adrien
La réponse de la Daronne
Mon petit écureuil,
Comme je te comprends. Je pense que si nous craignons tous que nos enfants se fassent harceler, nous avons du mal à envisager qu’ils puissent faire partie du camp des agresseurs. À une époque où la parole se libère et où notre société cherche (parfois) des moyens de se montrer plus juste, il est malvenu d’élever un bully.
Aujourd’hui, dans la société mainstream, plus personne ne fait l’apologie de la violence (et tant mieux). Au contraire, elle constitue presque un tabou, comme si le monde se composait à 95 % de chiots de la Pat Patrouille, et de quelques Maires Hellinger repérables à leur air patibulaire et leur teint cireux. Pourtant, Barbie est le film ayant rencontré le plus de succès en 2023. Si ça n’a rien à voir avec cet article, en deuxième et troisième positions du classement de ces films qui ont le mieux marché en 2023, on trouve Openheimer et Les Gardiens de la Galaxie 3. Soit l’histoire d’un mec qui a inventé une des armes les plus meurtrières de tous les temps, et celle d’un autre mec qui se bastonne dans l’espace. La violence fait volontiers partie de nos vies, elle est partout, il y en a chez nous et chez nos enfants.
Il faut l’accepter, pour mieux la gérer et, justement, ne pas la canaliser dans le harcèlement.
Acceptons que nos enfants puissent être des harceleurs
Selon Jean-Jacques Rousseau, grand pédagogue de son temps, ou devrais-je même dire le Yann Moix des Lumières, les enfants naissent innocents, avant d’être pervertis par la société.
Je ne nie pas que notre monde est un peu cramé, mais pas de là à supposer que nos rejetons étaient purs avant de chiper notre tablette pour la première fois. Il s’agit clairement d’une réflexion de type qui n’a jamais eu à gérer un conflit de bac à sable de sa vie. À 18 mois, ils ne reculent devant aucun coup de râteau ni jet de sable pour ramener à la maison ce seau en plastique moche qui ne leur appartient pas.
Tous les parents ont été témoins de scènes troublantes de ce genre. Pourtant, tous les parents continuent d’imaginer que le harcèlement et la violence infantile seraient l’apanage de sociopathes en herbe. Cette croyance statistiquement improbable est dangereuse, car elle empêche de recadrer le harceleur et de protéger le harcelé. Face à une nouvelle comme celle-ci, il faut essayer d’adopter la même réaction que face à toutes les autres : comprendre et agir ensemble pour que cela ne se reproduise plus.
Non, je ne gère pas aussi bien ma vie parentale que je ne trouve mes intitulés.
Pourquoi mon enfant harcèle ?
Tous les enfants sont susceptibles de harceler, mais ce harcèlement témoigne toujours d’un mal-être. C’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est qu’aucun être humain, ton enfant inclus, n’est épargné par les périodes de malaise. La bonne nouvelle, c’est que selon les chiffres, le harceleur n’est pas un enfant plus méchant ou cruel que les autres.
Tu me dis que ton fils vient d’arriver dans une nouvelle école, et qu’il a du mal à trouver ses marques. Le harcèlement peut présenter une manière de s’intégrer, par exemple en adoptant les codes du groupe. Le harcèlement peut également masquer le manque de confiance en soi. Il est malheureusement possible aussi que le harceleur reproduise des comportements dont il a été victime. C’est le moment de parler à cœur ouvert avec ton enfant pour identifier et verbaliser son mal-être, quitte à consulter, parce que ça ne peut pas faire de mal.
Si ton fils doit pouvoir continuer de compter sur ton soutien indéfectible, le harcèlement est une violence qui ne doit jamais être minimisée. Le harceleur doit être mis face à la responsabilité de ses actes. Après une discussion sérieuse, possiblement en présence d’un psychologue, l’enfant pourrait envisager une façon de réparer ses actes, en fonction de son âge et des souhaits des enfants qu’il a blessés.
C’est celui qui dit qui y est ! Miroir !
L’autre jour, mon fils est arrivé, le visage barbouillé de rouge à lèvres. Il m’a dit « regarde maman, je suis comme toi ! ». Les enfants sont des copieurs dans l’âme, mais ne se contentent pas de nous imiter fidèlement. Ils réinterprètent nos actions pour les exacerber. Par exemple, moi, je n’avais jamais mis de rouge à lèvres sur mon front.
Alors, attention aux petites oreilles qui traînent quand on se fout de la poire de la maîtresse et de sa voix nasillarde, ou qu’on règle aimablement (non) ses comptes avec son conjoint. Bientôt, nos enfants verront en nous des tocards ringardissimes qui ne savent pas utiliser le Paltaler (ou quelconque objet technologique qui n’a pas encore été inventé à notre âge de pierre). Mais aujourd’hui, notre engeance nous considère comme la crème de la crème en termes d’exemple à suivre. Oui, elle se fourvoie. Mais ce n’est pas le sujet. Elle n’a qu’un seul objectif : se comporter comme nous, mais en pire.
Se montrer intègre devant ses enfants ne garantit pas qu’ils ne harcèleront jamais leurs camarades. Cependant, ils disposeront à la maison d’un modèle de décence pérenne, qui, nous, nous permet d’intervenir en toute légitimité.
Je résumerai donc ce courrier en quatre termes : affronter, comprendre, réparer et trouver d’autres moyens d’exprimer son mal-être.
Je te laisse, je vais faire du bénévolat (non, ce n’est pas vrai, je dois racheter des rochers au chocolat.)
La bisette,
Ta Daronne
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