La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
La question pour la Daronne
Chère Daronne,
Il y a quelques mois, ma boîte a recruté un nouvel employé, il travaille dans mon équipe. Nous avons tous des postes différents, mais complémentaires. Mon nouveau collègue travaille lentement et je dois systématiquement rattraper ses erreurs, avant d’attaquer mes tâches. Ça me prend un temps fou, que je n’ai pas, et il m’arrive souvent de rester plus tard au boulot. J’ai rapidement réalisé qu’il n’avait pas certaines compétences requises, malgré un CV béton et des études supposément dans notre domaine d’activité. Je suis fourbe, mais j’ai profité d’avoir un gros réseau pour me renseigner et ce collègue a menti. Sur ses études ET son expérience professionnelle.
Je dois dire que l’idée de travailler avec un menteur, et possiblement incompétent, me rebute. Mais je n’aime pas jouer les délateurs non plus. À ton avis, je le balance, ou pas ?
Charlie
La réponse de la Daronne
Mon petit cor de chasse,
Que veux-tu que je te dise ? L’entreprise, c’est la reproduction miniature de la société humaine. On y trouve tout ce qu’on trouverait ailleurs : de la sincérité, des mensonges, des petits chefs, des dilettantes, des balances, et j’en passe.
Pour être parfaitement honnête, je pense que ton collaborateur n’est pas le seul salarié de ton bureau à avoir traficoté son CV. La pratique est répandue, mais elle exige de maîtriser les compétences annoncées, ou d’une capacité d’apprentissage éclair. Autrement, c’est la catastrophe assurée, et pas forcément pour ceux que l’on croit.
Alors, faut-il ou non le balancer ? Tu le sauras en lisant la suite de ce courrier.
Mentir sur son CV : c’est mal ? Oui (mais…) !
Que les choses soient claires, copains lecteurs : je ne vous encouragerai JAMAIS à mentir sur vos CV. La raison est très simple, et ce courrier en est la preuve : vous risquez de vous faire cramer.
Pour les plus amateurs de Friends d’entre vous, rappelez-vous de cet épisode absolument insupportable ou Joey essaye de parler français. Joey est immédiatement démasqué, mais comme Rachel enceinte est très émoustillée par Phoebe qui, ELLE, maîtrise la langue de Molière, tout est bien qui finit bien. Car Friends, ce n’est pas la vraie vie. Dans la vraie vie, Joey serait grillé ad vertam dans son milieu professionnel.
NB : La situation serait parfaitement différente si le futur salarié possédait les compétences exigées pour occuper le poste, mais que d’autres éléments discriminants barraient sa route. On les connait les recruteurs qui grimacent devant trois ans de congé parental et l’enfant qu’il implique dans un CV, et qui privilégient les grandes écoles, très élitistes et très chères.
Mais nooooon ! Je ne recommande à personne de mentir, je dis simplement que la fin justifie les moyens.
Doit-on balancer un collègue menteur ?
Je trouve le principe de délation absolument répugnant. Cela dit, ce n’est pas la raison principale qui me pousse à te déconseiller de révéler la supercherie.
Dénoncer, c’est avant tout s’exposer à de sacrées emmerdes. Je ne crois pas que ton collègue soit chirurgien ou instructeur de tir à la carabine et je suppose qu’il ne met personne en danger. Alors, crois-moi, ça ne vaut pas le coup. Tout le monde déteste les balances, surtout ceux dont la parole vient crever un déni aussi confortable que volontaire.
Qu’est-ce que tu crois ? Que nos superviseurs passent leurs réunions à se tripoter la nouille en buvant des cafés ? PAS SEULEMENT ! Ils passent aussi de longues heures à loucher devant des tableaux Excel qui décortiquent en détail le moindre résultat. Si ton collègue est incompétent, mais qu’il est toujours assis au même endroit, c’est qu’il en a été décidé ainsi. Je ne suis pas complotiste, je ne pense donc pas que la raison de ce choix implique une conspiration mondiale. À mon avis, même si ce collègue tire au flanc, les autres sont là pour rattraper le niveau et les résultats généraux sont satisfaisants. En attendant, tu fais des heures supplémentaires, et l’ambiance dans l’équipe est délétère. Mais les résultats sont satisfaisants. Alors, qu’est-ce qu’on s’en tamponne le coquillard de votre bien-être de salariés.
