Il y a bien des façons de parler de l’autisme de son enfant. Je pourrais choisir de vous raconter le parcours du combattant rien que pour avoir un diagnostic, les rendez-vous avec des intervenants qui n’ont pas le même discours, l’enfer administratif pour avoir LE sésame et les fausses joies à chaque courrier reçu estampillé MDPH (Maison départementale des personnes handicapées).
Je pourrais parler des nuits d’insomnie à cause de ses crises de larmes inconsolables, des départs précipités dans les magasins avec ton fils que tu est obligée de porter comme un sac de patates qui hurle à la mort et se débat comme un tigre dans tes bras… Et de bien d’autres crises de nerfs parce qu’on ne prend pas la même route que d’habitude ou parce qu’on a mal expliqué quelque chose et que c’est pas ce qu’il avait compris.
Un suivi par une orthophoniste et des progrès considérables
Aaron a 4 ans. Il est en moyenne section et est scolarisé à mi-temps depuis sa première rentrée. Il est, pour faire simple, autiste léger non verbal. Cela veut dire qu’il n’avait pas les clés pour communiquer verbalement avec le monde.
Il a dû et est encore en train d’apprendre à parler. Depuis un an, il est suivi par Justine, son orthophoniste qui est tout simplement géniale et grâce à qui il a fait des progrès considérables. Il ne comprend pas les codes sociaux et le pourquoi du comment de certaines choses. Même si on lui explique cela ne fait pas sens pour lui.
Mais Aaron, pour moi, ce n’est pas ça.
En fait, quand on parle des enfants autistes, on parle de l’autisme de l’enfant, mais pas de lui. Si je devais vous définir la vie de rêve pour Aaron, ce serait de vivre en permanence l’été, nu, dans une piscine au milieu des dinosaures, se nourrir de chocolat, de glaces et de pizzas en écoutant la BO de Mégaman 2.
Il a un bon caractère affirmé, un brin autoritaire. Là, en ce moment, il a décidé qu’il en avait marre de faire ce que les adultes lui demandent, ben oui pourquoi il ne pourrait pas être le chef un peu aussi. Alors il s’insurge, tout refus de notre part entraîne un « C’est pas juste !!! » suivi d’un claquement de porte (vivement l’adolescence). Quand il a des accès d’autorité il te lance un bon : « Non c’est pas toi qui dit, c’est moi ».
Une passion pour les dinosaures
Malgré ça, Aaron est une pépite de bonheur. Il est toujours heureux, même malade, et quand ça ne va pas, si cela dure une heure, c’est le bout du monde. Il aime les robots, les bateaux de pirates depuis qu’il a vu La planète aux trésors, les jeux vidéos old school et a une passion pour les dinosaures qui dépasse tout.
Alors qu’il est incapable de faire des phrases complètes, il peut te corriger si tu te trompes de race de dino (on ne déconne pas avec ça !). Son rêve ultime : que je le laisse ENFIN regarder Jurassic Park.
Paradoxalement, c’est une vraie pipelette. Il parle beaucoup mais surtout, il chante tout le temps, toute la journée. Depuis peu, il invente des paroles sur des airs existants. On a donc eu droit à « Je veux la pizza, je veux la pizza » au lieu de « Up town funk you up » de Bruno Mars ou « Je m’aime les cochons » sur l’air de Mc Gyver (si si allez y faites le test vous allez grave me remercier).
Il a développé son propre style de danse : mi-classique, mi-hip hop. Il est amoureux de Beyoncé et Rihanna. Si vous voulez le faire descendre au salon il suffit de balancer « Single Ladies » pour le voir rappliquer à la vitesse de la lumière. Il adore tous les styles de musique, ce qui compte, c’est que ça claque. En ce moment, il est plutôt rap et musique électronique.
Le festival des câlins
Son kiff, c’est d’être en sandwich et enlacé entre ses deux parents (on fait partie de la secte du co-dodo). Le matin et le soir sont un festival de câlins. Il partage son amour entre papa, maman et surtout Nova son chien.
Elle a droit à des sérénades d’amour : « Tu l’es mon chien kro mignon » suivi d’un millier de bisous sur la truffe. Ils passent leurs journées à se câliner et à jouer. Et quand il est fatigué ou malade, il peut rester accroché dans mes bras comme un gorillon toute la journée.
Aaron c’est aussi le roi de la blague. Ses passions : te piquer ta place dans le lit, se cacher quand tu le cherches (on l’entend pouffer de rire à 5 pâtés de maisons) et te dire qu’il a perdu un truc qu’il a dans la main. Là, c’est plus subtil parce qu’il est avec toi en train de faire semblant de chercher et il attend de voir au bout de combien de temps tu remarques qu’il l’a. Le must pour lui c’est de faire ça 3 minutes avant de partir à l’école.
Mais SURTOUT pour son papa et moi, Aaron est un petit garçon de 4 ans qui derrière ce sourire et cette énergie, lutte en permanence pour comprendre ce monde bizarre dans lequel il est censé vivre. Ce monde avec ses lumières trop vives, ses bruits trop forts et ses gens trop violents qui crient, font des grands gestes et s’agacent d’un rien.
Aaron, c’est un guerrier
Qui lutte pour se faire accepter à l’école, avoir des copains et trouver un moyen de communiquer avec eux. Qui lutte pour simplement parler avec ses propres parents de ce qu’il aime ou de ce qui l’angoisse.
Un petit garçon qui lutte pour apprivoiser ses émotions et surtout ce monstre de colère qui s’échappe parfois et fait beaucoup de dégâts. Qui lutte surtout comme un chef tous les jours pour rester avec nous, dans notre monde et avoir la force de quitter sa cité fortifiée bien bâtie dans sa tête, dans laquelle il est un super-héros qui a tous les pouvoirs et où rien ne peut lui arriver.
Mais quand le soir, il vient se lover contre moi, épuisé par tant de bagarre, et me regarde avec son air de coquin heureux, je ne m’en fais pas.
Aaron, c’est un guerrier.
À lire aussi : Pourquoi les enfants ne porteraient-ils pas automatiquement les noms de leurs deux parents ?
Crédit photo image de une : cet enfant n’est pas Aaron, mais il a l’air d’aimer les dinosaures autant que lui… @Eddie Kopp / Unsplash
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Les Commentaires
Je trouve toujours "passionnant" de lire des personnes concernées s'exprimer à ce sujet.
Bien qu'il y ait autant d'autisme que de personne avec autisme, ça permet toujours à une personne neurotypique comme moi de tenter de saisir un poil les "particularités" qui nous diffèrent et surtout de tenter de faire en sorte d'être plus inclusive dans ma manière de penser, de faire, d'être et de dire .
(j'espère ne pas avoir été blessante en m'exprimant, je ne savais pas comment le faire)