Le métier de sexperte conduit régulièrement à des situations inconvenantes comme des partouzes dans du jus de pomme ou des bas en latex qui lâchent en pleine soirée bondage. Mais ça, c’est gérable. Quand on est sexperte, les ruptures de préservatif (classique), la brouette thaïlandaise qui fracasse un lavabo (authentique) ou les sextoys qui se déchargent en pleine action (idem) n’inspirent qu’un air désinvolte. En revanche, avoir un petit ami blindé de thunes implique une panique de niveau 4 (niveau 1 : ma mère débarque sans prévenir dans ma garçonnière, niveau 2 : je découvre que j’ai pris 200 grammes, niveau 3 : ma connexion Internet est cassée, niveau 5 : une bombe atomique vient d’être larguée sur ma personne et il me reste trois secondes à vivre avant de terminer en bûchette cendrée).
Comment en suis-je arrivée là ? Par un cercle vicieux que je vous recommande d’éviter. Depuis ma découverte de la monogamie le jour de mes 25 ans, en 1413, mes copains ont toujours eu plus de thunes que moi – ce qui ne présente aucune difficulté à partir du moment où on a Brevet des collèges +1. Je me rattrapais en affichant des boulots plus intéressants. Malgré une différence de salaire du simple au double, on conservait un niveau de vie équivalent (ils cotisaient pour leur retraite, pas moi, de temps en temps ils payaient un week-end romantique, mais pour le reste on pouvait partager les frais sans que je dorme sous un pont).
La situation actuelle est bien plus dramatique. Le copain cuvée 2011, outre qu’il a environ 14 ans (coming-out : je suis désormais une cougar), possède douze appartements, cinq entreprises et deux yatchs (à quelques exagérations près), tout ça via son boulot et non un héritage. Il peut se verser autant de salaire qu’il veut. Il ne pense pas à l’argent – l’enfoiré.
Mes copines me disent que j’ai trop de chance. Un copain jeune ET riche !
Sauf que voilà ce que ça donne en réalité : quand on se fait un restaurant dans la ville horriblement chère et scandinave où il vit, et que j’insiste pour payer, l’addition est à 300 euros. Impossible de le traîner au Flunch comme tout le monde. Si on part en week-end, il faut louer un loft. Il m’a gentiment proposé qu’on passe en février quelques jours à New York avant de filer en vacances en Grèce (je n’ose même pas regarder le prix des billets pour ce « petit détour sympa » – sans même parler des hôtels). Il a pensé, à Paris, que le Costes n’était pas vraiment à la hauteur de sa réputation.
Par fierté totalement déplacée, je ne lui ai toujours pas avoué que je suis pauvre. J’ai dû arracher les étiquettes H&M sur mes fringues pour ne pas qu’il fasse une attaque (il me préfère en Hugo Boss). Il surveille les marques de mes chaussures (du coup maintenant, mes Louboutin, je les porte au lieu de les regarder… mais je suis tellement mieux dans mes bottes à 40 euros). Il râle devant mes meubles Ikéa. Je pense que je n’oserai jamais lui dire que j’adore la soupe en boîte, les kebabs à quatre heures du matin et les bars à ivrognes.
Mes copains me disent qu’en bon gentleman, il devrait tout payer tout le temps. Sauf que j’ai bien précisé qu’on parlait de mon petit ami cuvée 2011, et pas 1911. Qu’en outre, en Scandinavie, on partage l’addition. Et qu’enfin, jusqu’ici, j’ai toujours compté sur moi-même pour m’offrir la vie de mes rêves, et que je ne compte pas me laisser entretenir.
Après avoir sérieusement songé à vendre mon corps, puis avoir réalisé que louer son vagin à des inconnus pour impressionner un mec était un chouïa contradictoire, j’ai décidé de continuer à claquer toutes mes économies en un temps record. A ce rythme, vous me verrez dans un mois vendre de la cocaïne à des enfants de maternelle pour me faire des sous, avant de passer au trafic d’organes de bébés volés dans les hôpitaux. Pour l’argent de poche, j’attaquerai des petits vieux. Ce qui signifie qu’à court terme et vu mon talent pour le crime, je finirai en prison. Tout ça à cause d’un salaud de riche.
Jeunes femmes, soyez raisonnables et tirez parti de mon exemple : pour votre propre salut, oubliez la culture bling-bling et limitez-vous aux pauvres. Ils sont beaucoup moins embêtants.
(Comment ça lui dire la vérité ? Non. Je ne lâcherai jamais le morceau. Trop de fierté. Je préfère encore trouver un moyen de l’appauvrir.)
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Parce que du coup j'ai plus le droit aux petits cadeaux et il faut que je paye toutes ses bières ::
Étant passée de l'autre coté de la barrière, on s’accommode aussi de cette façon de vivre même si c'est bien mieux quand on est deux à gagner de l'argent! ^^