Agir avec noblesse d’âme, d’esprit, mais aussi avec malice !
Je te conseille de ne pas te tromper de cible, mais pas de te faire empapaouter sans bouger pour autant. La première chose à faire, selon moi, c’est d’aller trouver l’imposteur et le prévenir que tu sais tout, et qu’en d’autres circonstances, tu t’en moquerais (et tu devrais). Malheureusement, tu dois rattraper ses erreurs et ce n’est plus possible pour toi. À lui de trouver un moyen d’arranger les choses, sinon tu devras avertir votre superviseur, même si tu ne diras rien pour le CV. J’insiste là-dessus.
Ensuite, tu feras comme tu as dit. Si rien ne se passe, tu préviendras ton superviseur que les erreurs de ton collègue te font perdre énormément de temps et que ce n’est plus pérenne. Si la situation n’évolue pas, je t’invite à te rapprocher des RH et/ou d’un délégué du personnel. Toujours au sujet de tes conditions de travail dans une équipe où il manque un poste, pas au sujet de ce CV. Non n’insiste pas.
Je te laisse, je vais éditer mon profil LinkedIn
La bisette,
Ta Daronne
Les Commentaires
Quant à ce que je décrivais, je répète que je travaille dans une très grande entreprise, donc se mettre en lumière en entretien ne volera jamais la vedette aux autres dans les faits, tout simplement parce que normalement, on passe des entretiens avec des gens qui sont neutres (on ne travaille pas ensemble, ce sera absolument jamais notre manager actuel par exemple) puisqu’il y a assez de monde pour ça, donc soit ils n’ont jamais entendu parler de nous, soit ils ne savent pas de quel projet on parle et n’iront pas vérifier les détails, et dans tous les cas, ils ne savent pas qui sont nos collègues qui étaient sur le projet avec et ne seront pas responsables de leur avancement. Le seul cas où ça pourrait poser problème, c’est si on est plusieurs à passer le même entretien et qu’on raconte la même histoire à la même personne qui reconnaît le projet dont on parle, mais franchement c’est pas si fréquent vu que les gens qui recoivent en entretien sont nombreux, et puis si ça arrive, au pire ils comprendront bien ce qu’on est train de faire et le traiteront comme un récit d’entretien, pas un fait diminuant les autres personnes qu’ils ont reconnus dans le récit.
Et je dis pas que c’est bien forcément, ça m’a gavé les premières fois où je me suis ramassée car je comprenais pas le style d’entretiens, je trouve que ca marche bien globalement vu les gens qui ont été sélectionnés dans mon équipe et sont très bons, mais ça favorise aussi certaines personnalités et on peut du coup se retrouver avec des gens doués pour brasser de l’air ce qui est très relou, mais juste ce que je disais c’est que c’est un style répandu, donc l’honnêteté absolue et pure est loin d’être toujours vue comme acquise et attendue dans le monde du travail - c’est tout ce que je disais par cette petite phrase sur tout le monde ment plus ou moins, et peut-être même son boss.
Car bien sûr qu’être honnête m’a servi parfois et d’autres fois pas du tout (big up à la recruteuse qui m’a demandé de lui dire un défaut et quand je lui ai dit un truc très soft m’a engueulée car c’était un défaut), et j’imagine bien que certains sont très honnêtes, bravo les amis, soyez libres d’être vous-mêmes, je dis pas l’inverse ! Seulement bon, je pense quand même qu’on peut un peut généraliser sur le fait que c’est une pratique courante dans le sens où je l’entendais, et qu’on ne sait donc pas comment ce sera perçu par un tiers (encore une fois l’ampleur du mensonge et sa nature est très vague dans le témoignage donc je ne sais pas vraiment à quoi la MadZ se réfère).