Salut toi ! Comment tu vas ?
Suzanne m’a écrit ce texte sur l’évolution de son corps au fil du temps, comment elle s’est définie et se redéfinie avec lui. J’ai trouvé ça chouette et j’ai eu envie de le partager cette semaine dans ce Corps à cœur, Cœur à corps.
Corps à cœur, Cœur à corps
Si tu n’as pas suivi, il s’agit d’une série de témoignages illustrés par Léa Castor, mettant en avant des personnes qui ont décidé d’avoir un regard plus positif vis-à-vis de leurs complexes physiques.
Il ne s’agit pas de se sentir bien À TOUT PRIX (ça suffit les injonctions, oh !) ou de dire qu’il y a des complexes plus importants que d’autres, mais d’observer les chemins que prennent différentes personnes pour se sentir plus en paix avec elles-mêmes.
Tous les corps sont différents, ça te dit de les célébrer avec moi chaque semaine ?
Les illustrations sont faites par mes petites mains et à partir de photos envoyées en même temps que le texte. J’en reçois plusieurs et je choisis celle qui m’inspire le plus.
Donc, sans plus attendre, le témoignage de cette semaine.
Mon corps, tu as de beaux jours devant toi
Cher corps, Il y a quatre ans je t’ai écrit ce texte : « Je remarque pour la première fois à cause du clair-obscur des fines rides à la naissance de mes seins.
À 24 ans. Bam.
Elles étaient là, cela n’a duré que quelques instants, seulement le temps de l’éclaircie et de mon reflet sur l’écran de mon ordinateur. Sur la peau rendue dorée elles étaient là, de petits plissements fins, juste au-dessus du rebondi, et de la ligne de mon tee-shirt.
Je perds déjà, il faut croire, la fermeté impudente. Je vais devenir une femme qui a eu de beaux seins. Les deux globes qui font ma fierté lorsque j’enlevais mes vêtements seront bientôt lourds.
Et si ce n’était que mes seins.
Mais ma gorge ? Mais la base de mon cou et la texture de ma peau ? Je n’avais pas envisagé qu’ils puissent me trahir.
Je ne pensais pas que la décadence viendrait par là. Mon visage est encore lisse. J’ai une peau de bébé. Haïssez-moi, je n’ai jamais souffert d’acné. Aurais-je du renoncer au soleil ? Quelle est la prochaine étape ?
Ces petites lignes blanches dessinent un long V qui s’écrase. »
Je connaissais mon corps et j’avais appris à l’aimer, je l’aimais avec ses rondeurs, ses lourdeurs, le pantalon qui se déchire toujours au niveau des fesses et les cuisses qui frottent jusqu’à brûler sous les robes fleuries en été.
J’ai observé les femmes de ma famille, ma mère et la mère de ma mère surtout.
Dans ma famille, on ne devient pas des vieilles rabougries, non. On devient des matriarches avec des soutiens gorges grands comme des toiles de tente.
J’avais des grosses fesses et un ventre qui faisait des plis mais mon décolleté compensait, mon amoureux m’a dit une fois que j’étais une « déesse callipyge ».
Un certain Clément a écrit un poème à la gloire de mes seins ! Un autre une chanson intitulée « baise-moi ! »
Putain, j’ai 28 ans et je me sens nostalgique comme une aïeule.
Et maintenant, quatre ans après ces premières inquiétudes j’ai eu tort sur toute la ligne. Après un enfant que j’ai porté et nourri, mes seins que je m’attendais à voir s’alourdir, ont presque disparu.
Je ne m’y attendais fucking pas. J’ai fondu bizarrement, je me vois dans la glace et on dirait un babybel oublié au soleil. Ma poitrine est posée, légèrement aplatie, mon ventre est creusé mais a toujours des plis et du gras.
Cher corps, tu me montres comme ma vie a changé ces derniers temps. Je me sers de toi tous les jours à présent je ne suis plus penchée sur un ordinateur, mes bras ont minci, ma taille aussi, pas mon cul, non, la génétique est plus forte que tout.
Je suis marbrée de vergetures pâles pour bien rappeler les étapes de ma vie.
Je me regarde dans la glace et je ne me reconnais pas.
J’étais fière d’avoir réussi à t’aimer mon corps et j’ai l’impression que je dois recommencer à zéro.
J’ai été la fille dodue et marrante et maintenant je suis quoi ? La maman qui s’entête à faire du topless avec son corps en pâte à pain et deux petits seins épuisés ?
En me déshabillant pour prendre cette photo je me suis rendue compte de quelque chose de nouveau en moi : des muscles, timides encore mais présents.
Des muscles qui témoignent des seaux d’eau portés, des réveils à 5h30, de mes kilomètres de marche quotidiens, de mes deux petits-déjeuners car j’ai toujours faim, des bottes de foins transportés, de la grange rénovée, des animaux que je peux soulever, des sacs de grains de 25 kilos que je mets sur mon épaule et de mon fils que je porte sur la hanche quand on se promène sur la ferme.
J’ai hâte d’avoir trente ans. Cher corps tu as de beaux jours devant toi.
Témoigner sur ses complexes, ça fait quoi ?
J’ai également demandé à Suzanne de faire un retour sur cette expérience : témoigner et voir son corps illustré, ça fait quoi, qu’a-t-elle ressenti ?
Ma première réaction en recevant ton dessin est de voir que le document s’appelait : « témoignage-corps-vieillir » et de me dire que c’était un peu cash et aussi que cela résumait exactement le contexte de cette expérience.
Lorsque j’ai écrit ce témoignage j’avais besoin de faire le point, je ne me sentais pas vraiment légitime à témoigner, mais je voulais essayer de mettre des mots pour m’approprier ce nouveau corps.
Depuis je crois que j’ai réussi à « tourner la page » de toutes ces années à me scruter pour voir quel allait être le produit fini.
J’ai réalisé avec ce dessin qu’il n’y aurait pas de fin à l’évolution de mon corps et qu’il continuerait à s’adapter aux besoins que j’aurais de lui.
Je reconnais dans ce dessin celle que j’étais il ya quelques temps, on dirait que l’image est en mouvement, le bras seulement figé pour quelques secondes et je trouve cela magnifique.
Merci encore Léa !
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